Chalon sur Saône

Artus n’a caressé personne dans le sens du poil

Artus n’a caressé personne dans le sens du poil

« Si vous aimez les plats épicés, bon appétit et bon spectacle ». Le décor était planté. Vendredi soir à Chalon-sur-Saône Les Régalades du Piccolo avaient en Artus un trublion qui n’a pas mâché ses mots dès lors qu’il ouvrait la bouche. A-t-il à ce point fait amende honorable dans l’au-delà, auprès du Très-Haut ? « Dieu créa Artus » a clamé le comédien. Tout porte donc à le penser si on croit l’olibrius sur parole…

 

Il n’avance jamais à tâtons, contrairement à la physionomie de la partie

Artus a pris la température en conditionnant le public (on affichait complet) au moyen d’une entrée en matière-test. « Tous les jours on devrait s’offrir cinq minutes de beaufitude. Je vois que pour certains ça n’a rien changé… ». L’opération déstabilisation de l’amuseur public s’annonçait sous les meilleurs auspices, d’autant plus que le Théâtre Piccolo était fort à son goût. « Il y a deux dates à faire dans la carrière d’un artiste : Broadway et Chalon ! ». Son spectacle, « Al dente », n’a pas usurpé sa dénomination, craquant sous la dent, et consistant dans l’oreille. L’amorce a été surréaliste. « Ce soir vous êtes au paradis…en même temps ça veut dire que vous êtes morts ! Il y a un gros avantage au paradis où Freddie Mercury tient la cantine, vous allez retrouver toutes les vedettes que vous avez eues en bas. On n’a pas encore reçu Christophe Maé, on prie tous les jours. Ca fait quoi si on mélange un homme et une poule ? Christophe Maé. On ne comprend pas quand il chante. Je vais pouvoir vous présenter le patron : Le Seigneur. » Et de lui adresser ses desiderata en stigmatisant certains peuples (les Chinois, les Roumains…, ouvrant et fermant une parenthèse sur l’ex-roi de la Formule 1 Michael Schumacher, inventant dans son délire d’invraisemblables croisements d’espèces animales. Il y a par ailleurs un seul métier dans lequel il n’aurait pu s’épanouir : policier. En ce cas, un spécimen bien peu zélé et copieusement aviné classant sans suite dossier sur dossier, qui reçoit dans son bureau les témoins d’un accident de la circulation, à savoir un non-voyant et une personne muette ! Avant de forcer l’accidenté venu témoigner à ne pas repartir avec la chaise (son fauteuil roulant) sur laquelle il avait déposé son séant. Tant bien que mal le pauvre hère a dû plier bagage sans demander son reste…

 

Une ligne directrice avec un gros plus, les spectateurs-acteurs

Artus a une incroyable facilité à composer sur-le-champ avec l’assistance, à improviser, et celle-ci est parfaitement entrée dans le jeu en obligeant l’invité à répondre du tac au tac, le forcer à user de son sens maîtrisé de la répartie, le caractère intimiste du Théâtre se prêtant on ne peut mieux  à ces joutes oratoires, pour un oui on un non. Sur la profession de tel ou tel, voire les mimiques ou l’esclaffement subit, l’échafaudage à la vitesse de l’éclair de plans rire aura largement contribué au succès de l’entreprise. L’interactivité dans toute sa splendeur, au prix, parfois d’une croix sur la bienséance et la moralité ! « Je vous ai formatés depuis le début à être dégueulasses ! » Artus a néanmoins avoué des fissures sur sa façade. «Il y a plein de questions existentielles qui me traversent. Comme, par exemple, si je fais l’amour à une femme enceinte, est-ce que j’ai une petite chance de me faire sucer par le bébé ? » Jamais le garant d’une éclatante liberté de ton ne s’embarrasse de convenances, peu propices aux ricanements ou aux gloussements, fussent-ils sous cape. Pas plus lorsqu’en Québécois (« J’aimerais vous transmettre mon secret. Un seul mot peur changer votre vie : j’accepte», avec nombre de non-dits et de mises sur la voie suffisamment explicites…), qu’au moment des tirades imagées autour « du gros cul ». Mais les tenants du café-théâtre n’étaient pas là pour appréhender les choses avec distanciation. Juste, et c’est déjà beaucoup, pour se gondoler. Contrat rempli du début à la fin, celle-ci adoptant un profil insolite, à savoir une parodie de la chanson de Jacques Brel « Au premier temps de la valse », remarquablement remaniée en « Au premier temps de la vanne ». Tout au long du one-man-show les personnages insolites indépendants les uns des d’autres, nantis de vétilles montées en épingle auront rempli leur office dans le plus pur style de la badinerie.

                                                                                           Michel Poiriault