Chalon sur Saône

Accès de fièvre commémorative à Chalon ? La question est posée

Accès de fièvre commémorative à Chalon ? La question est posée

La tribune est co-signée par Jean-Yves Boursier, Professeur émérite des université en anthropologie, Robert Chantin - professeur agrégé à la retraite d'histoire et docteur en Histoire Contemporaine et Jean-Jacques Fouché - Inspecteur Général à la retraite au Ministère de la Culture, ancien directeur du Centre de la Mémoire d'Oradour sur Glane et de la Maison de la culture de Chalon sur Saône. Pour la petite histoire, Robert Chantin fut même le professeur d'histoire-géographie de l'actuel maire de Chalon sur Saône.

Photo Laurent Guillaumé - Info-chalon.com

Communiqué

Des affiches apposées dans la ville annoncent « il revient ». « Il » est de retour ! Napoléon Ier, empereur des Français… Pas moins. « De retour » depuis où ? De l’île d’Elbe ? De Waterloo ?

Le site de la mairie de Chalon nous apprend qu’au long de 4 journées, fin mai, la ville célébrera le 200e anniversaire de l’attribution de la légion d’honneur par Napoléon Ier, de retour de l’exil sur l’île d’Elbe, en reconnaissance de sa résistance à l’envahisseur autrichien en 1814.

 « Reconstitution de batailles », « défilés », « bal napoléonien » etc. etc. Quelles batailles seront reconstituées ? Aurons-nous droit à Trafalgar sur la Saône ? La Saône transformée en Bérézina avec construction de pont provisoire, le froid en moins ? Waterloo à la prairie Saint-Nicolas ? Un « bal napoléonien », lorsque l’on sait le mépris de l’Empereur pour les bals de la Cour ? Les élus costumés, maire en tête, incarneront-ils des personnages de l’Empire ? Qui sera Napoléon ? Qui jouera Talleyrand (qui fut évêque d’Autun) et son art de trahir ses engagements ? Quel élu sera déguisé en maréchal et général d’Empire ? Qui sera Marie-Louise ? Quel menu ? Un repas de cochon ou une soupe de « substitution » ? Le temps des palais, des costumes et de la Cour revient-il ? La garde municipale sera-t-elle à cheval et costumée en grognards de l’Empire avec l’équipement de nouveaux sabres ?

Quatre jours, c’est le même temps que dura la dernière offensive napoléonienne en 1815, du 14 au 18 juin, s’achevant en fiasco à Waterloo, face à l’Europe coalisée !

Tout cela pourrait faire sourire ou plus, si l’on ne pouvait craindre une opération visant à colporter une mystique légendaire fabriquée par des nostalgiques d’un temps où était confondue la grandeur avec les cruautés des guerres d’expansion et la colonisation de 1799 à 1815.

M. Platret, qui prétend faire de l’histoire, ne peut ignorer l’adresse à l’Empereur par le Corps Législatif, en date du 29 décembre 1814, condamnant « l’activité ambitieuse si fatale depuis 20 ans à tous les peuples d’Europe » qui « engloutit périodiquement une jeunesse arrachée à l’éducation, à l’agriculture, au commerce et aux arts » ? Protestation immédiatement censurée en violation des droits très restreints des parlementaires.

Depuis son arrivée aux affaires, le maire de Chalon-sur-Saône qui s’imagine en « maître des cérémonies », tel un bourgmestre régnant, est atteint d’une fièvre commémorative aiguë qui l’a déjà conduit à présenter un spectacle « son et lumière » somptueux en septembre 2014, intitulé « d’une guerre à l’autre », prétendant retracer l’histoire de la ville et de ses habitants de 1914 à 1945. 

La politique culturelle du maire serait-elle limitée aux mises en scène des commémorations et aux mises en spectacle de lui-même ? On comprend très mal ces dépenses alors que les budgets d’accompagnements scolaires, des associations et des institutions culturelles et sociales sont rognés sans dialogue au prétexte des difficultés financières que connaitrait la ville et à satisfaire les dieux de la dette. La rigueur budgétaire ne serait-elle pas pour tout le monde ? Les élus ne devraient-ils pas montrer l’exemple sur les restrictions ?

La mise en spectacle d’une supposée grandeur impériale ne sert-elle pas à masquer le contrôle des initiatives culturelles et sociales par la pénurie et la diminution des moyens, à faire oublier le quotidien, les difficultés de la population chalonnaise et l’absence de perspectives d’avenir ....  autre que la promotion de son maire ?

 

Jean-Yves BOURSIER, Robert CHANTIN

Jean-Jacques FOUCHÉ

Citoyens républicains

LE 21/04/2015