Bernard Simonet a vécu en direct l’ébranlement du Népal…

Bernard Simonet a été médecin généraliste à Buxy une trentaine d’années durant, fonction stoppée en 2012. Amoureux transi du Népal, il vient d’y emmagasiner un mois durant quelques pièces à destination de son anthologie avec son épouse Claudine, principalement pour des raisons d’ordre caritatif. L’ex-soignant a donc vécu en direct le violent séisme du samedi 25 avril qui a plongé le pays dans le désarroi. Rentré à Buxy le mercredi 6 mai, il rend maintenant compte.

Pont, école, dispensaire, et maintenant la perspective des cheminées, le village se structure toujours davantage

C’était son cinquième séjour dans cette contrée d’Asie pour laquelle il voue un culte immodéré. «Je suis montagnard, parapentiste, et alpiniste modeste. Là-bas, ça représente la montagne. La première fois –en 2009- j’y suis allé pour grimper, et ce sont des gens tellement attachants que l’on ne peut pas ne pas y retourner. En revenant, j’ai cherché une association, car on avait envie de les encourager, de s’investir avec mon épouse. » Ce fut « Au Népal, un village, une amitié en marche », dont il est actuellement l’un des vice-présidents, et qui recense des adhérents de toute la France « Cette fois nous y allions plus pour faire le point sur les réalisations au cœur du village de Basa-Rapcha, avec sa multitude de hameaux, situé le long de la rivière qui descend de l’Everest, à 150 kilomètres à l’est—nord-est de Katmandou. La route n’y arrive pas, c’est à deux jours de marche du petit aéroport de Phaplu (2300 m d’altitude) ; tout ce qui parvient au village l’est à dos d’homme et d’animal. Une des actions en cours de ces deux dernières années, c’était le dispensaire. C’est nous, l’association, qui payons l’infirmière et l’aide-soignante, une partie des médicaments, et avons financé la construction. Je me suis aperçu de beaucoup de pathologies respiratoires et oculaires. Le trek était une partie facultative. Il faut savoir à ce sujet que le système de l’association repose sur le fait que l’on s’en va entre amis, et sur place se trouve une agence de treks népalaise, composée de gens et de porteurs du village en question. » L’association a par le passé contribué à l’installation d’un pont métallique suspendu ayant remplacé les précédents en bambou détruits à chaque mousson, d’une école (jusqu’au règlement des émoluments de quatre professeurs sur les quatorze en activité) et donc du dispensaire. Mais la philosophie de « Au Népal, un village, une amitié en marche » n’a aucun rapport avec un impérialisme stérile. « Le but de l’association est de refuser l’assistanat. Elle veut simplement amener des moyens financiers aux habitants, pour qu’ils prennent ensuite le relais quant aux réalisations à effectuer. On a passé un contrat moral », explique M. Simonet. L’un des chevaux de bataille a pour nom cheminée. « Les gens font toujours la cuisine par terre au milieu de la pièce sans aucune évacuation, ce qui est extrêmement préjudiciable à leur santé », déplore Bernard.

« On ne pouvait pas tenir debout »

Lorsque le phénomène sismique a eu lieu, qu’a-t-il ressenti ? « J’étais à 4200 mètres en train de faire une balade d’acclimatation avec mon épouse et un guide le long d’un torrent. Puis il y a eu une sensation de bruit de roulement, comme un orage ou une augmentation du débit du torrent, l’impression d’un mouvement rotatif. On ne pouvait pas tenir debout, nous nous sommes accroupis. Nous étions à peu près à 160 kilomètres de l’épicentre. Ca a dû durer 15-20 secondes, et c’était au moins à 5 -5,5 sur l’échelle de Richter. Le dernier gros tremblement de terre remontait à 60 ans. On venait de croiser un homme et une femme avec des yacks chargés. Elle est revenue sur ses pas après la secousse, nous a rattrapés à environ 30 minutes du village, et nous a indiqué que sa mère, alitée, n’avait sans doute pu sortir de la maison. Nous l’avons alors suivie jusqu’à son domicile complètement disloqué, et j’ai contribué au dégagement de sa mère qui était miraculeusement vivante après deux heures d’enfouissement sous les laves du toit, et aux premiers soins. J’étais médecin-pompier avant », relate humblement Bernard Simonet. Quant au village de Basa-Rapcha, ce n’était pas la porte à côté. «Il était à cinq jours de marche, nous n’avions aucune nouvelle de l’extérieur. On était isolés de tout. Il fallait repasser dans des zones d’éboulis, et il y avait des risques de reprise. Le lendemain d’ailleurs il y a eu une réplique. On a couché dehors, ça a duré deux nuits. La difficulté consistait à rejoindre le premier aéroport qui nécessitait trois jours de marche pour rejoindre Katmandou. C’est une région qui est située sur le chemin du camp de base de l’Everest, où il y a eu beaucoup de dégâts humains, avec aussi la destruction des lodges (ce qui correspond à nos refuges). Ce qui m’a surtout choqué, ce sont les hélicos qui passaient au-dessus de nos têtes pour récupérer les touristes convenablement assurés… ». Quid de la capitale ? « A Katmandou où on est arrivés à J+7 la vision était assez paradoxale. Il y a eu beaucoup de monuments détruits, plus d’électricité sauf pour ceux qui ont les moyens de posséder un groupe électrogène, beaucoup de magasins fermés, moins de circulation. La nuit c’est impressionnant, c’est noir de chez noir. Hormis ceci, des quartiers intacts, de l’eau dans les grand hôtels. La population est digne, avec le sourire alors qu’il y a des gens sous les décombres et qu’ils n’ont pas été insensibles à ce coup du sort. L’aéroport était pas mal saturé par le fret et les mouvements des journalistes», raconte Bernard, pour qui loin des yeux n’est point loin du cœur. « On accuse le coup, car ça fait suer de les laisser. On voudrait y rester afin de les épauler. Il va falloir les aider, au moins pour que les gens dont la maison est détruite, ne couchent pas dehors, avec des tentes. Il y a deux périodes de mousson : fin mai-début juin, et décembre-janvier-février. C’est très variable d’une année à l’autre, et d’un endroit à l’autre.  Pour leur donner un coup de pouce, on est peut-être plus utiles à témoigner en leur faveur. Sur le village de Basa-Rapcha ça tourne bien, mais ces événements vont changer notre fusil d’épaule. » Dans cette noirceur ambiante, fort heureusement une très bonne nouvelle a été portée à la connaissance de Bernard  ce samedi 9 mai, émanant de ses amis népalais avec lesquels il correspond par Internet. «Les jeunes militaires indiens portés disparus suite à l’avalanche consécutive au tremblement de terre ont été retrouvés au camp 1 et 2, soit plus haut que le camp de base ; il semble donc (bilan non définitif…) qu’ils aient échappé au désastre du Base Camp…Bien évidemment cela ne change rien au problème des tonnes de déchets laissés dans les années antérieures par les expéditions de toutes sortes (maintenant une taxe remboursable à la redescente des ordures limite le phénomène), en particulier les bouteilles d’oxygène dont l’utilisation me paraît plus que critiquable…et au fait que des gens risquent leur vie pour les enlever (il y a aussi des associations occidentales qui s’en occupent). » Quoi qu’il en soit, Bernard repartira là-bas. « Ca me conforte dans mon souhait d’y retourner. Ce sont des gens qu’on a envie d’aider, et qui sont d’une telle inventivité ! ».

Des Givrotins qui s’inscrivent dans la longévité : depuis 1983 !

Les époux Bechet, quant à eux, en sont à 22 séjours pour Marc, et 20 pour Jacqueline ! Excusez du peu ! C’est dire l’entichement qui est le leur. « Les Népalais sont extrêmement sympathiques et très débrouillards. Au village de Rapcha/Basa les deux ponts sont indemnes, tandis que le dispensaire, lui, l’est presque, mais un mur de pierre situé au-dessus menace de glisser avec la mousson. En ce qui concerne l’école, il y a deux bâtiments effondrés, et d’autres sont enfoncés. On est extrêmement touchés par ce qui s’est déroulé. Nous avons été bouleversés. Connaissant les conditions de vie de nos amis au village, ainsi qu’à Katmandou, on imagine la précarité et le soutien dont ils ont besoin. On leur a apporté un soutien moral, on était avec eux. C’est ça le plus important. A présent, quelle réorientation donner pour répondre à leurs besoins ? Vis-à-vis de leurs manques premiers il leur faut être énormément entourés. Nous devons absolument rester en contact avec eux. Il doit y avoir de la solidarité pendant un, 5, 10 ans, il faut penser à ce qui s’est passé en Haïti…Il va y avoir de la dispersion dans les aides, nous nous sommes mis en relation avec d’autres associations. De quelle façon reconstruit-on ? Comme ils ont fait jusqu’à présent, et ça va recommencer, ou en faisant moins et qui coûte plus cher, mais qui tienne le coup ? », éclaircit marc, vice-président de l’association « Au Népal, un village, une amitié en marche », lequel ajoute que « le tourisme concentre 1/3 du PNB du pays, et dans la région où nous nous rendons il est même supérieur à 80% ».

Si vous voulez faire oeuvre utile

Les chèques doivent être rédigés à l’ordre de «Association Au Népal, un village, une amitié en marche », à cette adresse : Mme Gisèle Bonnet -63490 La Roche (rédiger si possible au dos du chèque la mention « don spécial pour reconstruction au Népal)

Photos de Bernard Simonet                                                        Michel Poiriault