Opinion de gauche

Réforme du collège : Jaurès définitivement enterré ....

La « réforme collège 2016 », portée par l’actuelle ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, est un projet de casse de l’éducation.

Elle prévoit une réduction drastique des heures d’enseignement disciplinaire. Les élèves de 3e perdront 6 heures et demi de classe par semaine. Ainsi, la « réforme Collège 2016 » enterre le projet d’un collège unique qui dispense une éducation de qualité, ambitieuse pour toute une classe d’âge.
La fonction des enseignements disciplinaires sera réduite à la transmission d’un socle commun minimaliste qui ne constituera en aucun cas un capital culturel suffisant pour l’émancipation intellectuelle. Seuls les enfants qui ont un cadre familial favorisé, qui ont la possibilité d’avoir accès à des cours particuliers ou qui sont envoyés dans des établissements publics ou privés « prestigieux » pourront profiter d’une éducation disciplinaire d’excellence.

A travers différents modules, définis localement par une poignée d’enseignants obéissants ou contraints autour d’un chef d’établissement tout puissant, sera institutionnalisée la promotion de la sélection précoce au sein des collèges.

Les élèves les plus en difficulté seront orientés vers des projets techniques et professionnalisants. À l’inverse, les « meilleurs élèves » seront dirigés vers des projets à forte valeur ajoutée intellectuelle qui compenseront, en partie, la perte des horaires disciplinaires et l’allègement des programmes.
Cette « autonomie » des collèges, trompétée par la ministre, ouvre la porte à une mise en concurrence des enseignants entre eux au sein des établissements pour obtenir des heures ou du moins pour ne pas en perdre, mais également entre les établissements qui proposeront chacun leur palette de projets.

L’entreprise de destruction de l’éducation programmée par cette réforme ne s’arrête pas là.

En effet, sont prévus la quasi disparition des options Latin et Grec ouvertes à tous les élèves. Elles seront remplacées par un EPI (Enseignement Pratique Interdisciplinaire) « Langues et cultures de l’Antiquité » dont le contenu sera défini localement avec une dotation horaire insignifiante. En parallèle, l’éducation musicale et l’art plastique seront « globalisés » sans garantie de maintien des horaires, sans savoir si les élèves pourront bénéficier de ces deux enseignements créatifs et émancipateurs et sans savoir si l’enseignement sera dispensé par un professeur spécialisé. Cette réforme anéantit le projet d’un collège unique qui propose à tous les élèves des options enrichissantes, des cours créatifs ou scientifiques enseignés par des professeurs qualifiés et des langues vivantes plurielles synonymes d’ouverture sur le monde et de multiculturalisme.

La question qui demeure en suspend est : dans quelle logique globale cette réforme s’inscrit-elle ?

L’idée du pouvoir socialiste est la même que celle de la droite qui l’a précédé. Le but est de créer un collège public dépouillé, peu coûteux, qui offre à une majorité d'élèves une culture minimaliste, qui leur transmet de plus en plus la technicité au détriment du développement et de l'exercice de l'esprit critique, afin de devenir de " bons travailleurs adaptables" dans un avenir proche. 
En parallèle, les enseignants seront confrontés à des conditions de travail de plus en plus dégradées, en proie à un isolement pédagogique destructeur. 
L’austérité et la formation d’une future main-d’oeuvre docile (de surcroît à l’aide de cours de moral) et moyennement qualifiée, calibrée selon les exigences du patronat, guident les pas du pouvoir politique depuis plusieurs années. La symétrie avec le modèle éducatif étasunien est criante. Ainsi, l’enjeu est éminemment politique et idéologique.

Non, l'Education Nationale n'est pas la priorité de ce gouvernement. De l'aveu même du ministère de l'Education, à mi-mandat, seulement 3 850 postes d'enseignants ont été créés sur les 60 000 promis par le candidat Hollande. La situation des professeurs s'est fortement dégradée au cours des vingt dernières années, les reléguant parmi les plus mal lotis des "pays développés" (formation, salaire, déroulement de carrière, effectifs dans les classes).  

Voulons-nous d’une école soumise à l’idéologie libérale et aux besoins des grands entrepreneurs et décideurs capitalistes ou voulons-nous une école émancipatrice qui cultive la culture critique pour tous ?

Derrière la réponse à cette question se dessine un choix de société et si votre réponse est identique à la notre, parents, enseignants, organisons des Assemblées générales dans les établissements scolaires ! Manifestons tous ensemble ! Organisons des actions à la hauteur de nos espoirs dans l’éducation !

Que reste t-il de la pensée de Jaurès dont bon nombre de dirigeant(e)s de la majorité gouvernementale se réclament ? "L’école au cœur d’un projet de civilisation et de la démocratie républicaine : embrassant la vie dans toute son ampleur, l’école doit ouvrir les voies de l’esprit et les voix de la conscience ; dégagée de tout objectif de formation professionnelle trop précoce, l’école doit donner à tous d’abord et toujours une éducation riche, une culture, pour initier le citoyen – travailleur en herbe – au loisir de penser, de penser sa vie tout en vivant sa pensée."

Jean-guy Trintignac NPA 71