Opinion de gauche

OPINION - L'éducation et la culture fondent la République

Depuis les attentats de janvier, il a beaucoup été question de la République et de ses valeurs : liberté, égalité, fraternité, laïcité…Les Français ont également réagi très fortement sur les questions d’éducation parce qu’ils estiment très majoritairement que l’école, le collège, le lycée sont les lieux qui incarnent le mieux, la possibilité d’apprendre à vivre ensemble, de se construire, de se former et de préparer son avenir. Ils ont raison.

Pour autant, de réforme en réforme, le service public d’éducation a été mis à mal par des politiques plus guidées par les aspects économiques que par le souci de renforcer l’égalité des chances.

Lorsque le gouvernement Fillon-Sarkozy décide de supprimer la formation des enseignants et d’envoyer dans des classes de jeunes adultes sans autre bagage qu’un diplôme de connaissances, et sans un seul jour de formation professionnelle initiale, il contribue à la dégradation de l’Ecole de la République.

Lorsque l’Etat injecte quelques dotations, largement insuffisantes, sans se poser la question de la refondation de l’Ecole et de la conquête de l’égalité des chances pour tous les élèves, il contribue à laisser au bord du chemin des dizaines de milliers d’enfants chaque année.

Lorsque, localement, la commune retire les repas de substitution, sélectionne les écoles pour les activités péri-éducatives, supprime la Vie des métiers nécessaire à l’orientation des élèves, elle s’affranchit stupidement des principes républicains.

Pour refonder vraiment l’Ecole, quelques propositions d’urgence seraient nécessaires et en priorité, faire sauter les verrous des économies forcées, rétablir la formation professionnelle initiale des enseignants, renforcer la scolarité obligatoire jusqu’au bac plutôt que de la diluer dans des dispositifs d’accompagnement inefficaces.

On nous répond c’est la crise. Mais en quoi, la crise, la dette et l’austérité rendent-elles moins nécessaires l’Education et la Culture ? Les politiques éducatives et culturelles, locales et nationales sont trop marquées par l’idée que l’humain doit être traité comme une marchandise, parce qu’elles sont de plus en plus soumises aux lois de l’économie.

Nous pensons que l’Education et la Culture (ou le Sport) ne sont pas des luxes dont il faudrait faire des variables d’ajustement économique. Ce sont des instruments d’avenir, de redressement et d’émancipation. Ce sont aussi de formidables antidotes à tous les racismes, communautarismes, déclinismes et autres pensées régressives sur l’homme et la société.

Beaucoup de ce qui a été construit patiemment par la République se fissure, se casse et parfois disparaît (voir certains festivals). L’éducation, le patrimoine, le spectacle vivant, la presse dans son pluralisme sont en danger. L’Europe, berceau de l’éducation et des humanismes, n’a pas d’autre politique éducative et culturelle que la soumission au libre-échangisme, aux banquiers accapareurs et aux géants du numérique et des nouvelles technologies.

Il est temps non seulement de s’indigner comme disait Stéphane Hessel, mais aussi d’accomplir sa fonction de désobéissance et de refus.  L’éducation et la culture, mettent en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, elles sont à l’opposé des tractations des marchés, elles sont humainement indispensables, elles sont fondamentalement républicaines.

Le 5 juin 2015

Lucien Matron