Saône et Loire

CenterParcs fait toujours débat en Saône et Loire

CenterParcs fait toujours débat en Saône et Loire

Dans le cadre du débat public ouvert en avril autour du projet de Centerparcs au Rousset porté par Pierre et Vacances, un atelier agriculture s’est tenu lundi 8 juin à la ferme expérimentale de Jalogny. Des échanges toujours vifs mais bien cadrés.

La salle de conférences de la ferme expérimentale de Jalogny, ce lundi 8 juin, s’est vite transformée en étuve. Organisé au tout début d’après-midi, quelques heures avant la réunion de mi-débat prévue le soir-même à Charolles, cet atelier agriculture a été privé de nombre de professionnels, qui profitaient de la météo plus que favorable pour leurs travaux, en pleine période de foins. La salle était toutefois bien remplie, davantage par des cadres du monde départemental agricole que par des paysans de terrain. Le débat, bien cadré par la CNDP, a été riche.

Les premiers échanges ont porté sur la vente directe et l’implication des fournisseurs locaux dans le projet. La première à prendre la parole a été Corinne Lièvre, du Front de Gauche, très interventionniste, qui a d’entrée affirmé son opposition : « Je ne vois aucune promotion de l’agriculture locale dans ce projet ». Elle a insisté sur l’apport qui lui semble disproportionné de l’argent public dans l’opération Centerparcs et les avantages fiscaux réservés aux  acheteurs des bungalows. Ses multiples interventions, parfois approximatives côté chiffres, lui ont permis surtout de demander des garanties. Un agriculteur pro Centerparc, assis à côté du conseiller général clunysois discourt sur « la fierté d’être agriculteur en Saône-et-Loire, avec de bons produits de qualité, des fromages au poulet en passant par le Charolais. L’arrivée du Centerparcs, c’est pour nous un effet indirect de promotion.» David, éleveur en Charollais, est d’accord : « c’est une vraie opportunité, c’est primordial pour l’agriculture départementale.

 L’essentiel pour un professionnel, c’est de pouvoir vivre de ses produits. » Christophe, maire et agriculteur en GAEC partage son a priori favorable. En référence aux Franco-gourmandes qui, elles aussi, avaient prévu une  vente directe qui lui semble plus difficile à mettre en œuvre que prévu, il demande un «équilibre pour les relations commerciales et un cadre ». Guy Lereuil, membre d’une AMAP, s’étonne des espoirs mis dans ce projet par les agriculteurs. « Sont-ils si désespérés qu’ils attendent leur salut d’un industriel comme Pierre et Vacances ? » Le P-DG de Pierre et Vacances en prend pour son grade. Le modérateur du débat rappelle qu’il faut dans ses interventions éviter les attaques personnelles. Marc Grozeiller, président de la Confédération Paysanne 71 interroge : « comment imposer à Pierre et Vacances d’acheter des produits locaux ? Là, les touristes viendront se détendre dans une bulle fermée, ils ne viennent pas visiter la région. Il ne faut pas faire croire que le satisfecit du monde agricole face à ce projet  est général. » Lors de sa synthèse de fin d’atelier, la présidente de la commission demandera à la Confédération de faire comme son homologue jurassien, c’est-à-dire de proposer des projets de développement agricole alternatifs au Centerparc.  

L’ex-conseiller général de La Guiche (incluse dans le canton clunisois depuis les dernières élections) qui a approuvé le projet initial, insiste sur « la dynamique sociale » créée : « Beaucoup attendent un emploi par chez moi et certains, payés au SMIC font 100 à 150 km par jour pour se rendre au travail. C’est un projet incontournable sur ce plan ». Un ex-commerçant clunysois raconte le voyage organisé dans un Centerparcs de Moselle à Hattigny. Il a rencontré un propriétaire de ranch qui fournit toutes les activités équestres au Centerparcs voisin et qui est évidemment ravi. François Legros,  viticulteur en côte chalonnaise, se dit content d’être sur la route du Centerparcs et  y voit « une valorisation potentielle des vins de la région ».

En réponse, Pierre et Vacances, évoque une même étude menée en 2006 puis en 2015 auprès de ses clients. Elle indique que, contrairement à il y a neuf ans, « les touristes sont beaucoup plus demandeurs de produits locaux et de de découverte du territoire lorsqu’ils sont en séjour». L’implantation du Centerparcs a amené ailleurs certains producteurs locaux à se regrouper au sein d’une association pour proposer et fixer le prix de leurs produits. Toutefois,  un flou sera relevé par la présidente de la Commission dans les propos du cadre commercial. On ne saura pas si tous les pourcentages cités (« 59% des achats se font dans le département et en région » « 700 000 euros pour 4 parcs en viande fraîche », etc.) portent toujours sur 4 Centerparcs (3000 cottages) ou un seul. La commission a donc demandé à Centerparcs et à Pierre et Vacances, comme pour les données concernant le mix énergétique pour le chauffage, des précisions et aussi de les mettre en ligne sur internet. « Notre volonté c’est de participer à votre rayonnement, assure le cadre de Pierre et Vacances. Si tous peuvent entendre parler du Charolais, de la volaille de Bresse, des vins de Saône-et-Loire, c’est gagné », continue-t-il.

Un discours qui laisse dubitatifs les opposants. Ces derniers ont pris leur calculette pour savoir quelle quantité de viande made in Saône-et-Loire pourra être consommée au Centerparc : «  D’après nos calculs, cela ne représente, au maximum, que 200 à 300 vaches de plus par an, soit 0,6% de la production d’un abattoir comme Vitry-en-Charolais » assure une membre de l’association le Geai du Rousset. « 200 à 300 vaches, ça ne paraît pas beaucoup intervient Damien, éleveur, mais ça représente tout de même de 20 à 30 éleveurs ! » Gilles, un éleveur de Sologny opposé au projet, détaille alors le circuit de distribution français de la viande bovine en termes croquignolets, provoquant des réactions diverses de l’assistance : « On n’a jamais vendu la viande bovine aussi peu cher, depuis trente ans, les prix bougent peu » dit-il. Suit une querelle de chiffres où le coût total du projet est confondu avec le financement public. Ce qui provoque l’intervention de Fréderic Brochot, conseiller départemental d’Autun et 7e vice-président chargé de l’agriculture. La FDSEA et les Jeunes agriculteurs précisent au micro qu’ils soutiennent le projet. « Cela nous donnera des moyens supplémentaire d’accompagner la diversité de nos produits » assure Bernard Lacour, le président de la FDSEA.

 « A-t-on besoin du Centerparc pour développer nos activités ? », interroge une intervenante. « C’est plutôt Pierre et Vacances et Centerparcs qui vont profiter du rayonnement de notre région et de la qualité de nos produits, oui ! » ajoute une opposante. « Quel sera le pourcentage des énergies renouvelables dans le mix énergétique des installations ? » demande à Pierre et Vacances un spécialiste de la question à la chambre d’agriculture. La question d’une chaufferie bois, avec un approvisionnement local possible, est évoquée, sans plus. « Il n’existe pas encore de bâtiment à énergie positive pour ce type d’installation (NDLR : la bulle et les bâtiments touristiques) »  précise un des cadres de Pierre et Vacances. « Souvent, les utilisateurs ne savent pas se comporter avec ce type de bâtiment, par exemple ouvrir les fenêtres longtemps n’est pas recommandé. » Gageons toutefois qu’avec un peu de pédagogie, les touristes n’étant pas plus bêtes que les autres, ils pourraient adopter de nouvelles habitudes... Le débat sur ce projet particulier reste en tout cas ouvert, varié et dynamique et permet à chaque réunion d’aborder des problématiques plus vastes.

Cette semaine, la commission de débat public a décidé de prolonger les échanges et l’examen du projet jusqu’au 4 septembre.

Florence Genestier

Le site du débat public sur le projet du Rousset, où les documents, plans, verbatim des réunions sont en ligne : http://cp-lerousset.debatpublic.fr/ . Rappelons que le débat porte sur la création d’un village touristique sur la commune du Rousset sur environ « 28 000 m2 de surface de plancher (SDP). Il comprend des équipements de loisirs, dont un espace aqua ludique couvert, et de services pour environ 12 000 m2 autour desquels rayonnent 400 cottages répartis en 3 ou 4 hameaux. »