Givry

La guitare de Serge Teyssot-Gay a été la précieuse alliée de Khaled Al Jaramani. Et vice versa.

 La guitare de Serge Teyssot-Gay a été la précieuse alliée de Khaled Al Jaramani. Et vice versa.

L’insolite était de mise en seconde partie des Musicaves jeudi soir au Domaine Besson. Le tempo 3 alias « Interzone », ou comment procéder au libre-échange artistique entre la guitare électrique maîtrisée de bout en bout par Serge Teyssot-Gay (l’ex-membre de feu Noir Désir), et l’oud du Syrien Khaled Al Jaramani. Pari gagné, la « communion solennelle » n’aura à aucun moment marqué le pas.

Une grosse décharge émotionnelle

A première vue ils n’ont pas grand-chose en commun. Rapidement leur évidente complicité prouve le contraire. Khaled fait parler d’une manière diserte son outil de travail, lequel révèle, avec un minimum d’imagination côté spectateurs toute la détresse dans laquelle sont plongés ses concitoyens, et cette insondable descente aux enfers dont l’issue de s’entrevoit pas. Son oud, empli de gracieuseté quand il ne se revivifie pas sous le coup de la nervosité, semble se faire l’indéfectible avocat de la survivance, ses chants sont sans la moindre équivoque, tandis que la noirceur des événements se fond dans sa tessiture vocale, pourvoyeuse derrière les complaintes de frissons aptes à parcourir les échines...d’autant plus que la nuit noire fait son office, portant sur ses épaules le deuil d’un peuple en proie à l’indicible. Lui répondant du tac au tac, le guitariste à l’allure féline et aux confins de la lascivité de bon aloi avec sa guitare tant il lui accorde ses faveurs à longueur de temps. Le talentueux instrumentiste a pour sa part guerroyé avec la tortuosité des chemins empruntés, tiré la quintessence des infinies variations, des sonorités étirées jusqu’à un rien du point de rupture, électrisé, ceci à la solde de la subsistance. Cris déchirants, fulgurances rock, à-coups emplis de mordant, la guitare a donné sans compter. Snipers du monologue ou au diapason avec la juxtaposition de leurs enfantements respectifs, les deux compères ont injecté des doses envoûtantes, venues d’on on ne sait où, peut-être au moins en partie d’outre-tombe…Cette entente parfaite, parsemée d’entre-deux, aux allures liturgiques parfois a été façonnée, patinée par le temps, vu que le tandem fonctionne depuis une douzaine d’années. Le mystère de la superconductivité reste cependant entier…

 

Photos de Maria-Corinne Deliry                                                    Michel Poiriault