Bourgogne

Entre l'Yonne, Paris et Bonifacio, l'ancien Président du Conseil Régional de Bourgogne se confie à info-chalon.com

Entre l'Yonne, Paris et Bonifacio, l'ancien Président du Conseil Régional de Bourgogne se confie à info-chalon.com

L'ancien maire d'Auxerre et président du conseil régional de Bourgogne est en Corse. L'octogénaire, qui a publié en janvier ses mémoires politiques aux éditions de Fallois coule une retraite sympathique entre l'Yonne, Paris et Bonifacio. Retiré de la vie politique depuis 2012, Jean-Pierre Soisson a bien voulu converser avec Info-Chalon.com. Parler de ses mémoires, beaucoup et un peu (parce qu'on a beaucoup insisté) de vie politique bourguignonne. Avec les Régionales à l'horizon qu'il suit d'un œil distrait. Interview.

Photo Auxerre TV

Vous commencez vos mémoires politiques par la guerre d'Algérie. En racontant la journée du 20 novembre 1957 où vous auriez du mourir, à La Platrière, car les troupes que vous commandiez s'étaient rebellées. Pourquoi ce choix ?

Jean-Pierre Soisson : La guerre d'Algérie a marqué ma vie comme celle de toute une génération de Français. En revenant, on n'a rien dit car on gênait les uns et les autres. Je me suis aperçu de l'importance de cet épisode un jour, en me perdant dans le maquis corse. A La Platrière, en 1957, j'étais coincé dans une pièce d'angle, on nous attaquait à la grenade. Je m'en suis sorti par miracle, grâce à l'arrivée de renforts, d'un autre escadron. C'est une période tragique.

En vous lisant, on a l'impression que les années qui suivent , celles de votre vie politique, de 1962 à 2012 ne sont que du bonus.

C'est exactement ça. Je me sens comme un survivant, ça m'a tellement marqué. Il m'est même arrivé, il n'y a pas si longtemps de me réveiller en sursaut la nuit pour vérifier si je n'avais pas sous le lit mon pistolet automatique, que j'avais toujours à l'époque. On a hélas connu le combat au corps à corps. Ça marque. Tous ceux qui ont connu cette période en sont restés frappés. Je pensais même, un temps, rester dans l'armée.

Et votre carrière politique, apres l'ENA et la Cour des comptes, ne vient pas automatiquement ?

Moi, je rêvais de servir l'Etat, d'être préfet. J'étais fasciné par Colbert, ce qui peut paraître drôle. C'est en discutant avec Léopold Sedar Senghor que l'idée est apparue. C'est lui qui l'a eue, ce qui me fait un beau parrainage. Il a parlé de moi à Georges Pompidou et en 1967, j'ai été candidat aux législatives dans l'Yonne. J'ai été battu et élu en 1968. Jusqu'en 2012.

Vous racontez aussi la création d'un parti républicain, avant celle de l'UDF quand vous êtes ministre sous Giscard. A l'époque, les membres de votre cabinet parmi lesquels Dominique Bussereau ou Jean-Pierre Raffarin défendaient le droit de vote des étrangers aux élections locales ?

Oui. C'était une idée qui était dans l'air sous Giscard. Et puis, on y a renoncé.

Votre parcours semble à chaque fois marqué par des lectures ou l 'écriture. Vos échanges avec François Mitterrand, président de 1981 à 1995 tournent autour de vos livres partagés et connaissances littéraires communes. Vous prenez plus plaisir à raconter ces échanges-là que les turpitudes habituelles de la vie politique, internes ou externes à vos partis successifs.

Je suis un homme de l'écrit. J'écris tous les jours, à la plume, deux heures tous les matins depuis quarante ans. C'est une habitude, l'écriture, vous savez. Un changement de gouvermenent , une mise à l'écart ? J'écrivais...

Je raconte en 1987 cet échange entre Aimé Césaire et Raymond Barre. Cette discussion portait sur la culture des îles qui était essentielle à l'un comme à l'autre. J'ai assisté à cela et j'ai adoré, c'était pendant la campagne pour la présidentielle de 1988 (NDLR : à l'époque le mandat présidentiel avait une durée de sept ans. La campagne s'est conclue par la réélection de François Mitterrand).

Avec François Mitterrand, dont j'ai été le ministre sous trois gouvernements Rocard, Bérégovoy et Cresson, je l'accompagnais toujours quand il venait en Bourgogne. C'est lui qui orientait la discussion, toujours vers la littérature. Il me parlait de Saint-John Perse, que j'ai mieux connu grâce à lui et je lui répondais en citant René Char. C'était étonnant mais on avait en commun une culture de bourgeois de province, façonnée par les romans de Mauriac ou Montherlant.

Ces moments d'échange-là sont ceux dont je me souviens le mieux.

C'est une époque révolue ?

Ah oui ! C'est la fin de l'école normale supérieure, de la culture humaniste. Les hommes politiques de cette époque avaient une vaste culture personnelle. Edgar Faure parlait latin, par exemple. Raymond Janot, que j'ai connu au conseil régional de Bourgogne et qui a été mon prédécesseur à ce poste de président de Région, aussi. On s'échangeait des petits mots en latin, ça pouvait être très pratique en certaines circonstances... Je regrette un peu cette vision distanciée des choses que l'on pouvait avoir grâce à cela.

Vous êtes passé du poste de l'acteur politique à celui de l'observateur avec vos mémoires ?

Je ne voulais pas spécialement écrire sur ma vie au départ. J'ai écrit de nombreuses biographies historiques, j'aime beaucoup ce travail-là. Et puis, c'est Bernard de Fallois qui a insisté (NDLR : une véritable légende, à plus de 86 ans, du monde de l'édition parisienne. L'éditeur, indépendant depuis 1987, a été l'ami de Simenon, de Pagnol et a eu l'heureuse idée de faire connaître- entre autres- les écrits d'Alexandre Vialatte) pour que je m'y mette. J'ai eu une vie incroyablement riche, heureuse. Ou mouvementée comme la période du conseil régional de Bourgogne.

Vous consacrez vos derniers chapitres à cette expérience, où en 1993, après une élection mouvementée vous êtes battu par Jean-François Bazin, avant de retrouver votre siège en 1998. Vous écrivez tout de même : « J'ai présidé deux fois le conseil régional de Bourgogne: en 1992 avec une majorité de gauche puis en 1998 avec une majorité de droite. Pour conduire la même politique ». Vous vous retrouvez en 1992, élu président au troisième tour contre Perben, Avec les voix du Front national.

Je raconte tout ça, l'attitude, mouvante, des uns et des autres. C'était une période très difficile. Aujourd'hui, avec le recul, je n'irais pas à la deuxième élection. Franchement, ça a été le deuxième moment le plus difficile de ma vie après l'Algérie.

Quel regard vous jetez sur l'action de votre successeur, François Patriat, qui rend son tablier cette année ?

J'aime beaucoup « Fanfan ». Son frère, Claude, professeur d'université a fait partie de mon cabinet. François, c'était le 2e regional de l'étape à l'époque, il jouait au golf avec Mitterrand. J'ai toujours détesté le golf. « Fanfan » ne m'a désavoué en rien et il a maintenu une action de revitalisation que j'aimais beaucoup, les « coeurs de village ».

Et la fusion Bourgogne-Franche-Comté ?

Pour moi, c'est la reconstitution (partielle) de l'Etat Bourguignon. Passionné d'histoire, j'y ai toujours été favorable.

Quelle figure de droite appréciez vous aujourd'hui en France et en Bourgogne. On croit comprendre que Nicolas Sarkozy n'est pas votre tasse de thé ?

En Bourgogne et pour la Saône-et-Loire, j'apprécie beaucoup Arnaud Danjean. Je regrette qu'il n'ait pas mené la liste des régionales. C'est un garçon qui sort du lot. Il est bosseur, stratégique, ouvert. Je le préfère à beaucoup d'autres.

Et pour la liste des Régionales ? (Cette interview a été réalisée avant la désignation officielle de M. Sauvadet contre M. Joyandet)

Je ne veux pas forcément répondre à ce genre de question mais bon... Personnellement, je ne voterai jamais pour Sauvadet. Il a monté un jour une liste contre moi, c'était une pure trahison.

Que pensez-vous de la politique menée par François Hollande ?

François Hollande fait assez bien son métier de président de la République Française mais je trouve sa politique assez médiocre. Il conduit une politique de droite avec un parlement de gauche. Il aurait du faire voter des dépenses supplémentaires.

A Info-chalon on pense que vous êtes davantage Alain Juppé que Nicolas Sarkozy. On se trompe ?

Non. Je préfère effectivement Alain Juppé mais, bon je vous en ai déjà trop dit...

Et comment occupez-vous votre temps de retraite depuis trois ans.

Parfaitement bien. Là, j'ai le plaisir de lire une biographie de Jules Ferry signée Mona Ozouf, c'est essentiel. J'essaie surtout de garder une joie de vivre. J'y arrive assez bien !

Propos recueillis par Florence Genestier