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Paris - Table ronde - Laïcité dans les collectivités locales de la Gazette des communes

Paris - Table ronde - Laïcité dans les collectivités locales de la Gazette des communes

Moins de 24 heures après son bilan de première année de mandat, Gilles Platret a participé ce jeudi matin 2 juillet à Paris, à l’invitation du magazine « La Gazette des Communes » à une table ronde intitulée « Comment mettre en oeuvre la laïcité au quotidien ? ». L’échange concluait une matinée de formation à destination du personnel des collectivités locales sur ce thème. Bien entendu, info-chalon.com était sur place.

La salle est petite, le quartier très chic et le thème de formation choisi ne s’est jamais démodé depuis 1905. Dans ce centre d’affaires de la rue Edouard VII, Paris 9e, une quarantaine de cadres et élus de collectivités locales, venus de toute la France sont réunis depuis trois heures pour réfléchir ensemble au principe de laïcité et à ses applications au quotidien.  Rude tâche, mais passionnante. Un cabinet d’avocats spécialisé en droit public a élaboré un guide pratique pour les collectivités locales et leurs agents, parfois forts dépourvus face aux revendications quotidiennes d’usagers ou du personnel.

Pilotée par le cabinet Seban et associés, mise en œuvre par la Gazette des communes, la matinée est fort entamée et bien des sujets ont déjà été explicités aux participants quand le maire de Chalon-sur-Saône s’asseoit. Pile au bon moment. Lorsque les juristes expliquent ce que les collectivités peuvent ou ne peuvent pas faire dans les cantines scolaires. En supprimant le menu de substitution lorsque du porc est servi dans les cantines scolaires de sa ville, Gilles Platret n’a pas enfreint la loi républicaine. La chose a été rappelée.  Il s’est fait connaître hors de Saône-et-Loire en prenant une décision qui jusque-là n’avait été appliquée que par des mairies étiquetées Front national. Membre de la commission laïcité de l’Association des Maires de France, le maire chalonnais a rappelé que la commission de l’AMF avait commencé à réfléchir à ces sujets bien avant la tuerie de Charlie Hebdo et la prise en otage de l’hypercasher, en janvier dernier. « La laïcité est une réponse à certains maux sociétaux », affirme Gilles Platret, à qui l’on tend en premier le micro. « C’est une réponse qui peut assurer le vivre ensemble demain. Voilà dix ans que la thématique laïque revient sans cesse sur le devant de la scène »

Didier Seban, avocat en chef du cabinet organisateur a précisé que « peu de contentieux liés à la laïcité existent, c’est une part infime de notre activité, mais ils deviennent très vite emblématiques. ».

 Jérôme Perronnet, ex-directeur des services de Chanteloup-les-Vignes, une petite commune UMP qui a connu l’affaire de la crèche Baby-Loup et son employée voilée en 2008 ne dit pas le contraire. Il en a assez « des chapeaux qu’on veut faire porter à la laïcité. A force d’être brandie comme un étendard, ce terme est perçu à tort comme agressif par une partie de la population, notamment celle des quartiers défavorisés. C’est un terme à manier avec tact », lâche-t-il en lançant un coup d’œil furtif à son voisin de Chalon. Mathieu Cahn, élu PS à Strasbourg, n’est pas du tout d’accord avec Gilles Platret. Et insiste : « la laïcité est vécue par certains comme une atteinte à la liberté. En janvier, après les attentats , certains faisaient mine de découvrir des phénomènes qui existaient depuis longtemps –et étaient niés - comme la montée des revendications identitaires ou religieuses. La laïcité est d’abord un cadre, ce n’est pas un combat contre les religions ou les étrangers. Le principe affirme qu’il n’y a pas de religion officielle. C’est un système de droits et de devoirs .»

« Il existe une vraie demande de la part des maires de France pour des précisions sur l’application des principes, reprend le Chalonnais. Il y a un vrai besoin de clarification. L’intégration ne passe pas seulement par la laïcité, l’économie, le social. C’est une erreur de dire que la loi de 1905 a été une loi de compromis. Demandez aux catholiques de 1905 si la loi était de compromis ! C’était une loi de combat ! On lisait que « le cléricalisme était l’ennemi ! » La République française est la seule république à expérimenter ce système, très exigeant, dans le monde. La laïcité est un socle. Il y a des espaces de neutralité où chacun peut se retrouver car il laisse ses convictions religieuses à la porte. C’est un modèle beaucoup plus exigeant que l’a décrit M. Cahn». Julien Peronnet raconte qu’à Chanteloup,  une petite fille de huit ans, voilée s’est présentée à un centre d’activités. La ville après consultation de quelques experts, y compris au Conseil d’Etat a décidé de ne pas lui permettre de faire ses activités. « Pour le moins, ça interpelle », interroge l’ancien DGS.

Pour Didier Seban, « les groupes de pression à but religieux pour la construction de lieux de culte sont devenus un problème pour les élus. Les conditions indignes de la pratique du culte musulman sont réelles. Une communauté, au hasard,  de 300 voix potentielles, surtout à proximité des élections peut aussi peser ou tenter de peser sur une décision. Il ne faut pas faire, comme on le caricature souvent, de la laïcité un moyen de lutter contre la religion musulmane qui représenterait un danger pour la République. La laïcité s’est construite dans la recherche d’équilibre. Si on fait de la laïcité un étendard, on risque un vrai rejet de ce principe . L’Etat et les services publics doivent rester neutres. Il y a besoin de mieux fixer la règle dans certains cas notamment pour les BEA (NDLR : bail emphythéotique administratif , souvent délivre par les communes à une association pour l’édification d’une mosquée par exemple) 

A la dernière question, quasi philosophique, posée par La Gazette des communes aux intervenants : « La République doit elle se défendre ou s’affirmer dans la laïcité ? », l’élu strasbourgeois a pointé le poids des inégalités sociales et a rêvé d’une politique de la rénovation urbaine appliquée à d’autres domaines, « elle se voit parce que l’Etat a mis des moyens financiers ».

Le maire de Chalon-sur-Saône, qui tenait à répondre à Me Seban a reconnu que « la laïcité n’est pas un instrument de lutte contre l’Islam mais que la République doit être défendue contre ceux qui peuvent oublier les principes fondateurs du pays ». Il a rappelé que certaines municipalités FN appliquaient désormais dans leurs cantines le menu de substitution mais qu’à Chalon-sur-Saône : « on a décidé d’y mettre fin » et que la décision a été  « transpartisane ». Certes, « les maires sont soumis à des pressions de la part de plusieurs communautés « , mais « ils doivent trouver la force de dire non. »

Ce qui compte pour le maire de Chalon ? : « Entraîner le dialogue. Cette décision - de suppression de menu de substitution à la cantine scolaire en cas de présence de porc dans les plats - a suscité un débat serein dans ma commune (sic), notamment avec les musulmans de Chalon ». Et Gilles Platret de raconter que la rencontre a eu lieu dans une salle de prières d’un quartier chalonnais. Le féru d’histoire développe : « les catholiques de 1905 ont pris la loi assez durement. Nous sommes désormais dans une société multiculturelle, c’est une chance mais la société ne doit pas s’éviter un débat de fond sur ces sujets inflammables ». Ne pas parler du sujet aujourd’hui, « c’est la pire des choses à faire ». Avec « la montée de la pratique d’un islam de plus en plus rigoriste » – Infochalon a noté qu’il n’a pas dit radical –  « nous devons ne pas refuser ce débat ».

Les autres intervenants ont dit que cette optique de « défense  de la République » de cette manière ne les mettaient « pas très à l’aise ». Gilles Platret s’est ensuite éclipsé. Il n’a donc pas eu le loisir d’entendre Mathieu Cahn raconter l’expérience des menus hallal servis dans certains selfs scolaires strasbourgeois. Un plat apprécié sans problème par 25 % des élèves.

Raconté à Paris, le débat chalonnais sur la suppression du menu de substitution a donc été selon Gilles Platret , « serein ». Certes, le maire actuel de Chalon-sur-Saône n’est pas le premier élu saône-et-loirien en quête de notoriété nationale à enjoliver légèrement la réalité locale dans une réunion parisienne. C’est une habitude répandue du personnel politique.  Nous invitons cependant nos lecteurs à se replonger –si le cœur leur en dit - dans les archives récentes pour mesurer la sérénité effective dudit  débat…

Florence Genestier

Le numéro du 29 juin au 5 juillet de « La Gazette des communes », avec le Mémento Laïcité à l’usage des élus et des collectivités , 6, 20 €. Ou téléchargements accessibles aux abonnés : http://services.lagazettedescommunes.com/users.php/magazette/identification?reserve=1&goingTo=http://archives.lagazettedescommunes.com/Cahiers/PDF/2276