Chalon sur Saône

2ème rencontre internationale du mécénat culturel pour l’espace public : c’était dans les locaux du Saint-Georges, à Chalon-sur-Saône

2ème rencontre internationale du mécénat culturel pour l’espace public : c’était dans les locaux du Saint-Georges, à Chalon-sur-Saône

Hier soir, dans les locaux du Saint-Georges à Chalon, s’est tenue la « 2ème rencontre internationale du Mécénat culturel pour l’espace public ». La première, dont Info-Chalon s’était largement fait l’écho [1], avait eu lieu l’année dernière, en sous-préfecture de Chalon.

« Quoi de neuf en matière de Mécénat culturel ? » C’est, en substance, la question à laquelle devaient tenter de répondre les cinq intervenants prévus pour cette « 2ème rencontre internationale du Mécénat culturel pour l’espace public » : Pedro Garcia (Directeur artistique de « Chalon dans la rue »), Laurent Butstraen (avocat associé du Cabinet Delsol, à Paris), Vanessa Silvy (Chargée de mission « cirque, rue, marionnettes » pour l’Institut français), Stéphane Barré (Directeur associé du cabinet Cliveman / SB, à Paris) et Gilles Platret (maire de Chalon-sur-Saône). C’est ce qu’ils se sont efforcés de faire durant près de deux heures. Deux heures de riches débats.

La nécessité de développer encore plus l’attractivité et le dynamisme du territoire

Après un bref mot d’accueil du maire de Chalon, Gilles Platret, Pedro Garcia a procédé à une sorte d’état des lieux du Festival des Arts de la rue qu’il fait vivre chaque année désormais. « C’est un festival qui a dorénavant des répercussions au niveau national. On en parle dans la matinale de France Inter, tandis qu’ARTE, la chaîne franco-allemande, a dépêché une équipe pour couvrir le festival ».

Pour Pedro Garcia, « ce succès national a des origines locales ». En effet, avec Chalon dans la rue, « il y a quelque chose de l’intérêt commun autour d’un territoire », ce qu’ont très bien perçu les partenaires locaux du festival, qui ont d’ailleurs très bien compris « la nécessité de développer encore plus l’attractivité et le dynamisme du territoire ».

Certes, il manque encore certaines choses pour que le festival prenne une ampleur inégalée, « par exemple l’accueil de compagnies étrangères ». Mais c’est de l’ordre du possible, si d’autres acteurs décident de venir en renfort. Et c’est ici que la question du Mécénat culturel, comme celle du regroupement d’entreprises au sein de fonds de dotations, deviennent des questions essentielles. Aussi essentielles que les réponses qu’on leur apportera.

Le recours au Mécénat culturel : « une nécessité induite par la raréfaction de l’argent public », pour Gilles Platret.

Pour Gilles Platret, si on prend le temps de revenir aux origines du festival de Chalon dans la rue, « le réflexe de la municipalité d’alors n’a pas été d’aller chercher le secours des entreprises. La volonté de celle-ci, à l’époque, était d’impulser, avec les finances de la collectivité. Tout simplement parce que les élus d’alors pensaient avoir trouvé là le moyen d’obtenir une reconnaissance au niveau politique. Mais s’ils ont procédé ainsi à l’époque, c’est parce qu’il y avait alors une capacité de financement public beaucoup plus importante. Cette époque est désormais révolue ». En effet, depuis, « il y a eu une double évolution : une raréfaction de l’argent public, mais aussi une révision de leurs pratiques par les élus locaux. Avant, les élus locaux, à la tête de leurs collectivités, impulsaient, ceci pour réaliser. Aujourd’hui, de plus en plus, nous cherchons à faire partager une certaine vision du territoire, à co-construire le territoire avec des partenaires. Entre l’époque des débuts du festival et celle d’aujourd’hui, les politiques ont réfléchi et senti leurs limites. Mais pour co-construire, il faut des partenaires prêts à le faire. C’est ainsi que le Mécénat culturel apparaît comme un recours. Il est en tout cas une possibilité, au carrefour de nos réflexions ».

« Il n’est pas dans l’ADN de l’entreprise de volontairement s’appauvrir » (Laurent Butstraen)

Aujourd’hui, Stéphane Barré et Laurent Butstraen sont d’accord pour le dire de concert, ceux qui ont des projets en matière culturelle comptent de plus en plus sur les entreprises, en raison de la raréfaction effective de l’argent public dont parlait Gilles Platret. Néanmoins, ils oublient peut-être qu’ « il n’est pas dans l’ADN de l’entreprise de volontairement s’appauvrir ». Car en devenant Mécène, l’entreprise s’appauvrit, ceci même si le régime fiscal français du Mécénat culturel reste particulièrement intéressant, du moins pour les grandes entreprises – en raison du temps qu’il faut pour bénéficier des retombées fiscales, les TPE et PME sont de facto moins allantes.

Aussi, pour espérer convaincre les entreprises de s’appauvrir volontairement, les porteurs de projets culturels doivent-ils revoir leur façon de concevoir les choses : penser aux attentes de l’entreprise ; convaincre celle-ci de l’intérêt qu’elle peut avoir, en aidant à la réalisation de projets, à contribuer à l’attractivité du territoire, donc à la création d’emplois et de besoins économiques auxquels il faudra répondre, via de nouvelles offres ; esquisser un cercle économique vertueux pour elle.

Pour Stéphane barré, ceci n’a rien d’impossible. Cela s’est fait à Avignon ; cela s’est fait ailleurs aussi. Et lorsque les entreprises n’apportent pas en tant que tel des fonds, il leur arrive d’apporter des compétences. Prenant l’exemple d’un cabinet d’experts-comptables qui a offert ses compétences en la matière pendant une année, Stéphane Barré a tenu à rappeler que le Mécénat culturel pouvait aussi exister via ce qu’il appelle le « Mécénat de compétences », pour le distinguer de celui consistant à faire don de subsides.

Le Mécénat culturel : une pratique encouragée en France et par la France

Depuis Jean-Jacques Aillagon, lorsqu’il était ministre de la Culture, le Mécénat culturel, via un régime fiscal très incitatif, est encouragé en France. Il est même encouragé par la France, ainsi que l’a illustré Vanessa Silvy, de l’Institut français, un établissement public rattaché aux ministères des Affaires étrangères.

Si on parle parfois de « niche fiscal », il faut toutefois relativiser car « la notion même de Mécénat suppose un appauvrissement du Mécène » pour Laurent Butstraen, ceci même si l’on constate une tendance à la monétisation du don, ce qui est contradictoire en soi. « L’entreprise sera peut-être plus riche socialement, culturellement, mais économiquement plus pauvre ».

Les « fonds de dotations » : un nouvel outil, qui connaît un certain succès

En dehors du Mécénat culturel proprement dit, un nouvel outil, créé par la loi de modernisation de l’économie de 2008, permet aux porteurs de projets culturels de trouver les financements qu’ils requièrent : ce sont les fonds de dotations. Et c’est un succès. Peut-être parce que ce type de structure manquait cruellement dans le paysage. Peut-être aussi parce qu’il est facile d’en créer un. En effet, c’est aussi simple que de créer une association de type « loi de 1901 » selon Laurent Butstraen. Mais peut-être, surtout, parce qu’on a avec ces fonds les mêmes avantages qu’une fondation reconnue d’utilité publique (capacité de recevoir des dons, des legs, des biens immobiliers, etc.) et guère d’inconvénients. « Dommage toutefois que la loi Hamon du 31 juillet 2014 ait cru bon de créer une obligation : celle de constituer un fonds de dotations avec un montant minimum de 15 000 euros…Non seulement le montant est ridicule au regard des projets à financer, mais en plus, dans la mesure où les collectivités territoriales ne peuvent apporter de fonds (considérées alors comme des subventions, ce qui est interdit), il faut désormais au moins un ou deux partenaires, ce qui empêche les collectivités d’être rapidement à l’initiative, d’impulser et retarde d’autant la mise en œuvre de projets » (Laurent Butstraen).

Le tour de la table-ronde terminé, les intervenants ont échangé avec la salle, composée d’une vingtaine de personnes, dont Eric Michoux, une représentante de la CGPME et l’adjoint à la culture de Chalon.

P.A.

[1] Voir l’article d’Info-Chalon :

http://www.info-chalon.com/articles/chalon-sur-saone/2014/07/27/7799-premiere-rencontre-internationale-du-mecenat-culturel-pour-l-espace-public-a-chalon-sur-saone-.html