Opinion

Lettre ouverte aux Chalonnais.. au public.. de l'équipe de l'Abattoir / CNAR de Chalon sur Saône

Lettre ouverte aux Chalonnais.. au public.. de l'équipe de l'Abattoir / CNAR de Chalon sur Saône

Chalon-sur-Saône, le 30 juillet 2015
Lettre ouverte aux Chalonnais, au public


Pour une 30ème édition à la hauteur de notre passion commune pour les arts de la rue.
La 29ème édition du Festival vient de tirer sa révérence. Exit les 200 000 spectateurs dont les éclats de joie et d’émotion nous ont galvanisés, décampés les milliers de Chalonnais temporaires, envolés les artistes aux créations inouïes, délestées les terrasses des cafés bondées, et vidées les rues de cette vibrante communauté humaine.
Reste une équipe dans les derniers sursauts d’une énergie retombante devant une question essentielle tombée comme un couperet à l’heure des remerciements du Maire aux communaux.
L’Abattoir, existera-t-il encore en 2016? La 30ème édition aura-t-elle lieu ?
Nous sommes ressortis abasourdis du pot de « remerciement aux équipes » de ce lundi 27 juillet. Car après une 29ème édition saluée par tous - la presse, le public, les spectateurs, les professionnels, les artistes - nous ne pouvions pas nous attendre à écouter un discours aussi anxiogène, sécuritaire, et alarmiste sur la poursuite de nos activités. Ces mots forts nous ont blessés, interpelés et nous ont semblés inappropriés lors de ce temps convivial de rassemblement des équipes.

A l’année, nous sommes 9 dans cette petite équipe du Pôle des Arts de la Rue, avec en gestion le CNAR et le Festival Chalon dans la rue. Une équipe déjà soudée avant de faire face à la baisse de subventions et qui s’est attelée avec détermination à un travail collectif.
Une entité, avec une activité transversale dont le coeur est le soutien aux artistes et la transmission. Et nous opérons une vraie synergie entre les deux, c’est précisément cet équilibre et cette harmonie qui donnent du sens à nos actions.
Ici, le CNAR accueille en résidence tout au long de l’année des artistes qui viennent à l’Abattoir inventer, interroger, construire leurs projets artistiques. Là, le Festival offre à ces mêmes artistes et à de nombreux autres, une visibilité devant un public et des professionnels venus du monde entier pour découvrir la diversité des créations dans l’espace public.
Ici, le CNAR construit des projets à l’échelle d’un quartier. Là, le Festival lui donne une visibilité internationale. Ici,

Le Manège des Gigougnoux nait des mains de 100 Chalonnais. Là, il est vu par des milliers de personnes de tous horizons.
Aussi, si nous sommes 9 permanents à préparer le terrain avec une vision à long terme, nous sommes 200 mobilisés sur le Festival sous des formes contractuelles diverses (vacataires, intermittents, stagiaires) ainsi que 200 bénévoles. C’est cette équipe qui construit le Festival Chalon dans la rue.

L’Abattoir existe depuis 1991, durant plusieurs années des travaux remarquables ont été menés afin de le faire reconnaître en tant que Centre National des Arts de la Rue. En 2005, il a fait partie des premiers CNAR en France labélisés par le Ministère de la Culture. Cesser son activité, c’est détruire un outil servant de tremplin vers le Festival à un grand nombre de compagnies, c’est tuer l’espoir de l’ensemble d’une profession. C’est mettre en berne l’engouement de 200.000 spectateurs. Et c’est enfin référencer le CNAR de Chalon-sur-Saône comme première structure en cessation d’activités dans le réseau professionnel.

Comment pouvons-nous concevoir, nous membres de cette équipe, citoyens, Chalonnais, acteurs au quotidien depuis plusieurs années, investis dans nos missions, accompagnateurs d’artistes, d’habitants, vivre les derniers mois d’un projet tel que nous le menons ? Comment pouvons-nous imaginer mettre le point final à une aventure artistique de 30 ans ?
Comment pouvons-nous envisager la remise en cause des fondements d’une politique culturelle initiée depuis 30 ans par Dominique Perben, qui avait placé la culture au centre des actions municipales, croyant au caractère déterminant de l’image culturelle d’une ville dans son développement local, la plaçant au rang de ressources indispensables au développement social, personnel, économique et éducatif de ses citoyens.
Comment pouvons-nous nous résigner à sacrifier une partie du patrimoine culturel pour répondre à des postures politiciennes qui si elles perdurent vont à l’encontre du bien commun. La défense d’un projet artistique et culturel fait rayonner Chalon au-delà de son territoire régional, porte plus haut encore son dynamisme, décuple son attractivité et participe au développement de son image à l’échelle européenne.
Une solution doit être trouvée rapidement entre la Ville et le Ministère de la Culture pour que Chalon ne soit pas en situation de renoncer à 30 ans d’une histoire constitutive de son ADN et qui la place aujourd’hui dans le calendrier européen des grands rendez-vous de l’été.
Une solution pour que nous puissions, dès à présent, travailler à la préparation de la 30ème édition du Festival, et vous offrir, à vous Chalonnais - qui nous avez montré par vos messages de félicitations, de soutien et d’encouragement, votre attachement à cette incroyable manifestation qu’est Chalon dans la Rue - une édition à la hauteur de notre passion, de vos attentes.

Nous n’imaginons pas qu’un échec des discussions avec le Ministère d’ici au 31 décembre 2015 soit possible. La rupture n’est pas envisageable il en va de 30 ans d’une histoire chalonnaise qui tresse avec ferveur un projet artistique exigent. Nous espérons qu’à l’occasion de ces prochains rendez-vous l’intérêt général prévaudra et que la voie du dialogue trouvera son chemin parce qu’il en va du devenir d’un secteur professionnel et d’un territoire.
Nous continuons à défendre le fait que le CNAR / L’Abattoir et le Festival Chalon dans la rue occupent une place fondamentale dans cette ville, et dans ce paysage des arts de la rue.
Et nous ressortons gonflés d’enthousiasme et d’énergie après cette belle 29ème édition.
Parce que nous l’avons vu, nous l’avons ressenti : nous ne sommes pas tous seuls. Ces plus de 200 000 spectateurs, et 1 000 artistes attendent la suite de nos projets !