Chalon sur Saône

« On est tous là pour la tranche de jambon qui sera servie le 15 octobre à la cantine ! »

« On est tous là pour la tranche de jambon qui sera servie le 15 octobre à la cantine ! »

Une audience instructive et un débat animé au tribunal administratif de Dijon. On a appris que les décisions du maire n’étaient pas vraiment des décisions même si leur application était en marche, que les délais de procédure sont importants à respecter et que le 15 octobre, les petits chalonnais qui mangent à la cantine auront droit à leur premier repas comprenant du porc. Le tribunal rendra sa décision sur la suspension ou non des menus de substitution au porc avant la fin de la semaine. Mais quelle que soit la décision rendue, Infochalon.com est persuadé que le feuilleton continuera…

La requête de la Ligue de Défense Judiciaire des Musulmans pour l’annulation de la décision de Gilles Platret pourrait être considérée comme n’ayant pas respecté les délais obligatoires et être rejetée. La requête de l’association aurait ainsi été reçue par la ville de Chalon sur Saône avec … un jour de retard. Le dernier jour était le 17 mai « or le 17 mai étant un dimanche, et la ville ne pouvant en accuser réception que le lundi » selon Me Jean-Baptiste Jacquenet-Poillot, le relai de l’association à Dijon. Il invoque la computation des délais, c’est à dire le mode de calcul des délais de procédure. Pour l’association, Gilles Platret qui a notifié sa décision de couper court à un menu alternatif  dans les cantines quand du porc était servi via un courrier aux parents d’élèves et un communiqué de presse a pris « une décision claire » mais est incompétent pour la prendre, puisqu’elle doit faire appel au conseil municipal dans son ensemble.

Incompétence du maire seul sur une telle décision ?

« Le maire a postulé qu’il était certain de la décision de son conseil, c’est tout de même une drôle de conception de la démocratie, ironise l’avocat dijonnais. Nous soutenons que le maire était incompétent pour agir seul. D’autre part, un groupe est visé par sa décision. C’est bien d’exclusion dont on parle. La suppression du menu de substitution est contraire aux intérêts des musulmans. Nos adversaires parlent d’une portée uniquement locale pour la décision du maire de Chalon. C’est risible. Le maire n’a aucune raison d’être flatté pour attirer l’attention sur sa commune pour des raisons aussi méprisables. La mairie soutient qu’aucune décision définitive  n’a été prise. C’est de la mauvaise foi. C’est une question de fond : la suppression du menu de substitution viole la liberté de culte et de conscience. Elle contrevient à la laïcité. Nos adversaires n’ont rien compris à la loi de septembre 1905. Vous êtes face à deux conceptions de la laïcité, je vous demande de n’en retenir qu’une seule. »

« Il faut imaginer un jeune enfant à la cantine de Chalon-sur-Saône, à qui l’on sert une côte de porc , il est obligé de la manger alors que toutes ses habitudes familiales le lui interdisent. Il serait extrêmement traumatisé » a aussi plaidé Me Achoui, qui ne s’est donc pas contenté d’être le président de la LDJM à l’audience.

Les statuts associatifs de la Ligue d'Achoui mis en cause par la défense chalonnaise

Me Philippe Petit, défenseur de Chalon-sur-Saône a avancé l’irrecevabilité de la requête de l’association – « les délais sont valables pour tout le monde y compris nos confrères parisiens » - et a taclé également son adversaire au sujet de ses propres statuts associatifs. Selon lui, la procédure de création de la LDJM serait incomplète, voire confuse. Cela pourrait aussi entraîner l’irrecevabilité de leur démarche auprès du tribunal administratif.  Entretemps, l’association a fourni des documents plus complets sur sa création et ses statuts au tribunal... « Je ne pense pas que Chalon-sur-Saône soit l’endroit de France où la laïcité soit la plus menacée. Ces questions impliquent une réserve, de ne pas crier au loup. Mes adversaires sombrent dans l’extrapolation politique car ils cherchent le buzz et d’ailleurs dans ce domaine, ne réussissent pas trop mal » a reconnu Me Petit. « Je vous remercierai aussi, Mme la présidente de noter que l’un des plaideurs est aussi le président de la LDJM ».

Une décision qui sera finalement prise en conseil municipal à Chalon le 29 septembre ? 

Me Petit a aussi avancé le côté simplement informatif des documents municipaux attaqués. La décision municipale définitive sera prise lors du conseil municipal du 29 septembre. Jusqu’à cette date, « il s’agit d’une information sans caractère décisionnel ». Autre argument du plaideur pro-Platret, venu apporter au tribunal les menus déjà programmés des cantines scolaires chalonnaises : « le premier repas qui prévoit du porc, en l‘occurrence une tranche de jambon est prévu le 15 octobre. C’est après le conseil municipal ! Il n’y a aucune urgence. Nous sommes tous présents ici pour la tranche de jambon du 15 octobre servie à la cantine ! » Et de poursuivre : « chacun est respecté mais chacun n’a pas le droit de tordre le bras à la République pour exiger des choses que sa religion lui impose, surtout sous pression médiatique et intimidation. Mes confrères ont une approche guerrière du sujet ». Enfin, l’avocat de la Ville a rappelé que Gilles Platret ne s’inscrivait pas en faux vis-à-vis des décisions antérieures du Conseil d’Etat.

En feuilletant les menus des enfants chalonnais à la rentrée, la présidente du tribunal a noté que le prestataire avait tenu compte du souhait de suppression des plats de substitution. « Cela montre déjà que la décision a  été mise en pratique… » a-t-elle remarqué, avant d’annoncer qu’elle rendrait sa décision à la fin de la semaine. » La LDJM a aussi annoncé qu’elle avait déposé un recours, sans urgence, pour « excès de pouvoir » auprès du même tribunal administratif sur le fond.

 

Florence Genestier