Chalon sur Saône

Tribunal correctionnel de Chalon - Des cartes en kit, un mauvais plan roumain

Tribunal correctionnel de Chalon - Des cartes en kit, un mauvais plan roumain

Ils sont deux, ils sont Roumains, ils sont incarcérés à Varennes-le-Grand depuis novembre 2014 et ont acheté ensemble en Italie un système de fraude à la carte bleue… qui n’a jamais fonctionné. Contrôlés inopinément par les douanes à Sainte-Hélène, leur carrière de fraudeur n’a pas atteint le moindre guichet.

Allures patibulaires mais plutôt  sympathiques, les deux quadragénaires restent placides dans le box. Ils ne  nient pas les faits, ni n’éludent leurs responsabilités. « Oui », ils avaient l’intention de s’enrichir avec leur machine. Après, il faut composer avec les impondérables et le douanier Saône-et-loirien fait partie des impondérables…

Mihai travaille et vit à Rome avec sa famille dans une maison qu’il n’a pas fini de payer. Ilie lui, a femme et enfants  en Roumanie mais passe son temps au volant de son camion sur les routes internationales. Des ennuis de santé à répétition compliquent ses trajets et le voilà à chercher des astuces pour arrondir ses fins de mois. Les deux hommes ont acheté 300 euros à une personne croisée en Italie dont ils n’ont pas donné le nom un kit spécial, une machine à encoder qui doit leur permettre de détourner quelques cartes bleues. Hélas pour les compères, malgré les logiciels, l’engin n’a pas marché assez vite en France. Intrigués par leur plaque d’immatriculation italienne, les douanes contrôlent les deux hommes à Sainte-Hélène sur la nationale. Dans la voiture, ils trouvent de faux papiers d’identité italiens ornés de la photo des deux roumains, leurs vrais passeports, des cartes bleues vierges, des planches de jolies petites lettres en relief prêtes à être apposées sur les cartes magnétiques et des clés USB avec en mémoire des logiciels frauduleux. Et habilement dissimulée dans un coin de la voiture, où seuls les trafiquants et les douaniers pensent à regarder, une machine à encoder les cartes bleues.

Après quelques tergiversations en garde-à-vue face aux enquêteurs, les deux hommes reconnaissent leur volonté de fraude - de skimming si on veut employer un terme technique. Ils ont essayé leur système en Italie, pas en France. Un non-lieu  partiel  pour escroquerie confirme d’ailleurs cette absence de délit sur le territoire. Les deux hommes étaient en partance pour la Suède. En Scandinavie, le système des cartes bancaires, sans puces électroniques comme en France, serait plus aisé à pirater. Ilie est connu des autorités suédoises pour avoir été condamné à six mois de prison pour le même type de délit, en bande organisée. En Espagne, l’homme aurait aussi écopé d’une interdiction de séjour. Le procureur adjoint, Charles Prost, s’étonne que les deux hommes n’aient pas emprunté l’autoroute pour rejoindre la Suède. « Trop cher », réplique le duo. « Après tout, vous auriez pu la payer avec une de vos cartes bancaires… », s’amuse-t-il.  Le parquet requiert 2 ans de prison avec maintien en détention pour Ilie qu’il estime instigateur de l’opération et six mois pour Maihu, sans mention à son casier.

 

" Des branquignols"

 

Attirés par l’argent facile, les deux Roumains n’ont récolté que des ennuis et le séjour de 10 mois à Varennes-le-Grand semble les avoir rendus plus raisonnables. « C’est une bêtise, je regrette» répète en italien Maihu en secouant la tête. Ilie, lui, s’en veut : « Cette fois, assène-t-il au fil de l’audience, je me suis bien fait avoir…» Une façon de dire au tribunal qu’on ne le reprendra jamais à tenter les combines ?

 « J’ai l’impression d’avoir affaire à deux branquignols sympathiques, commente Me Laborderie, défenseur du Roumain romain sans passé judiciaire. Assez naïfs pour acheter un matériel dont ils ne savent pas se servir... » L’avocate de Ilie, Nathalie Bernard, répète qu’aucune utilisation frauduleuse n’a eu lieu en France : « Ce n’est qu’un exécutant. » Les deux défenseurs soulignent des réquisitions trop sévères au vu des faits, minimes, qui concernent la détention de faux papiers et d’un matériel plus que suspect.

Le tribunal a finalement condamné les deux Roumains à rester en prison. Mihai a été condamné à 12 mois de prison, IIie à 18 mois.

« C’est bon, vous avez compris ? » s’enquiert auprès des prévenus la présidente Cécile Therme au prononcé du jugement. « C’est pas bon pour nous, lui répond Ilie, mais c’est comme ça … »

 

Florence Genestier

 

L’audience correctionnelle s’est tenue ce vendredi dans la salle de la cour d’Assises, la salle dévolue habituellement à ce type d’affaires ayant été victime des intempéries de la semaine. Un velux et un puits de lumière ont laissé passer une quantité d’eau qui a provoqué quelques dégâts…