Opinion de gauche

Nicole Eschmann (EELV) interpelle Marie-Guite Dufay sur la transition énergétique... et sur les Center Parcs

Lettre ouverte à Mde Marie-Guite Dufay, Présidente de la région Franche-Comté

Engagez-vous avec responsabilité dans la transition énergétique, pas dans les Center Parcs !

Madame,
Je vous remercie de votre invitation au Café débat « Transition énergétique », que vous organisez le vendredi 2 octobre à Dijon, en présence de Mme Corinne Lepage.
En Bourgogne et en Franche-Comté, les majorités que vous présidez avec François Patriat ont été moteurs sur un certain nombre de réalisations positives pour la transition énergétique (éolien, rénovation énergétique des lycées, soutien à l’agriculture bio, à l’économie sociale et solidaire, aux territoires à énergie positive, au bâtiment durable, création de schémas directeurs de la biodiversité …). Mais impuissantes face aux exigences des lobbyes du nucléaire, des routes, des aéroports, de l’agriculture conventionnelle et de certains entrepreneurs peu regardants sur l’utilisation des fonds publics, la sécurité de l’emploi ou le respect de l’environnement et du climat.
Prochainement, il vous faudra trancher sur deux projets pharaoniques, deux Center Pars, l’un au Rousset en Saône-et-Loire, l’autre à Poligny dans le Jura, sans vous laisser influencer par l’insistance prégnante du lobby Pierre&Vacances. Comment pensez-vous pouvoir justifier que la Bourgogne-Franche-Comté soit la première collectivité à financer et cautionner pendant 20 ans plus de 160 millions d’investissements dans deux gigantesques cloches tropicales, chauffées toute l’année à 29°, d’autant que Center parcs ne supportera aucune contrainte sur ses obligations de simple locataire ?
A l’heure de la baisse importante des dotations aux collectivités, P&V ne doit pas réussir le tour de force de faire financer intégralement tous ses investissements par des tiers : les régions, les départements, les communes, l’Etat (exonération de TVA et réductions d’impôts), en portant atteinte à l’environnement, au développement local et au tourisme rural, sous prétexte de quelques 300 sous-emplois créés.
Avec le même montant d’investissement, de nombreuses alternatives existent pour créer bien plus de vrais emplois pérennes, tout en renforçant l’identité de nos territoires et en apportant le bénéfice à toute sa population.
Je me permets de vous faire une suggestion parmi d’autres.
Alors que le débat national s’enlise sur des repas de substitution dans les cantines, les restaurants scolaires offrent quotidiennement à des centaines de milliers de lycéens et collégiens bourguignons et franc-comtois un repas équilibré à midi, pour certains le seul de la journée. Prenant en compte l’importance de la qualité de cette pause méridienne, nos régions ont investi et travaillé depuis 2004 , à l’internalisation du service (pas de sous-traitances à des entreprises industrielles), à la formation des agents, à l’amélioration des locaux, du matériel, à l’augmentation de la qualité et de la variété des produits. La démarche initiée par « Bien dans mon assiette » et les « Eco-lycées » ont mobilisé toute la communauté éducative autour des produits locaux, en partie bio, la responsabilisant de plus sur le gaspillage alimentaire et la prévention des déchets.
Il s’agirait donc, avec beaucoup moins de 160 millions d’euros d’investissement et beaucoup plus de 300 emplois créés, de créer 150 petites exploitations agricoles (maraîchage, œufs, fromages, volailles…) au plus près de chaque lycée bourguignon et francomtois, en maillant tout le territoire, et dans le cadre de nos compétences : appel à recrutement, formation supplémentaire, tutorat et accompagnement pendant 5 ans, achat groupé de matériel, aide augmentée pour la production bio, achat sécurisé d’une partie importante et négociée de leur production, le producteur gardant la liberté de vendre ses surplus en vente directe.
Pour ce faire, la création d’une centrale d’achats publique régionale pour nos lycées, puis pour nos collèges, permettrait de gérer au plus près TOUS les achats de nourriture, en repositionnant des agents volontaires suite à la fusion des 2 régions. Les bénéfices seraient immédiats en gain de temps, de traçabilité, de réduction des circuits de distribution et de coûts de fonctionnement, permettant d’améliorer la qualité des produits et d’augmenter de façon significative la part du bio sans aucun surcoût pour les familles.
Avec un investissement financier bien moindre que celui exigé par P&V, vous supprimerez le risque d’être tenue responsable un jour de 2 friches touristiques dans votre région, la fermeture brutale du VVF rénové de Lamoura dans le Jura devant nous servir de leçon. Vous créerez ainsi plus d’emplois pérennes, locaux, maillant et vitalisant le territoire, respectant notre environnement et notre climat, éduquant les élèves et améliorant leur santé, tout en donnant à notre terroir une belle visibilité, d’innovation et d’engagement.
Nous comptons sur vous, Madame, non pour solder à vil coût notre territoire à des financiers sans avenir, mais pour vous engager à mettre durablement en mouvement et en transition notre si belle et grande région.
Nicole Eschmann, Vice-présidente du Conseil Régional de Bourgogne en charge des lycées.