Chalon sur Saône

Une inauguration de palais au rythme des réformes à Chalon sur Saône pour Christiane Taubira

Une inauguration de palais au rythme des réformes à Chalon sur Saône pour Christiane Taubira

Pas de venue ministérielle sans manifestation. La Garde des Sceaux a découvert avec un bonheur non dissimulé un palais de justice d’ « une beauté et d’une fonctionnalité remarquables ». Malgré la fronde des barreaux, elle a défendu ses réformes passées et à venir. La justice, métaphore d’un vaste chantier jamais bouclé...

L’image aurait été forte au journal télévisé mais aurait été un affront pour la communication ministérielle de la Place Vendôme. Les avocats, surtout les plus jeunes, avaient prévu de protester pendant le discours de Christiane Taubira depuis les travées surplombant l’estrade où elle devait prononcer son discours, au niveau de la magnifique verrière qui fait tout le charme du palais de justice  chalonnais rénové. Leur toge ornée d'un brassard rouge ou décoré d'un dossier d'aide juridictionnelle ou encore du terme "avocat de base", ils comptaient dénoncer de manière choc et silencieuse la réforme de l’aide juridictionnelle qui les inquiète. Les cabinets du préfet et de la Garde des Sceaux,  forces de trésors diplomatiques,  ont canalisé la manifestation et obtenu des mécontents  et de leurs bâtonniers qu'ils descendent au rez-de-chaussée. L'image était moins spectaculaire, les dégâts moindres pour l’une des ministres déjà les plus chahutées du gouvernement Valls mais la colère et l'inquiétude, même descendue d’un palier, bien réelles. Une petite délégation du barreau de Belfort a toutefois déployé une banderole en plein discours de la ministre. Les colères polies sont parfois les plus difficiles à apaiser. Une réunion de près de deux heures entre Delphine Humbert, conseillère de la ministre pour les relations avec les professions juridiques et une vingtaine d'avocats de la cour d'appel ce vendredi matin n’a pas fait baisser la tension.

Voilà pour l'ambiance. Arrivée avec un petit quart d’heure d'avance en tout début d’après-midi, Christiane Taubira a découvert les  nouveautés du palais de justice chalonnais avec une satisfaction personnelle non dissimulée, sans tenir compte de la montre pour échanger avec le personnel. Sans Gilles Platret, en pleine bouderie politique, mais serrée de près par les parlementaires socialistes et guidée par le procureur Rode et la présidente du TGI, elle s'est d'abord attardée au guichet unique du greffe ou au bureau d'exécution des peines. Guichet unique du greffe ou permanences dédiées aux victimes qu’elle veut généraliser dans chaque TGI. Des réalisations concrétisées à  Chalon qu'elle compte valoriser dans les réformes qu'elle porte : un accès facilité du justiciable aux démarches et une meilleure écoute et prise en charge de sa parole. « Vous avez vu, a-t-elle glissé aux représentantes de l’AMAVIP 71, le budget a été doublé en quatre ans, il est passé de 20 M € à 40 M € et 100 nouveaux bureaux ont été ouverts».

Soulignant que la rénovation du palais chalonnais avait permis la réunion de 4 juridictions (civile, prud'hommes, commerciale et pénale) la Ministre de la Justice a déploré dans son discours la « tentation de mettre en cause l'institution judiciaire via une avalanche de mauvaise foi, des torrents de critiques personnelles et professionnelles par certains. Il n'est pas question de jeter en pâture le moindre magistrat ou fonctionnaire en cas d'incident. L'institution judiciaire est l'épine dorsale de notre démocratie. Il ne faut pas la fragiliser mais veiller à réduire les risques inhérents à son exercice ».
Rebondissant sur l’expression "avocat de base" qu'elle a récemment employée,  brandie sur des pancartes par les avocats présents et jugée méprisante par certains de leurs représentants elle s'est dite étonnée que cette expression leur apparaisse péjorative. « L’expérience de terrain pour un militant ou un professionnel est irremplaçable ».

Réformes à venir et changements en place

Au fil de son discours, sans doute pour s’éloigner des réformes en cours qui fâchent, elle est revenue de façon très pragmatique sur les changements déjà en route. « La contrainte pénale est une  peine exécutée  et très contrainte avec un suivi adapté et ajustable. Elle vise l’individualisation des peines et  surtout à éviter la récidive ». Pour l’instant, une seule contrainte de ce type a été prononcée par le TGI de Macon. La Garde des Sceaux a promis un bilan annuel de cette réforme pénale du 15 août 2014, qui promeut des peines plus adaptées et veut limiter la récidive de façon drastique. Elle a aussi rappelé les moyens accrus pour le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) en rappelant que 1000 personnes soit « 25% d’augmentation des effectifs avait été recruté sur trois ans. 510 nouveaux agents sont déjà en poste. ». La ministre a aussi évoqué l’augmentation constante du nombre de magistrats et de greffiers, , quelques pistes pour alléger les tâches et les procédures quotidiennes de ces deux métiers. Elle veut aussi remédier au « choc créé par les déserts judiciaires décidés en 2008 », comprenez la réforme de la carte judiciaire mise en place brutalement par ses prédécesseurs. Elle a aussi évoqué, un instant, la réforme des juridictions sociales et a insisté sur « l’impartialité et l’indépendance des magistrats, qui existent déjà mais devraient être plus visibles. Vous devez travailler aussi vous-mêmes  à votre indépendance » a-t-elle lancé aux magistrats devant elle. Sans oublier de rendre hommage - une nouvelle fois -  au travail de tous les fonctionnaires de justice, Christiane Taubira a conclu par une de ses formules mi-poétique, mi-philosophique qui ont aussi construit sa réputation  : « Gardez courage et résistez aux inévitables lassitudes qui mangent la volonté et rognent l’énergie ».

 

Florence Genestier

A lire :

Réforme pénale : http://www.justice.gouv.fr/la-reforme-penale-12686/la-reforme-penale-adoptee-par-le-parlement-27278.html