Culture

La fine fleur artistique tchèque s’en vint à Chalon. Et n’en repartit qu’après avoir magnifié le Requiem de Mozart

La fine fleur artistique tchèque s’en vint à Chalon. Et n’en repartit qu’après avoir magnifié le Requiem de Mozart

C’était samedi soir en la cathédrale Saint-Vincent de Chalon-sur-Saône la 3ème fois que le Requiem de Mozart avait droit de cité. Sans préjuger des précédentes éditions, force est de reconnaître que l’assistance, parmi laquelle d’aucuns se trouvaient dans un état quasi extatique, n’a pas été bercée d’illusions à propos des propriétés de bon aloi des différents intervenants. Servie sur un plateau par Laurent Pillet Organisation et les locaux de D2P sous le sceau d’A Chalon Spectacles, elle n’a eu qu’à suivre aveuglément le fil de l’histoire en n’en loupant pas une miette.

Quatre étapes pour un aller simple vers un ailleurs galvanisant

Du grand, du très grand art, a été dispensé par l’Orchestre philharmonique de République tchèque, coudoyé par le chœur du Théâtre national de Prague. Avant de toucher au port, le public devait entamer son élévation spirituelle par des mets de choix : Divertimento en si bémol majeur kv 137, Sancta Maria kv 273, Laudate Dominum (Vesperae Solemnes de Confessore) kv 339. Beaucoup mieux qu’une mise en bouche, l’indicateur de la teneur d’une soirée entièrement vouée à la suprématie de la décharge émotionnelle causée sans crier gare. Le très expressif chef d’orchestre Jan Chalupecky aura eu fort à faire afin d’harmoniser les tâches des musiciens et des choristes. Le Requiem, l’une des six cents œuvres et quelque à qui Wolfgang Amadeus a donné vie (symphonies, musique de chambre, compositions pour pianoforte et concertos, opéras, œuvres religieuses, parcours pianistique, etc.) a au demeurant fait l’objet d’une reprise en main par d’autres que son concepteur. Et pour cause. Trépassé en décembre de l’an 1791, Mozart ne put totalement honorer la commande qui lui avait été passée cette année-là. Désireuse de ne pas laisser péricliter le projet, sa femme Constance s’employa à recruter des compositeurs du sérail. N’en déplaise aux esprits chagrins, voire retors, la « sculpture » musicale voyait couler in fine dans ses veines nombre de chromosomes à la fibre originelle…

Itinéraire ascétique vers l’au-delà

Pondue à l’intention de quatre solistes (soprano, alto, ténor et basse), d’un chœur à quatre voix et d’un orchestre classique à la configuration amoindrie formé de deux cors de basset (clarinettes ténor), deux bassons, deux trompettes, trois trombones, de timbales, d’un ensemble à cordes, et d’une basse continue (orgue), le Requiem est dans une situation idoine pour coller au plus près de la réalité d’antan. La rigueur spartiate se traduit par un climat ambiant misant sur la pesanteur, la sévérité, contexte oblige expurgé des fioritures. L’ordre établi plus de deux siècles en arrière est sauf. Quant aux voix sacralisantes, elles supplantent plus souvent qu’à leur tour les instrumentistes, dont la fonction première réside dans un tir groupé au profit des choristes, même si les musiciens font –rarement- cavalier seul. Résultat des courses : une standing ovation des mélomanes au terme de la prestation collective, prenant mesure de facto des brassées d’oxygène ingérées et assimilées dans la foulée.

                                                                                           Michel Poiriault