Une Chantal Ladesou des grands soirs, un Nelson tordant, les Théâtrales ont rempli leur objectif à Chalon

La troisième saison des Théâtrales, cet événement radieux saucissonné en huit tronçons catapultant à Chalon-sur-Saône des emprunts au quotidien culturel parisien dans ce qu’il a de qualitatif, s’est mise en branle dans un Espace des Arts bondé. Cher en premier lieu à Pascal Legros Productions, élément moteur relayé par les organisateurs du cru que sont l’entreprise D2P et la structure A Chalon Spectacles, le rendez-vous s’est caractérisé par du théâtre de boulevard, donc à même de faire ouvrir les vannes de la détente intérieure dans les travées. Et ce fut sans conteste le cas !

Deux caricatures qui ont pris du plomb dans l’aile

C’était ce samedi soir la 266^ème fois que la pièce Nelson était interprétée, et rien de tel qu’une comédie en guise de vigie avec ses rires francs du collier pour rejoindre le port d’attache. Un gage de crédibilité cette longévité, avec des comédien(nne)s en adéquation parfaite avec le rythme de croisière induit. Nelson, c’est en fait un lapin nain, dénommé de la sorte en hommage à l’ensemble de l’œuvre de Nelson Mandela. Mais le rôle phare est tenu par la fantasque et inénarrable Chantal Ladesou, laquelle, brut de fonderie, n’a pas pour habitude de tourner autour du pot, ni sa langue sept fois dans sa bouche, bien plus sûrement d’aller droit au but, à l’aide de répliques davantage aigres que douces au demeurant ! Avocate depuis trente ans imbibée des plaisirs terrestres véhiculés par la bourgeoisie, mariée à un musicien, le couple d’un quart de siècle d’âge a deux enfants. Le système nerveux de l’intrigue vaudra par un repas en compagnie d’une autre famille, carrément à l’opposé s’agissant de la philosophie de l’existence et du mode de vie. Tout part de la fille de la défenseur des causes diverses et variées, désireuse que les deux clans se rencontrent de façon cordiale.

« J’ai enfanté une altermondialiste, et je n’ai rien pu faire pour la sauver », déplore la maternelle aux goûts de luxe. Le hic, c’est que pour ne pas froisser la susceptibilité de leur descendance féminine, ces parents vont devoir se métamorphoser en humanistes aux idées nobles et généreuses. Pas une mince affaire lorsqu’il faut faire abstraction de sa vraie personnalité, et se retrouver inféodé à un rôle de composition ! A fortiori quand la famille invitée est écolo et surtout végétalienne…Le sujet est soit dit en passant devenu d’une actualité brûlante malgré lui en raison du très récent rapport de l’O.M.S. sur les dangers afférents à la consommation de la viande et de la charcuterie… Malgré les efforts méritoires pour ne point faillir à leur engagement, les nantis commettent des impairs, chassez le naturel…Puis le point de non-retour est atteint : la mère conviée se trouve au plus mal à cause de sa phobie des pâtes aux œufs. Il s’ensuit alors un micmac bouleversant les postures initialement affichées. Le fils des gens perclus d’interdits, amouraché de la fille du camp d’en face, craque, avouant à sa dulcinée qu’il n’est pas celui que l’on croit, il voue un culte immodéré à la bidoche. Son père, pris en flagrant délit nocturne de vol de victuailles carnées par l’avocate, confesse à son tour son inclination en faveur d’un régime carnivore…de même que son entichement pour « la grande dame ».

Les masques tombent…Il n’y a que la mère verte qui fait preuve de stoïcisme en restant droite dans ses bottes, cependant affectée par l’infidélité virtuelle de son conjoint…Fausses apparences, duperies, affabulations, le final vaut son pesant d’or, le punch foutraque percute, les renversements de situation s’empilent. La vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain…Standing ovation au profit des comédiens au moment du franchissement de la ligne d’arrivée, ban bourguignon, l’entrée en matière a séduit les amateurs de légèretés en goguette.

La suite avec Michel Bouquet le 22 novembre

« A tort et à raison » sera le deuxième épisode (une création en tournée avant d’être jouée dans la capitale) des Théâtrales, le dimanche 22 novembre à 17h00, à l’Espace des Arts. Ou, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la mise en évidence d’insinuations de corruption entre un chef d’orchestre réputé et le régime nazi, justifiées ou non…Michel Bouquet oeuvrera aux côtés de Francis Lombrail, Juliette Carré, Didier Brice, Margaux Van Den Plas, et Damien Zanoly. Infos et réservations : 03.85.46.65.89 ; www.achalon.com, www.les-theatrales.com, et aux points de vente habituels.

                                                                                               Michel Poiriault