Chalon sur Saône

La grande région Bourgogne-Franche-Comté à venir interpelle les valeurs sûres des arts de la rue à Chalon

La grande région Bourgogne-Franche-Comté à venir interpelle les valeurs sûres des arts de la rue à Chalon

Face à l’inconnue incarnée à ce jour par la nouvelle grande entité régionale Bourgogne-Franche-Comté, telle quelle à compter du 1er janvier 2016, les composantes les plus représentatives des arts de la rue (endroits dédiés, festivals, artistes) se mobilisent pour à la fois mieux se connaître et faire bloc au motif que leur cause ne périclite pas. Cette semaine au C.N.A.R. (Centre National des Arts de la Rue) de Chalon-sur-Saône, elles étaient six structures à se serrer les coudes, histoire de constituer une force de frappe dans le bon sens du terme à montrer aux futurs édiles.

Bien plus que des visites de courtoisie

Tout s’est amorcé en réalité le mercredi 24 juillet dernier, de par une réunion de défrichage lors de Chalon dans la rue. Pour la Bourgogne l’Abattoir, ainsi que La Transverse de Corbigny (Nièvre) via la Compagnie Métalovoice, Les Zaccros d’ma rue (Nevers), alors que du côté franc-comtois le conglomérat L’Amuserie/La Vache qui Rue/Théâtre Group’ (Lons-le-Saunier/Moirans-en-Montagne), la Compagnie Pernette/La Friche Artistique (Besançon), et le Théâtre de l’Unité/Studio des 3 oranges (Audincourt), ont enfoncé le clou ce lundi 2 novembre, avec un tir groupé aux trois étapes de Franche-Comté directement concernées. Le lendemain, tous de remettre le pied à l’étrier à Chalon en usant de la salive et en visitant l’Abattoir, avant de mettre le cap sur Corbigny et Nevers en en faisant de même. Des rapprochements qui de toute évidence ne devraient pas rester lettre morte vu la nature des enjeux, plus particulièrement économiques, à même de remettre en question à tout le moins le contenu des festivals. Le temps presse, ces six lieux de création et de résidence incontournables auront besoin devant les élus en place et des frontières inédites, d’une indéniable lisibilité. D’où l’impérieuse nécessité d’un travail en réseau et en partenariat pour solidifier la création, juxtaposer les initiatives artistiques, les populations et les territoires, instaurer des structures spécialisées et généralistes.

 

« La suppression du C.N.A.R., c’est l’intérêt de personne »

Pour le pivot du C.N.A.R. chalonnais, Pedro Garcia, son directeur artistique, « on doit imaginer comment avec nos lieux de création on peut encore accompagner les projets des artistes. On veut que des choses puissent émerger, que le C.N.A.R joue le rôle qui est le sien, et peut-être mieux qu’il ne le joue actuellement. J’imagine que les élus vont s’interroger sur le bien commun. Les arts de la rue sont les derniers arrivants juste après le cirque. Nous tendons la main aux habitants. C’est une question de visée politique sur la durée. Beaucoup d’élus savent qu’il faut autre chose. Cette politique culturelle doit se renouveler, se réinventer, nous on veut participer à ça, mais pas attendre.» D’après un interlocuteur, la planche de salut est l’immédiateté. «Il faut agir maintenant, ou beaucoup, beaucoup plus tard. Nous sommes à une époque charnière où beaucoup de choses vont changer, et quand il faut supprimer quelque chose, c’est le théâtre en premier. » Selon Jacques Livchine, metteur en songe du Théâtre de l’Unité, « nous dépendons des pouvoirs publics. La relation avec les élus devient plus primordiale qu’avant, car de plus en plus ceux-ci voient mal les retombées. Ce ne sont pas les retombées financières, mais les retombées immatérielles de l’art qui nous intéressent. Les C.N.A.R. sont des maternités. La gauche et la droite n’ont pas les mêmes politiques régionales. On risque très gros. » Directeur artistique de l’Amuserie et du Théâtre Group’, Patrice Jouffroy estime que «ce qu’il faudrait faire quand il y aura un nouvel élu en charge de la culture, c’est le rencontrer. Nous sommes des lieux d’enjeu pour les Compagnies, pour vendre ou ne pas vendre des lieux de confrontation. C’est un creuset. » Si d’aventure le C.N.A.R. venait à partir en fumée, ceci entraînerait irrémédiablement des conséquences fâcheuses. « Nous, C.N.A.R., convention entre la ville et l’Etat, nous revendiquons plus de 500.000 euros de recettes intérieures. Si le C.N.A.R. disparaît, les 500.000 euros disparaissent. Le sujet est autre, mais l’autre question est que les gens ont envie de se retrouver. A Chalon on monter sa ville et son territoire. Sur les dix, douze ou quatorze Compagnies en résidence, il y en a huit ou dix  dans le in de Chalon dans la rue. L’idée, c’est la synergie complète entre la production du lieu Abattoir et le festival. L’aspect du label joue. Quand les élus ont une sorte de navire amiral, ils le défendent. Je pense que malgré bien des agitations, il faut retrouver des moyens supplémentaires. La suppression du C.N.A.R., c’est l’intérêt de personne », dixit Pedro Garcia. Bref, si l’on s’est livré à maintes conjectures, la détermination n’a point molli, la crédibilité étant à ce prix…

                                                                                            Michel Poiriault