Chalon sur Saône

Tribunal correctionnel de Chalon - Un petit trafic entre amis, cinq ans après

Tribunal correctionnel de Chalon - Un petit trafic entre amis, cinq ans après

Des peines de 18 mois à 9 mois de prison avec sursis pour un groupe de gros consommateurs trafiquant divers stupéfiant en 2010 dans le Chalonnais et en Bresse. Les jeunes, âgés de 24 ans aujourd’hui, ont bien vieilli et montré à l’audience une volonté de faire leur chemin loin des substances toxiques.

Des taches de plâtre maculent son jean et il espère rejoindre le chantier sur lequel il travaille avant la fin de la journée. Cinq ans après les faits, ce jeune homme de 24 ans, ancien toxicomane comparaît avec ses anciens amis ce matin du 23 octobre au tribunal. Pour un trafic de stupéfiants, de résine de cannabis jusqu’aux grammes d’héroïne. Depuis 2010, année de leur interpellation, les cinq garçons ont évolué, comme tout le monde. L’un d’eux, obligation faite dans son contrôle judiciaire, après un mois derrière les barreaux s’est vu obligé de quitter la région. D’abord chez une tante et un oncle en Ardèche, ensuite dans son propre appartement toujours dans le Sud. Un déracinement difficile à vivre pour ce jeune homme très lié à sa fratrie mais qui a porté ses fruits. La bande avait obligation de s’éviter et a respecté la consigne. Pas tout à fait les mêmes, ni franchement autres, les gamins de 18 ans à l’époque impliqués dans ce trafic de gros consommateurs ont mûri, réfléchi un peu, sont devenus parents ou sont en passe de l’être. « Si c’est pour refaire des conneries, je préfère ne plus les voir », précise le plâtrier-peintre, un peu fébrile, au tribunal.

Tous ont assez bien respecté leur contrôle judiciaire, pendant plusieurs années. Tous ont plus ou moins le même parcours pour leur relation à la drogue : ils ont commencé par fumer de l’herbe très tôt, vers 12-13 ans,  au collège et sont peu à peu passés à des substances plus fortes. L’un explique sa dépendance à l’héroïne par des douleurs provoquées par un grave accident de moto et une inaptitude qui lui a valu un licenciement, l’autre raconte comment il se précipitait dans les rave-parties, certain de trouver sa dose. Presque tous affirment avoir réussi à se débarrasser de leur dépendance. Quelques doutes subsistent pour certains, dont la volonté et les nerfs semblent tenir à un fil.

Gros consommateurs, leurs revenus au moment des faits entre argent de poche des parents et petits boulots ne leur permettaient pas d’assurer leur consommation, estimée par le prévenu le plus toxicomane à près de 2000€ par mois. Alors, au trafic s’ajoutent des vols, tentatives de vol et du recel. Des cambriolages de maisons secondaires principalement, au résultat maigre : on s’empare ici d’une bouilloire et d’une table basse, ailleurs on subtilise des outils de jardinage, des tronçonneuses, des bidons de carburants, un grille-pain, un ordinateur et du matériel hi-fi, des chaises. On retrouve du matériel volé chez l’un d’eux qui s’installe dans un nouvel appartement. Petits vols, petits recels, en circuit fermé, sans trop de profit mais avec toujours, quelques dégâts. Treize vols aggravés ou tentatives de vols tout de même, en Bresse et dans le Chalonnais, planifiés en fonction des absences longues des propriétaires. Peu de victimes visitées se sont portées partie civile, l’assurance a remboursé l’effraction et les biens disparus.  C’est une photo d’un des cambrioleurs avec une carabine volée qui a permis aux enquêteurs de remonter la piste des vols. Assez spontanément, les jeunes ont reconnu et donné la liste de leurs larcins. Ils n’avaient laissé aucune empreinte sur les lieux. « Vous avez été arrêtés en mars 2010. Est-ce que vous aviez conscience d’être dans une spirale dangereuse ? » interroge la présidente Therme. Silence. On ne sait pas si à l’époque, le groupe avait conscience de l’être, mais en 2015, le ton est différent.

Le parquet évoque un trafic entremêlé de transactions entre connaissances, sans vraiment de hiérarchie. Les fournisseurs chalonnais et bressans du groupe n’ont pas été identifiés. « Il y a des évolutions positives, même si elles apparaissent fragiles », reconnaît le Ministère public, qui demande des preuves des sevrages relatés à la barre par les divers prévenus.  Y. a été le seul à être incarcéré dans l’histoire. Il a participé aux cambriolages. Le parquet requiert des peines de 18 mois à 12 mois assortis d’un sursis pour le trafic, et le même quantum pour les cambriolages selon le degré d’implication des jeunes. Pour la défense, leurs clients ont évolué « de manière remarquable, ont été respectueux de leur contrôle judiciaire, se sont insérés professionnellement ».

Le tribunal a reconnu tous les prévenus coupables et a prononcé des peines avec sursis, accompagnées parfois de mises à l’épreuve avec des obligations de soins, allant de 18 mois de prison (pour chaque affaire) à 9 mois, ce qui fait que les peines s’additionnent pour certains. Pour le principal prévenu, Y., l’interdiction de séjour en Saône-et-Loire est levée. Le tribunal a pris en compte l’évolution plutôt encourageante de chacun. Le plâtrier-peintre était plutôt soulagé et content de rejoindre son chantier avant la fin de l’après-midi. Sa vie d’après la drogue.

Florence GENESTIER