Faits divers

Tribunal correctionnel de Chalon – Agressé et saucissonné chez lui par un ex-ami

Tribunal correctionnel de Chalon –  Agressé et saucissonné chez lui par un ex-ami

L’affaire a failli aller aux Assises mais a été requalifiée en délit à la fin de l’instruction. Un matin de 2012, un enseignant creusotin retraité, se retrouve nez-à-nez sur son palier avec un homme cagoulé et armé. Bagarre dans l’appartement. Jean-Louis finit baillonné et saucissonné sur son lit. L’agresseur repart avec sa carte bleue. Identifié, il nie les faits jusqu’à sa 5e audition chez le juge d’instruction.

Des coups sourds et de faibles appels au secours attirent l’attention du voisin du dessous, ce matin de mars 2012. La police délivre Jean-Louis, fortement traumatisé par la scène très violente qu’il vient de subir. Il est tôt ce matin-là quand la sonnette retentit. Quelqu’un à l’interphone se présente comme le facteur avec un recommandé à faire signer. Jean-Louis ne se méfie pas et entrouvre la porte, en attendant la lettre, au 10e étage. Trois minutes plus tard, le voilà face à un homme cagoulé et armé, avec un bonnet noir. Par réflexe, l’enseignant tente de désarmer l’intrus. Il réussit à lui ôter son bonnet. Bagarre, dont le retraité ne sort pas vainqueur. Il est traîné sur le sol, ligoté sur son lit. L’homme saisit sa carte bleue, lui extorque le code, puis le baillonne avec du scotch. Il quitte l’appartement non sans avoir détruit le téléphone fixe, l’interphone et embarqué son mobile et un appareil photo. Il menace sa victime de s’en prendre à sa mère s’il bouge, vole les clés de l’appartement et celles de la maison de sa mère. Et ferme la porte à double tour. Il n’est pas neuf heures du matin. Délivré par les forces de l’ordre une fois l’alerte donnée, l’enseignant se demande s’il ne s’agit pas d’un de ses anciens élèves, puis d’une ancienne relation, avec qui il a eu une aventure. Le bilan physique et psychologique est assez lourd : fracture d’une côte, hématome à l’œil, contusions et bleus. Pendant deux semaines, hébergé chez sa mère, la victime ne pourra pas bouger, ni sortir.  Les enquêteurs s’orientent vite vers le prévenu, H. qui nie les faits. Le pistage de la carte bleue, comme les bandes de vidéosurveillance de divers magasins affirment le contraire.

H. explique avoir agi ainsi car il devait de l’argent à son dealer, « plus de 11.000 euros. » Une piste que les enquêteurs n’ont pu vérifier tant les aveux de l’agresseur ont été tardifs, au 5e rendez-vous chez le juge. « J’étais pas dans mon état normal, j’étais dans le brouillard, drogué du matin au soir ». H. prenait  des doses importantes de cocaïne et d’héroïne. « J’ai eu peur pour ma famille. Il fallait que je trouve de l’argent. » A l’époque, même si dix ans plus tôt, il a entretenu une relation sexuelle épisodique avec sa victime, H. est papa et partage sa vie avec une femme. Bizarrement, au début de l’année 2012, il recontacte Jean-Louis. « Vous l’avez décrit chez le juge d’instruction, comme la bonne proie. Vous le saucissonnez, vous le menacez avec un pistolet, certes factice, mais vous avez créé des conditions très angoissantes», remarque la présidente Therme. L’agresseur ne s’attendait pas à une réaction de défense aussi vigoureuse de l’agressé.

 

Une bonne proie qu se défend

 

«J’aurais jamais dû faire ça, je m’excuse, articule H. en regardant enfin Jean-Louis.

- C’est un peu tard je trouve. Je suis venu ce matin mais le seul fait d’entendre tout cela et de reparler de l’affaire me perturbe, répond Jean-Louis. On se remet difficilement d’une agression pareille. On essaie d’avancer".

H. raconte qu’ « il a tout perdu avec cette affaire ». Son emploi de brancardier, sa compagne de l’époque et l’estime de son fils. Après 14 mois de détention provisoire, il s’est aussitôt remis à travailler, est à nouveau papa et partage sa vie avec une collègue. On sent un ton plaintif, comme si la principale victime, c’était lui…

« H. a profité de ce temps pour se reconstruire. Sa victime a eu plus de mal. Il a eu la peur de sa vie. Les enquêteurs ont mis à l’abri sa mère parce qu’ils craignaient que l’agresseur se rende aussi chez elle ! » clame Me Delmas, partie civile. « J’entends les excuses du prévenu mais s’il avait voulu faire du mal à mon client, qu’est-ce que ça aurait été ? »  Pour le procureur Christophe Rode, l’affaire est grave. « On ne doit pas banaliser les faits parce que le crime envisagé a été requalifié en délit. »  Il loue la pudeur de la victime. Insiste sur la préméditation, l’organisation du prévenu, son sang-froid malgré sa dépendance à la drogue. « C’est d’une violence extrême. De plus, il a menti pendant longtemps. S’il a des regrets aujourd’hui, c’est surtout sur sa propre situation » assène le procureur, qui s’interroge sur la dangerosité de H. en cas de stress et requiert cinq ans de prison dont un avec sursis et mise à l’épreuve.

La défense parle de « modèle de réinsertion ». « C’est un primo-délinquant » insiste Me Morley. Il raconte la dépression suite à la mort de sa mère, qui l’a conduit à devenir toxicomane. Signale que son client est « sérieux et sincère » depuis trois ans et « accessible au sursis intégral et à l’aménagement de peine.» H. a été condamné à quatre ans de prison dont deux avec sursis simple pour escroquerie, extorsion et séquestration. Huit mois de prison ferme à effectuer. Jean-Louis se sent enfin plus léger. Une audience aux intérêts civils a été fixée en janvier.

 

Florence Genestier