Chalon sur Saône

ASSISES DE SAONE ET LOIRE A CHALON - Triple infanticide de Gergy : le témoignage des pères

ASSISES DE SAONE ET LOIRE A CHALON - Triple infanticide de Gergy : le témoignage des pères

Hier, le début du procès de Céline Rubey, 33 ans, mère infanticide de ses trois fils à la Toussaint 2013 à Gergy a été pénible et douloureux. Le rappel des faits et le premier interrogatoire de la mère ont été émaillés de pleurs et d’une longue interruption de séance. Ce matin, les deux pères des trois enfants se sont succédé à la barre.

Céline Rubey est figée dans son box. Vêtue d’un pull d’hiver bon marché à motifs, cette trentenaire plutôt frêle a le regard qui part souvent dans le vide. L’avocate pour la partie civile, Me Wendel du barreau de Dijon, représente désormais les deux pères des enfants. Hier et pendant toute l’instruction, seul un des deux pères, celui de Liam, 6 ans, l’aîné des enfants demandait réparation. Des hommes avec qui Céline, la maman infanticide a eu de courtes relations. La jeune femme avait avorté par le passé et quand elle tombe enceinte de Mustapha, en 2006, elle décide, avant même de lui en parler de garder l’enfant. A l’époque, le jeune homme n’est pas prêt du tout à être papa. Il décrit une Céline « dynamique, ambitieuse, bosseuse », qui a réussi à acheter un appartement qu’elle retape. Les amants se brouillent après un an, se perdent de vue, Céline part vivre en Haute-Savoie. Elle reprend contact des années plus tard, en 2010. Lui, en vieillissant se sent prêt à connaître son fils. Elle lui répond qu’il « n’est plus le papa de Liam ». Encore plus tard, elle l’appelle, lui évoque une conversion à l’islam et lui demande pardon pour les propos qu’elle lui a tenus. Ils ne se sont jamais totalement perdus de vue.

C’est après son épisode de bouffée délirante de juin 2013, où elle confie « avoir entendu des voix » qui se solde par un séjour en hôpital psychiatrique et un placement des enfants que Céline et Mustapha se reparlent. Elle retrouve la garde de ses trois garçons. Il commence vraiment à voir son fils. « C’était un appel à l’aide de sa part, elle ne m’a rien caché ». Jusqu’à cette Toussaint tragique, Mustapha verra Liam trois fois. Il raconte avec émotion leur première rencontre, en été, à Gergy. « On a ramassé les pommes ensemble. C’était super. » La deuxième fois, il lui offre un ballon de foot. Se souvient du sourire de Céline. « Que des choses positives, c’était pour moi un moment de bonheur ». Et le 27 octobre, tout se dégrade. Elle lui indique par téléphone ne plus vouloir le voir dans la maison de Gergy. « Si ça ne va pas Céline, il faut que tu me le dises », lui dit-il. Trois jours avant ce vendredi fatal ou elle étouffe ses enfants... « Le ton de sa voix n’était pas normal » témoigne Mustapha. Un témoignage entrecoupé de sanglots, de regrets de n’avoir pas vu le drame intense venir. Dans le box des accusés, derrière la vitre, Céline pleure aussi.

Une attitude totalement opposée à celle adoptée lorsque le père des jumeaux vient lui aussi témoigner. Aucune émotion. Un masque d’indifférence. Céline et lui ont eu une relation de deux mois fin 2011, soldée par un mariage religieux à la mosquée, dont on n’a aucune trace administrative. Déjà père de trois enfants et en plein divorce, le jeune homme, I. et Céline ont deux rapports sexuels en deux mois. Elle le décrit violent et, partie vivre un moment à Dijon chez lui, elle s’enfuit vite. Il apprend par la bande des mois plus tard qu’elle est enceinte, c’est ce qu’il déclare à la Cour. A la naissance des deux jumeaux, il les reconnaît à la mairie à la demande de Céline. Elle ne bronche pas, même quand il pleure, sort d’une chemise la photo des deux frères et s’asseoit. « Je voudrais bien savoir si elle a un cœur cette femme. J’ai pas compris pourquoi elle a fait ça, c’était des bébés ». Au moment du drame, il est au Maroc auprès de sa mère malade. Céline l’accuse de violences, de coups et même d’attouchements sur les enfants. Il nie farouchement à la barre. Interrogée par le président à l’issue des deux témoignages paternels, l’accusée distingue clairement les deux pères. Elle demande pardon à Mustapha, (« je m’en veux de lui avoir fait du mal »), pas à I. Surpris, le président Antoine Brugère lui demande pourquoi : « Il ment. Il ment quand il dit que je lui ai caché ma grossesse ou qu’il ignorait que je n’avais pas de contraception, quand il dit qu’il n’était pas violent. Je n’ai senti aucun lien entre lui et ses enfants quand il les a rencontrés, au contraire de Mustapha.» Elle dit aussi n’avoir eu aucun esprit de vengeance envers les pères quand elle a étouffé ses trois petits, ce qu’a suggéré l’un d’eux.

 

Florence Genestier