Assises de Saône-et-Loire - Triple infanticide de Gergy : l’universelle vérité de la manipulation

En clôture de cette deuxième journée d’audience, le témoignage d’un « coach de vie » autoproclamé, très bavard et autocentré a permis de mieux cerner la fragilité de l’accusée. Le coach a échangé plus de 5400 messages, SMS, mails et appels téléphoniques avec Céline Rubey. La Cour a cherché à savoir quelle influence il avait pu avoir les mois précédant le drame sur le comportement de l’accusée.

Trois jeunes enfants sont morts, étouffés par leur mère un vendredi de Toussaint 2013. La Cour d’Assises de Saône-et-Loire a choisi de débattre trois jours et demi pour tenter de comprendre ce geste. Trois jeunes enfants sont morts mais cela intéresse  à peine le dernier témoin entendu ce mardi après-midi. La déclaration spontanée n‘en finit pas. L’homme se présente comme un ancien sportif de haut niveau, passionné par "la performance". A vrai dire, il semble surtout passionné par lui-même. Il a écrit quatre livres, non publiés mais partage ses avis et des textes sur Facebook. Il a un public, un site : « l’universelle vérité ». Depuis qu’il a déposé le bilan de salles de sports dans la Drôme, il ne travaille plus. Sans diplôme officiel de théologie ou de thérapeute quelconque, il s’est fait une spécialité des « femmes françaises converties à l’Islam qui se posent des questions ». Il n’a jamais rencontré Céline avant le drame, ne la connaît pas.  Il a réponse à tout, interrompt le président, trouve que les questions de l’avocate générale ne sont pas assez claires. Se dégage, surtout de toute responsabilité, de toute influence négative. La mère de l’accusée avait menacé sa fille de la priver de son ordinateur si elle reprenait contact avec cet homme, qu’elle estimait néfaste.

Le témoignage du « maître de vie » face à la cour va durer deux heures. Au vu des réactions dans le public, il fatigue tout le monde d’arrogance et de contorsions verbales.  La patience du président Brugère en devient admirable. Le magistrat cherche, entre autres, à mesurer son influence éventuelle sur le comportement de l’accusée, à savoir s’il a conseillé à Céline de mettre de la distance entre elle et le père de Liam. Il semblerait que oui.

C’est après l’épisode de bouffée délirante du 22 juin 2013, où Céline a cru entendre des voix à une fête musulmane, qu’ils entrent en contact via Facebook. « Elle m’a dit avoir coupé avec toutes les personnes avec qui elle était en contact, en lien avec la religion ». Le « coach de vie » réagit mal quand le président lit un de  ses textes à l’audience qui insiste sur la soumission de la femme à l’homme ou encore le témoignage d’une amie de Céline, entrée en contact avec le coach et effarée par les propos qu’il lui a tenus : « il m’a dit que la démocratie m’avait lavé le cerveau et cherchait à me rabaisser sans cesse ». Des procédés hélas communs à tous les manipulateurs.

L’avocate générale, Caroline Mollier, lit le PV de synthèse des gendarmes drômois qui ont entendu l’homme pendant quatre heures à la demande du juge d’instruction : « A chaque fois que nous posons des questions plus précises, il élude les questions ou s’engage dans des logorrhées interminables pour enfin nous dicter les réponses mot à mot ». Puis constate, cruelle mais juste : « vous nous avez parlé 20 mn de vous avant de nous parler de Céline. Vous avez échangé près de 5400 messages avec elle, vous êtiez très présent dans sa vie». L’homme s’énerve : « Dites-moi carrément que j’ai voulu manipuler cette personne. Oui, j’ai de l’impact quand je parle, sinon je n’en ferais pas mon travail ».

Arrive le tour de la Défense, incarnée par Me Grebot, revenu très en forme plaider à  la Cour d’Assises : « De quel droit prétendez-vous donner des conseils aux gens, hors la haute opinion que vous avez de vous-même, commence l’avocat, alors que vous ne les connaissez pas et n’avez aucun diplôme ? Vous êtes un sportif de haut niveau  à moitié raté, vous n’avez aucun titre, que des médailles de 2^e ou 3^e rang. De quel droit prétendez-vous gérer l’avenir de ces gens ? Et pitié, ne nous faîtes pas un monologue, pour une fois soyez clair et honnête !» Suit un échange assez tendu où le témoin fait part de son opinion sur le métier d’avocat. « Je comprends que des personnes fragiles puissent se trouver sous votre coupe », conclut le plaideur chalonnais.

Florence Genestier