Chalon sur Saône

Quel panier de crabes que cette pièce "Les cartes du pouvoir" avec ses dommages collatéraux !

Quel panier de crabes que cette pièce "Les cartes du pouvoir" avec ses dommages collatéraux !

En politique tous les moyens sont bons, et tous les coups permis pour se hisser au plus haut niveau, à défaut tirer son épingle du jeu. Autant dire que la morale est aux abonnés absents. Avec la pièce « Les cartes du pouvoir », 3ème volet des Théâtrales chalonnaises 2015-2016 on se trouve plongé dans les affres des préparatifs d’une primaire américain avec ses hauts et ses bas, plutôt bas d’ailleurs. Compromissions, chantage, rivalités, comportements sans scrupules, règlements de comptes, vilenies…ont fait le lit des gens sans foi ni loi.

Dans de sales draps

Cet ajustement français à la pièce « Farragut North de Beau Willimon, qui s’était en ce qui la concerne calquée sur l’histoire véridique de Howard Dean, a tenu l’ensemble de ses promesses ce samedi soir à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône. Le suspense haletant provoqué a valu par une série de rebondissements où les mauvais côtés de la nature humaine auront démontré que l’opportunisme n’avait que fort peu d’atomes crochus avec une espèce en voie de disparition…ainsi que grâce à l’étoffe des comédiens, dont Thierry Frémont, à embarquer le public sans résistance dans un angle mort, les coulisses malsaines dans lesquelles les malversations vont bon train. Pierre angulaire de la trame de la comédie dramatique, Stephen Bellamy, attaché de presse et conseiller de campagne du gouverneur démocrate Morris, est subordonné aux décisions de son directeur de campagne, Paul Zara (Thierry Frémont) apôtre de la loyauté inébranlable. Nonobstant, la vérité d’un jour ne sera pas celle du lendemain…

Grandeur et décadence

Le taux d’excitation est à son comble à l’occasion de la 6ème campagne de Paul : »Je ne me suis jamais senti si proche du but. Pour nous les gens dans la merde ne sont pas des tubes à essai. Renversons ce putain de système. Rendons possible l’impossible. » Carriériste au possible, l’impétueux attaché de presse ira de mal en pis. Premier signe tangible, il se rend à l’invitation du directeur de campagne du candidat adverse, duquel il s’entend dire : »Je te veux avant la primaire, pas après votre défaite… » Mis devant le fait accompli, Paul Zara entre dans une colère noire : « Ca s’appelle une collusion. La presse va boire du petit lait. » Une journaliste du Times menace d’écrire un papier sur cette rencontre aux relents douteux. Elle aurait tout aussi bien pu relater les coucheries de Paul et Stephen avec une stagiaire de 19 ans…Mais l’accent est mis sur la déconvenue de l‘attaché de presse, viré comme un malpropre par son responsable (« T’as pas fait une erreur, t’as fait un choix. C’est terminé. J’ai plus confiance en toi.») Ultime bouée de sauvetage pour l’évincé, la tentative de rapprochement avec le directeur de campagne antagonique. Se rendant compte du prix à payer pour les pots cassés, il s’autoflagelle. « Je suis un putain de loser, un putain d’enfoiré. Sans ce boulot je ne suis rien », déplore-t-il. Cette fois, le vent a tourné. L’interlocuteur qui souhaitait antérieurement obtenir coûte que coûte son adhésion, ne voit plus la situation du même œil, renvoyant le requérant à ses chères études. Econduit, le dindon de la farce n’a pas eu la même trajectoire que l’accédant à la fonction d’attaché de presse, son ancien poste chéri. Les cartes du pouvoir reviennent finalement à ce remplaçant de luxe, qui, consécutivement aux congédiements de Paul Zara et Stephen Bellamy, tire la couverture à lui auprès du gouverneur, être discret longtemps dans l’ombre et qui a notamment séduit par la justesse de son écriture. Rien n’est jamais acquis d’avance, qui veut voyager loin ménage sa monture…

                                                                                              Michel Poiriault