Opinion de gauche

Le NPA et les scores du FN...

Démocratie : état d'urgence


Dimanche soir, c'était frappant : les partis, les élu-e-s, les journalistes, les syndicats, les associations, les expert(e)s et  les écrivain(e)s, ... ce n'est de la faute de personne.
Et bien, je le dis : le score du Front National, c'est beaucoup de leur faute. Et aussi un peu de la mienne. Parce que, comme beaucoup, j'ai vu le mur arriver. Et que j'ai le sentiment de ne pas avoir assez fait pour l'éviter.
J'ai vu le mur arriver en 2011, quand, pendant la campagne des présidentielles, nous disions que 10 ans de droite au pouvoir avaient en profondeur (dé)structuré les mentalités et le débat public. Que l'ensemble de l'échiquier politique était peu à peu tiré vers la droite et l'extrême-droite à coups de "travailler plus pour gagner plus", de bouclier fiscal, de "débat" sur l'identité nationale, etc... Nous expliquions d'ailleurs chaque semaine que le Président de la République de l'époque était responsable de l'état politique et social du pays (pourquoi cela aurait-il changé ?).
J'ai vu le mur arriver en 2012. Quand François Hollande a, dès le mois de mai, renoncé à son principal engagement de campagne, la réorientation de l'Europe par la renégociation du traité de stabilité européen (TSCG). Quand il a offert des milliards d'euros aux entreprises sans aucune contrepartie (le CICE), puis qu'il a enterré successivement la réforme fiscale, le récépissé pour lutter contre le contrôle au faciès, le droit de vote des étrangers, il a fait progresser l'idée que les promesses n'engageaient que les imbéciles qui y avaient cru (même qu'un peu). En reprenant à son compte les thèmes du "ras-le-bol fiscal", du "coût du travail", des "roms qui ne s'intègreraient pas", en hésitant 3 mois avant de (ne pas) virer Cahuzac, lui et son Premier ministre ont ouvert un boulevard à l'idée que les responsables politiques se valaient toutes et tous. Et ils ont, peut-être malgré eux (j'en arrive parfois à douter), validé les thèses de ceux que nous combattions.
J'ai vu le mur arriver en 2013. Quand la réforme des retraites a commencé à se dessiner. Comment donner confiance dans la chose politique si, une fois élus, les membres du nouveau gouvernement mettent en oeuvre des réformes contre lesquelles ils s'étaient "mobilisés" 3 ans auparavant ?
J'ai vu le mur arriver en 2014. Quand, au lendemain des élections départementales, les responsables politiques ont dit, sur tous les plateaux, que "le message avait été entendu" et qu'il fallait "amplifier les réformes". Comment prendre les gens pour des abrutis, avec le sourire en plus.
J'ai vu le mur arriver en 2015. Quand, au lendemain d'attentats terribles et meurtriers, nos parlementaires (à l'exception de 6 d'entre eux) ont validé des mesures de restrictions des libertés au nom de nos libertés. Quand le gouvernement a repris à son compte des propositions tirées du programme de l'extrême-droite, comme la déchéance de la nationalité, la possibilité d'armer les polices municipales. Quand le binôme de l'exécutif Hollande-Valls utilise l'état d'urgence pour mieux criminaliser les opposants qui pourraient déranger l'action gouvernementale (militants écologistes, syndicalistes placés en assignation à résidence)
Il faut sans attendre dépoussiérer cette démocratie vérolée, sclérosée, qui repose encore et toujours sur les schémas surannés du clientélisme et de l'électoralisme, où les intérêts de la caste politique installée supplantent l'intérêt général. Une démocratie qui étouffe, ne respire plus parce-que domestiquée et neutralisée par des professionnels de la politique désormais rejetés par la grande majorité des citoyen(ne)s.
Le mur est là, tout près. Si on s'y met, on peut peut-être virer de bord et éviter le crash en 2017. Cette reconstruction impliquera sans aucun doute un changement de nos pratiques, un renouvellement de nos mots, de nos propositions, des têtes qui nous représentent, une capacité à nous remettre en question, à ouvrir les portes, les fenêtres à celles et ceux que nous avons exclus.  Ca ne sera sans doute pas facile tous les jours. Mais avons-nous vraiment le choix ?
Le NPA constate avec regret le taux élevé de l'abstention et avec beaucoup d’inquiétude la progression inquiétante du FN. Une fois de plus il nous faut dire à nos concitoyens que cette voie extrémiste de droite est sans issue. Pour autant, le NPA ne donne aucune consigne de vote pour le deuxième tour des élections régionales. Il fait confiance à ses sympathisant(e)s pour faire un choix digne de leurs convictions personnelles. Le NPA 71 ne veut pas cautionner,  par un hypothétique soutien de circonstance à la liste PS Bourgogne-Franche-Comté, la politique et la communication du gouvernement, qui sont en partie responsables de cette progression extrêmement préoccupante du Front Nationale. Pour nous, le rôle de la gauche dans ces moments difficiles devrait être de s'attaquer aux racines du mal : les fractures territoriales, les inégalités sociales, le délitement de la cohésion sociale, l'abandon d'une frange grandissante de la France qui galère. Nous n'apporterons pas notre soutien à ceux qui courent après l'extrême droite, reprennent ses idées et légitiment ses discours."
Jean-Guy Trintignac pour le NPA 71