Politique

Tout a déjà changé depuis dimanche…

Rappelez-vous le refrain de dimanche soir des politiques. Ce soir du deuxième tour des élections régionales, où l’on enregistre ni perdant, ni gagnant et ni triomphalisme, les élus de toute couleur politique promettent de changer. Si. « Rien ne sera plus comme avant », disent-ils. Dans la nuit de mardi à mercredi, un vote de l’Assemblée nationale sur la question des exonérations fiscales des multinationales vient illustrer pourtant à quel point ces nouvelles pratiques promises sont encore loin des habitudes de la classe politique française...

Examen du projet de loi de finances rectificatives (PLFR 2016) dans l’hémicycle. Pour cette séance nocturne, peu de députés sont présents. En deuxième lecture, l’Assemblée Nationale examine un amendement qu’elle a adopté en première lecture, celui concernant le « reporting » pays par pays, qui rend obligatoire pour certaines entreprises, notamment la communication de données à l’administration fiscale (chiffres d’affaires, effectif, bénéfices, filiales, impot payés dans le pays hébergeur..). Cette mesure est destinée à lutter contre l’optimisation fiscale.

Depuis 2015, les entreprises cotées en bourse au chiffre d’affaires de 40 M d’€ net, avec 250 salariés et dont le total du bilan dépasse 250 M d’€ sont déjà obligées de le faire (deux de ces trois conditions suffisent pour être concerné par le reporting ).

Le 4 décembre dernier, un amendement porté par quelques députés proches des ONG de lutte contre l’évasion fiscale – dont le député écologiste du Doubs Éric Alauzet - était adopté. Il prévoyait la publication en ligne, et facilement accessibles au public de ces données. L’amendement a été supprimé lors de la lecture de la loi au Sénat. Le gouvernement est opposé à cet amendement prônant la transparence de ces données, et évoque « les risques en matière de compétitivité ». Or, mercredi 16 décembre, un premier vote dans l’hémicycle adopte cet amendement par 28 voix contre 24. Le Secrétaire d’Etat Christian Eckert demande alors une suspension de séance, censée durer 10 mn comme prévu par le règlement. Les grandes manœuvres commencent alors…

« Au terme d’une suspension de séance qui a duré plus de 40 minutes, et au cours de laquelle le gouvernement a orchestré les conditions d’un nouveau vote en sommant des députés de corriger le tir et en appelant d’autres à la rescousse, le gouvernement a refait voter l’Assemblée et a finalement obtenu le rejet de cet amendement, à 25 voix contre 21 » racontent les associations pour qui l’adoption du « reporting » était un pas décisif pour une lutte réellement efficace, en associant des citoyens informés, à l’évasion fiscale.

Entre les deux votes, cinq députés favorables à l’amendement ont quitté l’hémicycle et ne sont pas revenus, un autre a changé d’avis et deux députés qu’on n’avait pas vus de la soirée mais opposés à l’amendement sont venus voter… Les reporting pays par pays seront donc des informations exclusivement destinés à l’administration fiscale. Dommage, ça aurait pu être intéressant, même pour les non spécialistes… « Cette mesure aurait ainsi permis à la société civile dans son ensemble de savoir si les impôts payés par les entreprises correspondent à leur activité économique réelle » déplore encore le collectif d’associations.

 

Florence Genestier

 

Le communiqué de la plateforme paradis fiscaux et judiciaires : http://ccfd-terresolidaire.org/infos/partage-des-richesses/paradisfiscaux/une-manoeuvre-a-l-5306

Détail du vote de l’amendement : http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/14/(num)/1206

Le texte de l’amendement retoqué : http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3344/CION_FIN/CF12.asp