Opinion de gauche

Etat d'urgence, nationalité et citoyenneté

Présenter ses «  vœux » sous état d’urgence n’est sans doute pas ce qui se fait de plus agréable.

Dans l’absolu, il n’est pas souhaitable que l’état d’urgence devienne une manière d’être, un mode de vie, se « banalise » en quelque sorte. Ce devrait être un état provisoire destiné à prendre la mesure d’événements exceptionnels à régler.

Nous avons la chance de vivre dans un état organisé et régi par des lois mûrement réfléchies, débattues avec rationalité dans le cadre d’une démocratie représentative. Les politiques d’urgence ne sauraient se fonder sur les émotions immédiates ou sur les colères. D’autant plus, qu’il existe d’autres politiques publiques et d’autres priorités à traiter, toutes aussi nécessaires et toutes aussi vitales pour la population.

L’idée d’urgence s’oppose d’ailleurs à l’idée de projet. Or, la fonction politique doit dire et écrire le droit, elle ne peut pas s’exercer pour légiférer dans l’urgence. L’état d’urgence permanent ne peut conduire, au bout du compte, qu’à la réduction voire à la privation des droits et des libertés publiques, il est foncièrement anti-démocratique.

Dans ce cadre, la déchéance de nationalité est une bien mauvaise solution. D’abord parce qu’elle n’empêchera aucun barbare de commettre des crimes. Ensuite, parce qu’il existe déjà dans le Code civil et dans le Code pénal, tout l’arsenal possible pour arrêter, juger et punir les délinquants et criminels, y compris les criminels de guerre. Enfin, parce que la nationalité et la citoyenneté ne sont pas solubles dans un conditionnement idéologique qui n’a rien à voir avec les valeurs de la République Française.

Le courage politique n’est pas de flatter l’opinion publique ou de courir derrière les injonctions et vociférations de Mme Le Pen. Il s’agit, au contraire, de maintenir le cap des valeurs républicaines et de « la déclaration universelle des droits de l’homme » comme références.

L’article 15  de cette déclaration prévoit que «  Tout individu a droit à une nationalité » et que « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ». Cette résolution votée par l’Assemblée Générale de l’ONU après la dernière guerre mondiale, n’a certes pas de valeur juridique nationale, mais elle représente le socle de l’humanité sur cette planète.

La France est le pays des Lumières et de la déclaration des Droits de l’Homme. La France est respectée pour sa contribution historique à cette cause. La France et son mode de vie basé sur l’éducation, la culture, la liberté, la fraternité est admirée partout dans le monde pour ces valeurs.

La France ne doit pas tomber dans la tentation d’une fuite en avant qui tournerait le dos à l’Etat de droit. Ce serait aller dans le sens de ce que veulent les terroristes et les apprentis dictateurs. Les parlementaires Français appelés à voter la proposition de réforme constitutionnelle, doivent prendre leurs responsabilités.

Il est heureux que les parlementaires Chalonnais Christophe Sirugue et Jérôme Durain se soient prononcés contre la proposition de déchéance de nationalité.

Un an après «  nous sommes Charlie », la question agite assurément toutes les consciences. Il est temps de formuler les vœux les meilleurs, pas les pires.

Le 4 janvier 2016

Lucien Matron