Faits divers

Fortes amendes suite à un accident du travail

Un chef d’entreprise de BTP mâconnais a été reconnu coupable hier mercredi 6 janvier de « blessures involontaires (…) par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence » dans le cadre du travail. Un peintre avait chuté d’un échafaudage de chantier, alors qu’il peignait des façades, en juillet 2015.

L’intérimaire qui travaillait sur le chantier a toujours mal au dos et après une chute de plus de 3 mètres a eu beaucoup de chances de s’en tirer à si bon compte. La tension entre prévenu et partie civile était palpable hier après-midi. P-DG d’une entreprise de BTP spécialisée dans la plâtrerie et la peinture de façade, très connue dans le Mâconnais, l’homme supervise chaque semaine une quinzaine de chantiers. L’entreprise a plutôt bonne réputation pour la qualité de ses travaux et compte une quinzaine de salariés. Ce 2 juillet 2015, un ouvrier est pourtant tombé d’un échafaudage insuffisamment sécurisé. Il ne comportait ni échelle ni escaliers pour passer d’un niveau à l’autre et les barrières de sécurité « qui gênaient pour peindre la façade » avaient été retirées. Alors, quand Benoît (prénom changé) a voulu prendre appui sur la construction pour descendre du toit, son pot de peinture à la main, son pied, en ce jour de juillet pluvieux a glissé. Et il a atterri trois mètres plus bas, lourdement, sur le sol. Les photos de l’échafaudage prises par la police après l’accident témoignent de négligence et de non-conformité, alors qu’au début du chantier, l’inspection du travail avait constaté et validé le montage de l’échafaudage. Les barres transversales et les plateformes avaient été déposées. Pourtant, dans un SMS au chef de chantier, la future victime avait réclamé du matériel supplémentaire pour sécuriser l’installation. Un matériel qui n’est jamais arrivé sur place. « Je ne lui ai jamais demandé de grimper sur le toit pour peindre la façade ! Il n’avait rien à y faire » déplore le chef d’entreprise qui, par ailleurs, dit avoir transmis, deux fois,  des consignes internes pour rendre plus sûr l’échafaudage. Les ordres se sont perdus… « Il y a peut-être un défaut d’autorité du chef d’entreprise, non ? pointe le président Santourian. C’est vous le responsable juridique ».

« Je suis intérimaire, c’était la fin du chantier, on avait des délais, j’avais peur d’être viré si je refusais de travailler sur cet échafaudage » résume la victime, un ouvrier expérimenté de trente ans, père d’un enfant. Depuis l’accident, il se bat toujours contre des douleurs lombaires et vertébrales  et ne peut reprendre ses missions.  Il raconte avoir de peu, évité la paraplégie. Et ce qui ne passe pas, c’est surtout le coup de fil du patron, quand il était à l’hôpital, d’abord pour prendre de ses nouvelles. Ensuite pour lui demander de ne pas dire certaines choses. Pour Me Karen Charret, « on a un salarié intérimaire qui a l’impression d’être laissé de côté pour la sécurité le temps du chantier, sur lequel il a longtemps été seul. Il ne sait pas remonter ou démonter les échafaudages, il a demandé des choses précises qui n’ont pas été fournies. Je ne veux pas entendre que cet accident vient du fait d’une initiative malheureuse du salarié. Le suivi du chantier par l’entreprise a été des plus légers. Son ITT (interruption temporaire de travail) est passée de 21 à 60 jours. C’est un miraculé tout de même, qui se débat avec sa douleur au quotidien. »

Pour le parquet, la négligence de l’entreprise est établie. « Il n’y avait aucune protection, le risque de chute était important et le chef d’entreprise le savait très bien. Il a été parfaitement informé de la chute de la victime et s’était rendu à plusieurs reprises sur ce chantier. C’est bien pour ça qu’il a demandé par téléphone à la victime de dire qu’il ne descendait pas du toit. C’est une mauvaise décision ». Que le parquet n’apprécie guère. « On n’a pas fourni à cet ouvrier les moyens de travailler avec sécurité. Le suivi du chantier est léger, l’attitude après l’accident est suspecte. C’est une grosse erreur, faite par une société expérimentée ». Frédéric Jacques a ressorti des archives une condamnation antérieure, pour le même type de faits. Le ministère public requiert deux peines d’amende, l’une de 7000 € pour le chef d’entreprise, l’autre de 15000 € pour la société.

« L’échafaudage n’est pas le sujet premier, commence la défense, assurée par Me Pascal Dury. Au départ, l’échafaudage est complet et conforme. C’est idiot de soutenir que mon client a demandé à ce que les protections soient enlevées, cela ne tient pas ! Là, on a des ouvriers qui n’ont pas respecté les consignes, ce chantier a été chaotique. Mon client ne demande pas à ses employés de faire des choses absurdes comme de monter sur un toit pour repeindre la façade la tête en bas ! »  Me Dury, en parfait défenseur classique, charge un maximum la victime et pointe sa responsabilité dans sa chute: « Il a pris un risque inconsidéré, il a fait une faute. Il ne manque plus qu’il se bande les yeux pour que le risque soit maximum ! Monsieur est certes une victime, mais son geste initial était stupide ! » La demande de relaxe n’a toutefois pas été prise en compte par la collégiale de juges. Le tribunal a reconnu l’entreprise et son responsable juridique coupables : 3500 euros d’amende personnelle pour le patron et une peine d’amende de 7500 € pour l’entreprise. Espérons toutefois que ses futurs échafaudages soient mieux supervisés que les anciens…

 

Florence Genestier