Chalon sur Saône

Si "Bernard Mabille de la tête aux pieds", alors qu'est-ce que ce sera pour les autres le jeudi 28 janvier à Chalon-sur-Saône !

Si "Bernard Mabille de la tête aux pieds", alors qu'est-ce que ce sera pour les autres le jeudi 28 janvier à Chalon-sur-Saône !

Infatigable traqueur des faiblesses humaines, à plus forte raison lorsqu’elles émanent de nos dirigeants, l’amuseur Bernard Mabille va à nouveau prendre un malin plaisir à bousculer les règles de bienséance, avec néanmoins une appétence pour l’humour raffiné et l’élégance du verbe. Homme charmant par ailleurs, le franc-tireur est dans un état jubilatoire dès lors qu’il se met à la recherche de ce qui arborera le profil de perles au sens noble du terme, diverses et variées. A l’attaque !

Le jeudi 20 février 2014 vous présentiez à Chalon-sur-Saône le spectacle « Bernard Mabille sur mesure ». Vous y reviendrez le jeudi 28 janvier 2016, cette fois pour « Bernard Mabille de la tête aux pieds ». Est-ce du changement dans la continuité ?

« Oui, parce que je m’efforce de changer au fur et à mesure de l’actualité. Evidemment, ce ne sont plus les mêmes textes et les mêmes sujets, car ça va tellement vite ! Le problème, quand on travaille sur l’actualité, c’est que ça se démode à toute vitesse, donc on est obligé de se mettre au goût du jour chaque jour, ou presque. Autrement, le principe est identique, avec des thèmes du quotidien, tout ce que je lis et entends. Je suis très, très à l’écoute de l’actualité, je me lève tôt le matin, et je note, tout n’est pas bon, mais je note. J’essaie d’en tirer des petites phrases rigolotes. »

 

Sur quoi repose votre méthode de travail ? Savez-vous d’avance à coup sûr où les gens s’esclafferont ?

« Si je vous dis oui ça paraît prétentieux, mais depuis le temps que je fais ça, je vous dirais à peu près oui. Je travaille comme un artisan, et je pense qu’un fromager peut vous dire si son fromage est affiné à cœur. Je suis habitué. Quand j’écris, j’entends les gens rire. Cela fait trente-cinq ans que je travaille dans le rire tous les jours, tous les jours, tous les jours. C’est ce qui est jouissif, d’entendre les gens rire au bout de son stylo-plume, puisque je travaille encore au stylo-plume, n’aimant pas l’ordinateur. Je prends plein de petites notes partout, partout, partout, j’ai des feuilles dans les poches. A l’ancienne ! Ce matin quand on a souhaité la bonne santé (interview réalisée le lundi 4 janvier N.D.L.R.), j’ai pensé, je ne sais pas si ça fera rire, que c’était surtout un truc qu’il ne fallait pas souhaiter à Balkany cette année, car il risque de s’y retrouver, à la Santé ! Des conneries comme ça ! J’ai réfléchi à ça tout à l’heure, je vous le lance comme ça, vous me direz si ça vous plaît : vous avez vu que Hollande va planter un arbre place de la République, et c’est un chêne. C’est la première fois qu’on voit un chêne planté par un gland ! Les gens auraient préféré qu’il plante du bouleau ! Ce sont des bêtises comme ça. »

 

Le fait d’être un ancien journaliste vous est-il d’un grand recours pour votre démarche artistique ?

« Ca m’a appris à réagir vite. J’ai toujours été intéressé par ce qui fait l’actualité, par la politique. J’ai toujours ouvert grand les yeux sur la société et le Monde, et comme j’ai un côté un peu grande gueule j’aime bien démonter ça, mais en me marrant. Je ne passe pas de messages. Le but c’est de rire et de faire rire, il ne faut vraiment pas se prendre au sérieux. Je suis très content de devenir petit à petit, car ça ne s’est pas fait tout seul, je suis un comique populaire, pour le plus grand nombre. Je n’ai pas de honte vis-à-vis de ça. J’apprécie beaucoup quand on m’appelle Bernard dans la rue, et que l’on me tape dans le dos, c’est bien (rires). » 

L’annus horribilis qu’a été 2015 vous a-t-elle galvanisé, ou au contraire freiné dans votre ardeur ?

« On a envie d’être plus fort, de taper sur les cons de toutes sortes. Ca a été terrible ce qui est arrivé à Charlie Hebdo. J’étais copain avec Charb, Cabu ; Wolinski je le connaissais, mais je n’étais pas copain avec. Mourir pour ça, pour avoir plaisanté, défendu des idées, je n’ai pas compris l’acharnement envers eux…Ca me fait penser à la chanson de Brassens : « Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente. » Je trouve ça triste et dommage. Moi, je suis un comique, mais pas très courageux (rires) ! »

Pensez-vous que ce type d’événement soit de nature à favoriser particulièrement l’émergence d’humoristes, consécutivement au besoin du grand public de prendre de la distance avec une certaine réalité ?

« C’est une bonne question. Je pense surtout que c’est de nature à vider les salles, en province moins, mais à Paris surtout le choc est toujours présent. Il y a une baisse de l’ordre de 20 à 25%, les gens ont peur, alors ce n’est pas Hollande qui commence ses vœux de Nouvel An en disant : attention il y aura de nouveaux attentats, qui va rassurer tout le monde ! Il y aura de nouveaux humoristes, peut-être, mais vous avez vu les nouveaux humoristes, ils ne sont pas spécialement portés sur la politique, c’est plutôt de l’humour de société. Pour se moquer de la politique ou pour en rire il faut s’y intéresser. Après, tout le monde n’est pas intéressé par les faits et gestes des gens qui nous gouvernent. J’ai ça en moi depuis tout gosse, c’est plus facile, c’est une autre tournure d’esprit. En tout cas ça a foutu un satané choc dans le monde du spectacle, ça c’est sûr. »                                  

Même si la forme diffère forcément, rit-on aujourd’hui des mêmes choses que naguère ?

«Il me semble, sauf que c’est devenu beaucoup plus vulgaire. Je pense qu’on n’est pas obligé de toucher le spectateur de cette manière. On en revient vraiment à pipi-caca. Je suis allé voir l’autre jour le spectacle de Laurent Gerra, on peut quand même faire rire les gens avec un bon spectacle, sans vulgarité appuyée, mais aujourd’hui c’est un peu désolant. C’est à l’image de la télé-réalité, de tous ces trucs-là. Je pense que le public mérite mieux que ça, il est beaucoup plus haut que ce que certains artistes imaginent. »

Au théâtre, à la télévision (sur Paris-première dans le talk-show humoristique « La revue de presse des Deux Anes »), coauteur des sketches d’Anne Roumanoff dans l’émission « Vivement dimanche » animée par Michel Drucker, à la radio (aux « Grosses têtes », chroniqueur dans « Allô Bouvard », toujours sur RTL), par ailleurs podcasteur, ces canaux de diffusion comblent-ils tous vos désirs professionnels ?

« Ah oui, ah oui, je suis un homme heureux, bien sûr ! Vous savez, déjà se lever le matin en se disant : qu’est-ce que vais faire aujourd’hui, je vais essayer de faire rire mes petits camarades, c’est le bonheur ! Il y a des gens qui ont une vie tellement, tellement, tellement plus difficile ! J’aime bien quand les gens dans la rue me disent de continuer à taper sur mes cibles, à les faire rire, merci, merci de dire tout haut ce qu’on pense tout bas, etc. »

Que vous souhaiter pour 2016 ?

« L’humoriste a envie de vous dire que ça continue, qu’il fasse toujours autant de bêtises. Le Français-père de famille que je suis souhaite que ça aille beaucoup mieux, et qu’il y ait moins de choses à dire sur scène. »

 

Pour en être

Jeudi 28 janvier à 20h30, salle Marcel-Sembat. Tarif unique : 39,50 euros (placement libre).

www.achalon.fr; renseignements au 03.85.46.65.89 ; réservations au 03.85.48.37.97 ; [email protected]

 

Crédit photo : Emmanuel Delaloy                                                 Michel Poiriault