Faits divers

Tribunal correctionnel de Chalon - Trois mois de prison avec sursis pour homicide involontaire

Tribunal correctionnel de Chalon -  Trois mois de prison avec sursis pour homicide involontaire

Triste affaire. Une chauffeuse de taxi expérimentée et prudente a comparu ce vendredi pour homicide involontaire. En août 2014, elle a écrasé une dame de soixante-dix ans qui traversait un passage piéton. En tournant à gauche, avec l’angle mort, elle ne l’a pas vue.

La prévenue, Ségolène (prénom changé), est habillée de noir et serre très fort un petit paquet de mouchoirs en papier. On la sent prête à fondre en larmes. Son mari, son employeur et une de ses  collègues sont venus la soutenir. Ils ont la larme à l’œil et eux aussi, ont leur provision de mouchoirs. La famille de la victime n’est pas venue assister à l’audience et ne s’est pas portée partie civile. .

« N’importe quel conducteur peut se dire que cela peut lui arriver », commence la présidente Céline Therme. Ce 22 août 2014, Ségolène, chauffeuse de taxi expérimentée dépose un de ses clients au cimetière de l’avenue Boucicaut. C’est en voulant ressortir du parking et prendre à gauche en direction de Chatenoy-le-Royal que le drame se produit. Elle roule très lentement, salue un véhicule qui, croit-elle s’arrête pour la laisser passer et effectue son virage en croisant un passage-piéton. Aussitôt, elle se rend compte que « quelque-chose n’est pas normal ». Une dame de soixante-dix ans est engagée sur le passage protégé. Avec l’angle-mort, Ségolène ne la voit pas. La voiture qu’elle conduit est très basse, spécialement adaptée pour le transport de fauteuils roulants et des personnes invalides. Mais son taxi est aussi automatique, et ne s’arrête pas tout de suite. Le véhicule traîne la victime sur plusieurs mètres avant de s’arrêter. Polytraumatisée, coincée sous le véhicule,  la vieille dame ne survit pas à ses blessures et décède deux heures plus tard à l’hôpital. « C’est une petite inattention de quelques secondes aux conséquences dramatiques » commente la présidente.

« A aucun moment, je n’ai vu cette dame, raconte la prévenue, très émue. Rien, rien. J’ai cru que le véhicule qui arrivait en face s’arrêtait pour me laisser passer. Je suis retournée sur place quelques jours après pour comprendre. Quand je suis descendue du véhicule, j’ai vu une ballerine au milieu de la route. Avant de me pencher et de voir la dame coincée. Je lui ai pris la main et je lui ai parlé». Elle raconte aussi que c’était comme si « le ciel lui tombait sur la tête ». Les jours suivant, elle les passe prostrée chez elle, et devra utiliser un fauteuil roulant. Incapable de se mouvoir. Effondrée. « En garde-à-vue, j’aurais voulu contacter la famille de la victime, faire un mot, envoyer des fleurs mais on me l’a déconseillé. J’ai même écrit une lettre (jamais envoyée). » Depuis l’accident qu’elle a provoqué, Ségolène voit régulièrement un psychiatre, est sous traitement antidépresseur. Elle est restée en arrêt maladie six mois. Elle n’a reposé les mains sur un volant que trois mois après l’accident. Ségolène, pour l’entreprise qui l’emploie est une « perle », aussi bien « pour ses qualités humaines que professionnelles ». Elle a repris les courses, d’abord en mi-temps  thérapeutique et depuis peu, comme avant. Petit à petit. Elle reste hantée par le drame. Jamais elle n’avait eu affaire à la justice auparavant. Les contrôles effectués ne révèlent ni trace d’alcool ni de drogue.

Les investigations ont confirmé que le véhicule avait effectivement un angle mort important. Ce jour-là, elle n’était pas en retard et a abordé le virage très lentement. Comme d’habitude. « Ce drame nous rappelle qu’au volant, il faut être vigilant à chaque instant, qu’une faute d’inattention peut entraîner  des vies brisées. La prévenue portera ce poids tout le restant de son existence, déclare le parquet, qui clément, à la lumière de la personnalité de la prévenue, requiert trois mois de prison avec sursis simple. La défense, dans une plaidoirie sobre a rappelé que le permis de conduire de la prévenue « est son moyen de subsistance ». La famille de la victime ne s’est pas constituée parte civile et n’a pas assisté à l’audience. Une attitude inhabituelle dans ce type de procès, toujours très douloureux pour les deux parties.  L’assurance a versé les primes habituelles en cas de décès. Au rendu du jugement, quelques minutes plus tard, Ségolène ré exprime ses vifs regrets. Elle a été condamnée comme le voulait le parquet, à une peine de trois mois de prison avec sursis. « Je ne sais pas si les vertus de l’audience peuvent vous permettre de repartir, Madame mais je vous le souhaite » conclut la présidente Therme. Comme la famille et les collègues qui l’accompagnent, Ségolène est toujours en pleurs.

 

Florence Genestier