Chalon sur Saône

Laurent Baffie en obsédé textuel, et c'est le public chalonnais qui opine largement du chef !

Laurent Baffie en obsédé textuel, et c'est le public chalonnais qui opine largement du chef !

Impayable et inénarrable Laurent Baffie ! L’auteur-metteur en scène et comédien principal de la comédie « Sans filtre » a une fois de plus samedi soir à Chalon-sur-Saône dans un Espace des arts rempli à souhait, fait grand cas de la bassesse, tant les tirades employées tenaient lieu d’affronts réitérés à la pudibonderie, n’étant pas vraiment à positionner ostensiblement entre toutes les oreilles prudes…Mais la marque de fabrique de Baffie reste immuable, et le public n’a pas dû prendre sur lui, étant là en toute connaissance de cause…

Rien de tel pour décompresser que de se dégager de l’emprise étouffante de la bienséance

Pour sûr, les gens n’auront pas bu le calice jusqu’à la lie, sachant d’avance de quoi il en retournerait, de par une intrigue à des années-lumière du politiquement correct…Les allégations obscènes, ordurières, salaces, ont créé l’électrochoc salutaire, gavant des spectateurs qui, à chaque sursaut, en redemandaient tant et plus ! Une espèce de rouleau compresseur où la primauté de la légèreté et du langage cru écrasait tout sur son passage. Dans les travées le rire à gorge déployée était une constante jamais clouée au pilori, un exutoire qui a crédibilisé les fondements de la pièce, un sas ou un purgatoire avant que chaque témoin privilégié ne soit renvoyé à ses chères études…Jouée plus de trois cents fois à Paris, la tournée de « Sans filtre » vient de démarrer. Elle est passée, dans le cadre des Théâtrales, par Chalon, pour le plus grand bonheur de celles et ceux qui, simple hypothèse, pensent tout bas ce qui a été balancé sciemment tout haut…une épine enlevée du pied…

Une manipulation en vue d’un profit sonnant et trébuchant

Philippe Maurice (Laurent Baffie) a cinquante ans, et est buraliste. Le hic, à un moment donné, c’est que son cerveau fait abstraction du filtre censé réguler un comportement et des pensées de bon aloi. Alors l’homme déraille sans cesse, profère des insultes, donne libre cours à un phrasé laissant éclater au grand jour sa gloutonnerie sexuelle, joint accessoirement le geste à la parole…Conscient de ses irrépressibles envies, Philippe consulte un toubib qui, impuissant à le tirer d’affaire, diagnostique quand même le symptôme de désinhibition frontale ! Membre du corps médical, sa femme n’a pas davantage de succès. L’expectative règne en maîtresse, nullement refoulée après les interventions d’un grand chirurgien (Pascal Sellem), d’une chiropractrice, et d’une pédiatre. Rien n’y fait, le patient dit tout ce qu’il pense à tout le monde. On l’incite à mentir, ce dont il s’acquitte, et qui par ricochet, causera la perte des relations existentielles. La situation devient carrément explosive, les coucheries du chirurgien avec ses trois coreligionnaires féminines remontent subitement à la surface, et toutes les trois de se liguer en avertissant son épouse…Sorti d’on ne sait où, un Chinois arrive a priori comme un cheveu dans la soupe. Que nenni ! Sa soi-disant thérapie induit des entredéchirements pas possibles où les règlements de compte sont légion ! Le point de non-retour est atteint, chacun des protagonistes prend ses cliques et ses claques et préfère quitter le navire. Sauf deux : l’Asiatique et Philippe Maurice, lesquels avaient manigancé l’implosion afin de monter leur affaire en se partageant les parts du gâteau. Business is business…  

                                                                                                                   Michel Poiriault