Culture

Cavanna : jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai

   Cavanna : jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai

En compétition aux Césars pour le meilleur documentaire, le film de Nina et Denis Robert n’a pas décroché la récompense, qui est allé au film écolo et constructif de Cyril Dion, « Demain ». Sorti récemment en DVD, le « doc au long cours sur François Cavanna, créateur de Charlie Hebdo et d’Hara Kiri », écrivain prolifique et contestataire, mérite pourtant largement le détour.

« Si un homme sur cette foutue planète peut dire, je suis Charlie, c’est lui ». Attention, documentaire dérangeant, avec esprit critique, sinon satirique à l’intérieur. Cavanna est mort en janvier 2014, un an avant cette funeste journée du 7 janvier 2015 qui a vu une grande partie de la rédaction de Charlie Hebdo new-look exterminée par un duo de terroristes endoctrinés.

Que reste-t-il de François Cavanna en 2016 ? C’est parce qu’il a été en partie formé par la lecture des écrits journalistiques puis littéraires de Cavanna que Denis Robert, journaliste d’investigation persécuté un temps par Clearstream, une chambre de compensation financière luxembourgeoise, nœud de l’évasion fiscale, que le journaliste messin a voulu raconter l’histoire de cet homme qui s’est déjà lui-même beaucoup raconté dans de superbes récits autobiographiques. Mais que les jeunes générations, même bercées par l’écriture, fût-elle numérique, oubliaient un peu trop vite.

Lancée en 2010, l’idée du film raconte la vie et les aventures d’un fils de « Ritals », doué d’une plume et d’un coup de crayon aussi sensibles qu’originaux. Comment avec le Professeur Choron, son double et son contraire chauve, les deux compères bousculent la France gaullienne, comment ils inventent un esprit corrosif et décapant, entre un bal tragique à Colombey,  deux difficultés financières et trois coups de gueule. Comment aussi, les deux compères et frères ennemis se font piquer puis récupérer leur idée par une autre bande de moins intéressants complices. Comment à la fin de sa vie, François Cavanna était encore obligé de travailler sans cesse pour des héritiers prétentieux qui ne l’ont ni ménagé ni protégé, avec un pourcentage qui claque de calculs mesquins : 0, 44%. Si Nina et Denis Robert retracent la saga de ce « mauvais esprit » revigorant, cette histoire s’inscrit aussi dans la mémoire d’un drame collectif français.

Un film hommage, au ton un peu bordélique, dont le tournage a été interrompu par deux deuils : celui de François Cavanna, terrassé par la maladie de Parkinson et celui de la rédaction de Charlie Hebdo. On ne sait pas si François Cavanna croyait comme l’habitué de la Roche de Solutré aux forces de l’esprit, mais le sien reste sacrément vivace. Acerbe, insolent et tendre.

 

« Cavanna, jusqu’à l’ultime seconde, j’écrirai », un film de Nina et Denis Robert. DVD paru chez Blaq Out. Prix : 18 €.

 

Florence Genestier