Chalon sur Saône

FEMMES A L'HONNEUR [PORTRAIT 10] – Krystel Cotelle : « Ce qui compte, ce n’est pas ce que les autres ont fait de vous, mais ce que vous pouvez faire de ce que les autres ont fait de vous ».

FEMMES A L'HONNEUR  [PORTRAIT 10] – Krystel Cotelle : « Ce qui compte, ce n’est pas ce que les autres ont fait de vous, mais ce que vous pouvez faire de ce que les autres ont fait de vous ».

Née à Chalon-sur-Saône comme son père et ses aïeuls, Krystel Cotelle, benjamine de 6 enfants, a passé la première partie de sa scolarité, aux Dominicaines, où elle apprend à jouer du piano, pratique la danse classique et le judo, puis au Lycée de La Colombière. Elle suit ensuite une formation de gestion et de secrétariat aux Cours Fleury, toujours à Chalon-sur-Saône, mais malgré de bons résultats, cette voie ne correspond en rien à ses aspirations, beaucoup plus artistiques. À vingt ans, la maladie interrompt un temps ses préoccupations professionnelles et, à l’âge où les autres passent le BAC, elle doit lutter âprement contre un cancer lymphatique.

Ce sont trois longues années qui s’écouleront avant qu’elle ne remporte la victoire. Elle est, aujourd’hui, persuadée que l’impact psychologique des différentes difficultés rencontrées pendant son enfance et son adolescence y est pour quelque chose : le décès de l’une de ses grandes sœurs lorsqu’elle avait huit ans, des agressions à caractère sexuel lors de ses sept ans et de ses douze ans, les complexes qui s’en sont suivis, une mère au foyer dévouée mais dépressive, un père estimé, ingénieur des Arts et Métiers à 19 ans, mais imposant, de cinquante ans son aîné et qu’elle craignait…  « Ma petite vie se noyait dans le quiproquo. La plupart du temps, je riais pour cacher mes larmes. Du coup, je passais pour une gamine écervelée, trop envahissante, ce qui n’arrangeait rien à ma vie relationnelle. C’est bien plus tard que j’ai compris la puissance salvatrice de l’humour, comme le reconnaissent de nombreux artistes comiques » précise-t-elle. Tous ces évènements ont beaucoup perturbé son départ dans la vie. Il lui fallut des années pour réussir à se délester du poids moral qui l’entravait et l’avait rendue quelque peu agoraphobe, pour parvenir enfin à la maturité libératrice. « Cette délivrance m’a permis d’exprimer souvent mon amour à mes parents et de les chérir durant de longues années, avant qu’ils ne disparaissent. Je sais qu’ils ont fait ce qu’ils ont pensé être bien et ce qu’ils ont pu. C’est ce qui compte. Aujourd’hui, je me sens en paix avec eux et avec mon passé. Et je suis heureuse aussi d’avoir pu, avec le temps, tisser de vrais liens affectifs avec mes grands frères et sœurs que l’important écart d’âge entre nous et l’éloignement géographique n’avaient pas permis d’établir auparavant ». Les études que Krystel reprend ensuite, à plus de trente ans, pendant six années en psychologie à Paris, l’ont beaucoup aidée. Elle exerce alors quelques temps, le métier de psychothérapeute, à Chalon-sur-Saône d’abord puis à Paris, où elle réside pendant dix ans.

À cette époque, elle fait du théâtre amateur, écrit des sketches, des chansons (dont l’une a été sélectionnée par Pascal Sevran qui l’a invitée à l’interpréter dans son émission La Chance aux Chansons, en 1996), suit des cours de sculpture aux Beaux-Arts. Parallèlement, pendant tout ce temps, elle écrit beaucoup : des poèmes (certains ont été récompensés par un prix de poésie), des textes libres, des aphorismes, des portraits de stars, un essai, des romans (en cours). Tout cela reste encore à éditer et c’est un projet qui lui tient à cœur. Malgré les encouragements littéraires reçus de la part de personnes formidables, parmi lesquelles Laurent Terzieff, Jean-Louis Trintignant, Francis Huster, la crainte de ne pas être à la hauteur, la peur d’affronter le public, les lecteurs et les critiques, l’ont freinée jusqu’à ce jour. Cependant, aujourd’hui, elle se sent suffisamment sereine et prête pour entreprendre ce chemin, celui dont elle a toujours rêvé : être écrivaine. Puis, s’ensuit une période nomade qui lui fait quitter le tumulte de Paris, adopter trois années durant le soleil de Montpellier, pour revenir ensuite vivre six années durant à Chalon-sur-Saône où elle tient un institut de remise en forme et d’esthétique, alors qu’elle rêvait plutôt d’ouvrir une galerie d’art ! Ce périple s’achève à ce jour à nouveau près de Montpellier, au cœur de la garrigue. Dans ce calme, elle vit, aide ses amis, écrit. Souvent, elle revient s’immerger dans l’atmosphère chalonnaise qui lui est si familière. L’un de ses pieds et une grande partie de son cœur demeurent dans cette ville qui l’a vue naître, grandir et où elle souhaite acquérir bientôt un petit espace pour retrouver sa famille, ses amis et ses racines.

Que représente pour vous « la Journée de la Femme » ? La journée de la femme : un bien, révélateur d’un mal… Pourquoi ? Faut-il qu’une société soit en mal de reconnaissance de l’être féminin pour en arriver à lui accorder « 1 » journée ! Enfin, positivement, je me dis que c’est quand même bien de marquer les esprits avec le personnage qui représente la moitié de la population du monde. Je suis atterrée par le sort terrible réservé aux femmes dans de très nombreux pays. J’aimerais que chacun signe toutes les pétitions nécessaires pour faire bouger les choses… et que les gouvernements des pays dits « civilisés » n’acceptent pas cette situation désastreuse, où que ce soit dans le monde. Le moyen le plus efficace serait de « toucher les cœurs » mais là, il y a du boulot !

Au long de votre vie ou de votre carrière, avez-vous vécu des inégalités hommes/femmes ? En fait, je me suis toujours tellement sentie « mise à part » pour différentes raisons, que je n’ai pas vraiment ressenti que cela vienne de ma condition de femme. Lorsque je partais, peur au ventre, interviewer des personnes célèbres, en général, celles-ci m’accueillaient bien, tellement j’étais enthousiaste, passionnée, authentique et sincère. Je ne préparais rien. Je les faisais parler, dessiner, rire, réfléchir… Je me demande encore comment j’ai pu faire tout cela, comment j’ai eu ce culot… Peut-être suis-je finalement encore plus agoraphobe aujourd’hui qu’autrefois ? Ou tout simplement, moins inconsciente.  

Quelle est votre devise, votre philosophie ? L’un des aphorismes que j’ai écrits et qui me guide souvent, c’est « Notre vie est dans nos mains ; elle sera lumineuse si nos doigts sont des étoiles ». Nous pouvons en grande partie façonner notre vie, mais ce n’est pas aisé tous les jours. Nous en prenons parfois conscience tardivement. L’une des plus belles pensées au monde se trouve dans le livre le plus diffusé mais aussi le plus méconnu, la Bible : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir ». C’est l’une des clefs les plus efficaces pour être heureux. Une autre philosophie de vie fondamentale pour moi est d’assumer ma réalité, mes actes, mes pensées. Cela exclue de façon absolue la pratique pusillanime du mensonge. L’authenticité est une jouissance. J’aime ce risque, cette grâce, cette légèreté intérieure. Mieux vaut un silence d’or qu’un mensonge de plomb.

Que défendez-vous ?  La cause des femmes bien entendu. La cause animale également me tient particulièrement à cœur. Je signe beaucoup de pétitions qui visent à rétablir la justice dans ces domaines. Et autour de moi, je ne résiste pas à soutenir, psychologiquement et affectivement, une personne que je sens en souffrance. J’ai écrit « Aimer permet de vivre, être aimé permet d’avancer ». J’aime aider l’autre à se trouver, à progresser. Partager m’est indispensable.

Que voulez-vous transmettre ? Le positivisme, l’espoir… Il est essentiel de rayonner autour de soi, d’illuminer ceux que nous côtoyons, non par artifice, mais de plein cœur. « La vie sourit toujours quand on lui chatouille le ventre ! » J’ai encore pioché dans mes aphorismes, pardonnez-moi… Cela va peut-être m’insuffler le courage de les éditer ! Et puis, j’aurais aimé pouvoir transmettre à un enfant la conscience de l’immense valeur de la vie et de la bonté. Je suis une assoiffée de l’écoute qui m’a tant manquée… Offrir l’oreille de son cœur et son amour à un être destiné à grandir est un merveilleux cadeau. Mais enfanter ne m’a pas été accordé, lourde conséquence du traitement médical qui m’a sauvée. Chaque épreuve se transforme inévitablement en texte dans le cœur des poètes… C’est ainsi que naquit spontanément en moi cette pensée « Ne pouvant avoir d’enfant et ne sachant cuisiner, elle n’en fit pas un plat, seulement un poème ». Ce texte existe, sous forme d’une « Lettre à mon enfant jamais né ». Il est essentiel de se réjouir avec ce qui est possible et non se détruire avec l’inéluctable.

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu ? Une phrase importante me revient à l’esprit. Elle a contribué, elle aussi, à me libérer : « Ce qui compte, ce n’est pas ce que les autres ont fait de vous, mais ce que vous pouvez faire de ce que les autres ont fait de vous ». Je crois me souvenir que c’est Rubinstein qui l’a écrite, sans certitude. Cette pensée m’a offert ma première liberté, celle d’oser être, celle d’oser devenir, celle d’être moi. J’ai beaucoup gagné intérieurement à travailler la douceur, la maîtrise de mes fortes émotions. Ce n’est pas évident quand, au départ de son existence, on est un animal blessé et apeuré… Pour survivre, dès l’adolescence, je n’avais d’autre arme que l’agressivité de défense, pour faire face aux moqueries à l’école, ou de la part de l’un de mes grands frères, un grand oiseau blessé lui aussi, aujourd’hui disparu. Maintenant, je sais heureusement que « l’amour est plus fort que tout ».

Quelle est/ quelles sont les femmes qui vous ont le plus influencée ? Terrible question pour moi ! Pendant longtemps, j’ai pensé que ma mère était mon « contre-exemple » mais ô combien je la comprends aujourd’hui ! Existe-t-il une autre femme qui m’ait influencée ? Indirectement, certainement. Des femmes que j’ai admirées et admire encore… Une ancienne professeure directrice d’école à Chalon ; des femmes dévouées à des causes bénévoles, une bergère… Je songe aussi à Thérèse Desqueyroux qui m’a fait pleurer. J’avais 16 ans. J’étais en pension (une année de seconde échappée à Chalon). Thérèse regardait par sa fenêtre, elle pleurait, moi aussi… Elle voulait se jeter dans le vide, j’y ai songé. Son mari ne lui parlait pas, les adultes semblaient ne pas me voir. Nous étions semblables, si mal dans notre peau, elle mûre, moi enfant… Les mots pour conclure se bousculent. Et je m’aperçois que je n’ai pas évoqué ma vie privée... par pudeur certainement. Il faudrait tout un livre pour parler de la relation à l’autre, de l’amour, du couple, du défi que cela représente. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup. La vie, malgré sa brièveté, est si vaste ! Il y a tant à dire, tant à partager… C’est sans doute pour cela que les livres existent. Nos écrits rendent lisible la route invisible de nos vies. Alors, en espérant que ces derniers mots apportent une note positive, je dirais « Pensons davantage à ce que nous recevons qu’à ce que nous perdons » et nous serons heureux, enfin… plus heureux.

Pour découvrir les textes de Krystel Cotelle : http://plumedelle.wix.com/krystel

Photo transmise par Krystel Cotelle