Chalon sur Saône

Dans "Le Système", Lorànt Deutsch met le doigt sur les errements des opportunistes face au pouvoir...

Dans "Le Système", Lorànt Deutsch met le doigt sur les errements des opportunistes face au pouvoir...

La machine à explorer le temps a stoppé net ses investigations trois siècles en arrière samedi soir à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône. Les Théâtrales ont circonscrit le sujet du Système, instauré en France par une intervention extérieure à la fin des années 1710, afin de redorer le blason économique dudit pays. Une réorganisation qui ne fera toutefois pas long feu, léguant in fine à son instigateur beaucoup d’amertume consécutivement à son impossibilité de démêler de manière pérenne le panier de crabes…En avant toute pour « Le Système ».

Les pieds dans le plat

A la disparition de Louis XIV le pays est exsangue, vidé de sa substance vitale. L’Etat doit des sommes pharaoniques à ceux qui devaient justement l’alimenter, les caisses sont désespérément vides. Selon le Régent (joué par Urbain Cancelier), il y a une dette s’élevant à deux milliards et demi ! C’est alors qu’un certain John Law (Lorànt Deutsch) se positionne en qualité de redresseur de torts. L’Ecossais a prévu un système pour sortir la France de ce guêpier : une solution concrète en édifiant une banque royale qui fabrique une monnaie nouvelle, moderne : la monnaie de papier. Mathématicien émérite et joueur de cartes au-dessus du lot, Law croit dur comme fer à son projet, défendu bec et ongles. « Ce qui fait la puissance d’une nation, c’est son commerce. Ce qui fait la vraie richesse d’un pays, ce sont ses terres et ses hommes. » L’homme met le paquet pour convaincre le Régent de se rallier à sa thèse. « Aujourd’hui ce sont la peur et la méfiance qui règnent. La richesse, ce n’est pas l’argent, mais le fruit du travail. « 

 

Des actions pour maintenir le cap

Mais l’économiste d’outre-Manche n’avance pas en terrain conquis, n’étant pas en odeur de sainteté. Le très mielleux et zélé contrôleur général des finances (Eric Metayer) est plus gagne-petit, nettement moins baroudeur, obnubilé par le rejet de la pièce rapportée sans autre forme de procès. Son créneau ? L’assainissement de la situation par des économies à réaliser. Ecclésiastique davantage préoccupé par l’évolution favorable de son parcours, l’abbé-courtisan (Dominique Pinon) a jeté son dévolu sur le titre d’archevêque, étant prêt à tout, quitte à ne pas faire siennes les règles de bienséance. Notamment à nuire sans scrupules à John Law. Ce dernier ne s’avoue pas vaincu, suggérant au Régent l’introduction d’actions. « Nous allons transformer les dettes de l’Etat en billets et en actions. Ce sont les peuples qui feront le plus de commerce qui domineront le Monde. Il faut tout centraliser. Les billets et les actions créeront une économie prospère. » Dans un accès de bonté le Régent finit par se ranger à ses arguments : « Vous êtes un sauveur, un génie. Vous êtes le plus grand esprit que la Terre ait connu ! »

 

Renvoyé à ses chères études

Les ennemis jurés du réformateur ont la dent dure, ne désarmant pas. Plus dure est alors la chute. Le Système, axé sur la confiance partagée, se heurte aux convoitises. Plus personne ne veut de billets et d’actions, le religieux conseille au Régent de forcer à démissionner celui qui apparaît comme un empêcheur de tourner en rond. Cependant John Law, jamais à court d’idées, redémarre de plus belle. « On va créer une nouvelle monnaie, en écritures. » Le souverain a retourné sa veste, sentant le vent tourner. « Nos ennemis savent que nous ne pouvons pas payer. Nous allons passer la tempête, vous quitterez la France, et vous redeviendrez dès que les choses iront mieux », a-t-il asséné au personnage central. Une fin de non-recevoir déguisée en aller simple. Le sang du futur exilé n’a alors fait qu’un tour : « J’ai enrichi les Français, mon système est le meilleur, le plus honnête du Monde… »

 

Des comédiens à fond dedans

Cela a un air de déjà vu, ne trouvez-vous pas ? Toute ressemblance avec des personnages…Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre ?...Quoi qu’il en soit, ce Système a démontré clairement que la politique et les coulisses du pouvoir n’étaient pas des modèles de probité…Servie par un quatuor persuasif mené par le féru d’Histoire Lorànt Deutsch tout à fait dans son élément, fougueux idéaliste butant sur des esprits à la ramasse, la pièce a été très convaincante, l’opposition elle aussi d’une grande qualité accréditant la plausibilité de la machination.

                                                                                                      Michel Poiriault

                                                                                                      [email protected]