Chalon sur Saône

"Le bonheur c'est sans doute la plus grande des richesses", dixit Christophe André à Chalon sur Saône

"Le bonheur c'est sans doute la plus grande des richesses", dixit Christophe André à Chalon sur Saône

Pour les nantis que nous sommes en Occident, sous le joug du totalitarisme d’un matérialisme à outrance, paradoxalement la problématique de l’état extatique, valeur abstraite ô combien volatile, a fait surface à Chalon-sur-Saône ce jeudi soir dans une salle Marcel-Sembat archi-bondée. Sous le charme de l’orateur, le médecin psychiatre et écrivain Christophe André, l’assistance a regagné ses pénates plus fortunée intérieurement qu’auparavant.

La psychologie positive, rien de tel pour se refaire la cerise

Pour la conférence « Qui nous fera voir le bonheur ? », les organisateurs ont dû ajouter des chaises au dernier moment, tant le sujet à traiter remportait tous les suffrages avant le moindre mot ! Du haut de ses quarante ans dédiés à la pratique psychiatrique, Christophe André, plus particulièrement affecté à la prévention des rechutes, aura fait passer ses messages en douceur de manière explicite, recourant régulièrement à l’humour pour une assimilation plus aisée des savoirs. A l’aide d’un écran géant il s’est livré à un survol de la psychologie positive (théories et pratiques), avant de répondre aux interrogations des questionneurs. Oui, l’enjeu en valait la chandelle, car la félicité est un souffle puissant à cajoler méticuleusement, aux retentissements parfois insoupçonnés.

 

« On change par nos efforts répétés »

« Ce soir je ne parlerai que de platitude, que de choses que la plupart des gens savent déjà », a indiqué le conférencier. Terreau du nirvana, la psychologie positive est régie par cinq principes : « Il est possible d’accroître notre niveau de bien-être subjectif. Les facteurs influençant le niveau de bonheur chronique sont pour 50% les gènes plus le passé, pour 40% les activités volontaires, et pour 10% les circonstances. Cela nécessite un entraînement régulier, comme n’importe quel apprentissage. Cet entraînement modifie, progressivement et à long terme, nos câblages et donc nos automatismes cérébraux. L’objectif est un équilibre émotionnel dans lequel les émotions « positives » sont plus fréquentes que les « négatives ». De nombreux travaux scientifiques explorent aujourd’hui l’aptitude au bonheur et au bien-être. » Le psy a enfoncé le clou. « On est dans l’approche scientifique. On s’intéresse à ce qui fonctionne bien chez les êtres humains, et au développement de ce type de compétences. On est dans une pratique, ça ne se décide pas, ça se travaille. On change par nos efforts répétés. La psychologie positive ne doit pas être un déni de réalité. Etre heureux, c’est destiné à affronter les problèmes et la souffrance. Grâce à ce bonheur je fais le plein d’énergie.»

 

Les bénéfices des émotions positives

Lorsqu’une personne éprouve des émotions à caractère positif, son attention s’ouvre largement. En revanche, quand elle va mal, elle fait une fixation sur ce qui la fait souffrir. « Ca répond à des mécanismes de sélection naturelle. Si on est toujours dans un registre d’anxiété et de stress, on n’arrive plus à voir ce qu’il y a de bien dans la vie », assure l’intervenant, lequel n’a point caché les avantages tentaculaires du capital béatitude, se déplaçant sur d’autres terrains. «Les émotions positives sont vraiment importantes dans les groupes sociaux, et les comportements prosociaux facilitent les émotions positives. L’altruisme, la bienveillance, l’homme a besoin d’appartenir à des groupes. Quand on aide, donne, c’est plutôt agréable, c’est une nourriture pour notre bien-être. Notre société ne pourrait pas continuer s’il n’y avait que des comportements violents, égoïstes, individualiste. Le Monde a besoin de gens qui vont bien. Le bonheur est un moyen pour vivre.   » La difficulté avec la psychologie positive, c’est que l’on n’a pas remis cent fois l’ouvrage sur le métier afin de tendre vers le bon, et, par conséquent, le savonnage de la planche du mauvais est passé à la trappe. Le principe de causalité s’avère évident. « Plus je ressens des émotions positives, plus c’est favorable à ma santé. Beaucoup de facteurs l’influencent. » A l’inverse, la colère est extrêmement destructrice pour le cœur, mais le pire, c’est d’être toujours énervé et de ne rien exprimer. Il est inutile de sempiternellement vouloir tout positiver, ça peut être dangereux, comme il est dangereux de tout négativer. La loi du juste milieu s’impose. Dans notre tête rien ne coule de source. « Le fait d’aller bien ne va pas forcément de soi. C’est plus facile d’être marqué par les événements négatifs. Notre cerveau réagit toujours plus fortement aux événements négatifs pour des raisons de survie. »

 

Le bonheur, une science exacte ?

Selon Christophe André, l’équation du bonheur est celle-ci : bonheur = bien-être + conscience. Mieux encore, « le bonheur est une sorte de transcendance du bien-être. C’est une quête très ancienne. C’est le XVIIIème siècle qui a produit le plus de traités sur le bonheur, un siècle où les politiques ont décidé que tout le monde avait droit au bonheur. » Condition sine qua non pour les grandes joies, la prise de conscience est menacée par la compétition entre les temps d’écran, ceux consacrés aux interactions sociales, au  repos. Avec la méditation par exemple, « on muscle la capacité à rester stabilisé. » N’est-ce pas d’ailleurs Albert Camus, qui affirmait dans L’Envers et l’Endroit : « Ce n’est plus d’être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d’être conscient. » A méditer…

 

Des recettes à appliquer sans réserve

Christophe André a sorti de sa besace des conseils très simples, nullement insurmontables pour qui veut éviter autant que possible les épisodes piégeux. «Il faut développer les états d’âme positifs, penser à s’accorder des moments agréables dans la journée. Il est important de prendre du temps pour soi : voir des amis, faire du sport, se promener dans la nature, etc. Il faut augmenter la fréquence des bons moments et être présent, apprendre à les savourer, essayer d’inscrire ces moments dans les circuits cérébraux, prendre le temps d’approfondir leurs empreintes. » En guise de solde de tout compte, deux préconisations : »S’endormir sur la remémoration de trois bons moments de la journée, c’est de la rumination positive. Lutter contre l’habituation hédonique : lorsqu’une source de bonheur est toujours présente, elle a tendance a procurer moins de bonheur. »

                                                                                                            Michel Poiriault

                                                                                                            [email protected]