Saône et Loire
50.000 euros d’amende pour prise illégale d’intérêts pour l'ancien directeur général de la CCI et actuel Président de la communauté d'agglomération de Mâcon
Publié le 07 Avril 2016 à 05h54
Claude Patard, 70 ans, élu mâconnais, a été reconnu coupable de « prise illégale d’intérêt » et condamné à 50.000 euros d’amende. Un délit commis en 2011, lors de sa dernière année d’activité professionnelle comme directeur général de la Chambre de Commerce et d’industrie de Mâcon-Charolles-Tournus.
Claude Patard, actuel président de la communauté d’agglomération de Mâcon, la CAMVAL et adjoint aux finances dans la municipalité mâconnaise de Jean-Patrick Courtois a été condamné par le tribunal correctionnel de Mâcon cet après-midi mercredi à 50.000 euros d’amende et se voit confisquer la somme qu’il n’a pas encore remboursé à la CCI.
Une peine moins sévère que les réquisitions du parquet. Mme Malara, a requis six mois de prison ferme, 100.000 euros d’amende et la confiscation de la somme non encore remboursée à son ancien employeur.
Directeur général de la CCI de Mâcon pendant vingt-cinq ans, Claude Patard s’est permis un bricolage quelque peu aventureux et dérogatoire au règlement sur son compte épargne temps (CET) pour s’assurer une prime de départ confortable quand il a pris sa retraite. Plus de 90.000 euros - 96.962, 27 € très exactement-, que la CCI lui a versés en trois fois. Une décision qu’il a pilotée de A à Z, les premiers mails internes relatifs à l’affaire remontent à juin 2011. Claude Patard a déclaré à la barre toucher une retraite professionnelle de 9.000 euros mensuels.
La Chambre Régionale des Comptes au rapport
C’est une enquête de la Chambre régionale des comptes de Bourgogne Franche-Comté qui lève le lièvre, relève plusieurs « anomalies » de gestion à la CCI mâconnaise. C’est ensuite le parquet financier de Dijon, qui demande au parquet de Mâcon d’agir en conséquence en octobre 2014.
Le cœur du délit repose dans le compte d’épargne temps (CET). M. Patard a troqué et monétisé 106 jours de congés plus tous ceux qu’il n’avait pas pris en 25 ans de présence et la somme, anormale, a été encaissée via sa dernière paie en décembre 2011. « Vous vous auto-appliquez une rétroactivité en quelque sorte », questionne le président Santourian. Claude Patard explique qu’il avait obtenu un accord – verbal - à l’ouverture de son CET en 1997, de l’ancien président de la chambre de commerce. « On ne peut pas alimenter rétroactivement un CET. Pour abonder le CET en jours complémentaires, il faut écluser tous ses congés, ce qui n’était pas votre cas», poursuit le président.
Nullité du règlement local de la CCI face à la loi
Claude Patard s’est aussi appuyé sur le règlement local de la CCI mâconnaise pour faire approuver cette décision, qu’il a préparée et prise lui-même. Il a omis de consulter le conseil habituel de la CCI, auquel il avait régulièrement recours quand des doutes juridiques surgissaient dans des dossiers. Si Claude Patard dit n’avoir eu aucun doute à l’époque sur la légalité de son jonglage, il reconnaît à la barre, au vu du dossier de la Chambre Régionale des Comptes, être plus nuancé cinq ans plus tard. « Notre règlement n’était pas écrit comme il le fallait » concède l’élu face aux juges. Pourtant, d’après les témoignages de ses collaborateurs de l’époque, et notamment de la directrice des relations humaines, plusieurs alertes ont été lancées. Qu’il n’a pas écoutées. « M. Patard n’était pas quelqu’un dont on discutait les ordres » a commenté pendant l’enquête la DRH.
Pour le parquet, la mauvaise utilisation du CET de M. Patard par M. Patard est explicite. « Les congés qui ne sont pas pris à temps par un agent de la fonction publique sont perdus. Si la loi était rétroactive pour les agents de la fonction publique en matière de CET, ça serait bien pour eux et ça se saurait… Les textes sont très clairs sur le sujet. Aucune mauvaise interprétation n’est possible. On ne peut pas avoir le beurre et l’agent du beurre… » La prise illégale d’intérêts est aussi constituée puisque l’ancien DG avait « un pouvoir de gestion et de contrôle des opérations dont il est question. Il a passé outre les divers avertissements, il en avait conscience, il savait que c’était « dérogatoire », il ne s’est pas trompé de bonne foi ». Et de résumer d’une formule : « C’est un départ à a retraite qui coûte cher… » La procureure a rappelé qu’en matière de vie publique, « la probité est un sujet majeur. C’est d’autant plus grave quand on est en position de force ». Réquisitions : 6 mois de prison avec sursis, une amende de 100.000 € et la confiscation de la somme non encore remboursée par le prévenu à la CCI, estimée à près de 50.000 euros aujourd’hui.
Pour la défense, assurée par Me Levent Saban du barreau de Saint-Etienne, son client est de bonne foi, contrairement à ce qu’avance le Parquet. « Arrêtons de faire passer M. Patard pour ce qu’il n’est pas. Ce n’est pas un génie du droit et il n’est pas aussi tordu qu’on tente de le faire croire, on essaie de le faire passer pour un voyou qui a abusé de son pouvoir pendant 40 ans ». L’avocat stéphanois a avancé plusieurs arguments techniques, soutenant par exemple que les ordres de virement, absents du dossier, comportaient les signatures du seul président et du trésorier. II a aussi déploré l’absence de la CCI, qui ne s’est pas constituée partie civile. Pour Me Saban, les réquisitions sont disproportionnées.
Le tribunal a divisé par deux l’amende demandée par le parquet, a reconnu l’ex DG de la CCI de Mâcon coupable des faits reprochés et a ordonné la confiscation des 52.867 € (tenant compte des remboursements effectués déduits de la somme initiale de 96.962 euros) irrégulièrement reçus par le prévenu.
Florence Genestier
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