Opinion de gauche
Nuit debout : et maintenant ?
Publié le 20 Avril 2016 à 22h54
Nuit debout a d’ores et déjà atteint trois objectifs...
«Leur faire peur ». A voir qui attaque désormais "Nuit debout", on peut en déduire que ça commence à marcher. Ce front rassemble tous les partis dominants, du FN au PS, la « fachosphère », les « intellos " émérites, de Finkielkraut à Fourest en passant par Joffrin, Barbier et toute la "médiacratie bien-pensante" et, bien sûr, les syndicats policiers et leur chef suprême Bernard Cazeneuve...
Casser l’état d’urgence. En occupant des places dans tout le pays, en lançant des actions et des manifestations sauvages, Nuit debout a démontré que nous pouvions reprendre l’espace public.
Redonner espoir. Après des années à subir la progression des idées et des politiques réactionnaires, "Nuit debout" n’a pas fait que libérer la parole, le mouvement montre l’attente et l’audience qui existent pour une critique radicale de ces politiques.
Mais ces avancées et la contre-offensive qu’elles provoquent confrontent "Nuit debout" à de nouveaux enjeux. Car dans la réalité, rien n’a encore changé.
Merci patron ?
Le premier enjeu, sans doute le plus immédiat, est le combat contre la loi travail. Son extension est une nécessité pour l’avenir de "Nuit debout". Sans cela, les occupations de places risquent de devenir des îlots isolés dans une immensité incrédule, des agoras qui tournent à vide où les mains qui s’agitent deviendraient les gestes stériles d’un théâtre de marionnettes.
Inversement, Nuit debout peut jouer un rôle. Les places pourraient devenir le lieu où convergent, secteur par secteur, les travailleurs en lutte qui veulent organiser le bras de fer avec les patrons et le gouvernement. Sur la place de la République à Paris, « Hôpital debout » a organisé une assemblée, les intermittentEs et précaires ont fait de même comme certaines facultés mobilisées. Il nous faut « CheminotEs debout », « PostierEs debout », « BTP debout », « Dockers debout », "Enseignants debout"... Cela accélérerait deux autres niveaux de la convergence. La convergence entre secteurs d’une part et leur convergence avec les autres fronts de la lutte, mal-logés, migrantEs, zadistes, etc. d’autre part.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de faire des places occupées le substitut de l’organisation indispensable, lieu de travail par lieu de travail, faculté par faculté, lycée par lycée, quartier par quartier mais de rompre l’isolement des équipes combatives et les coordonner vers l’action commune.
Notre démocratie
Ce lien plus organique avec les luttes sera une base pour répondre aux questions soulevées par la contre-offensive lancée contre "Nuit debout". La première a trait à la démocratie et à la liberté d’expression. Faut-il accepter que "Nuit debout" devienne un lieu où viennent s’exprimer le FN, les dirigeants du PS, les patrons... Finkielkraut et ses pairs narcissiques et méprisants ? Celles et ceux qui nous écrasent de leur morgue dans tous les recoins de notre vie sociale, du contenu de nos manuels scolaires à l’organisation des étalages du magasin du coin, en passant bien sûr par l'exploitation au travail ? Ou bien "Nuit debout" est-il le lieu où nous avons décidé de nous battre, c’est-à-dire de rassembler exploitéEs et dominéEs pour prendre confiance dans notre force collective, dans le refus de ce qui nous commande, nous aliène ?
Violence et non-violence
Nuit debout est facteur de troubles. C’est vrai, mais pour qui ? De troubles à l’ordre public. C’est vrai mais de quel ordre ? Des jeunes ont cassé des vitrines de banques. La belle affaire ! « Qu’est-ce qui est plus moral, créer une banque ou l’attaquer ? », disait Brecht... De quoi parlons-nous ? De violence ou des moyens de la riposte ?
Voilà ce qui devrait être notre boussole. Parce qu’en dernier ressort « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Pas celle d’une minorité. C’est ce qui fait qu’une grève des employéEs de banque sera toujours plus efficace que de l’attaquer de l’extérieur, une révolte de quartier contre les contrôles au faciès plus efficace qu’un traquenard contre les policiers.
Le mouvement contre la loi travail et l’occupation des places ont créé les conditions pour déplacer le débat du terrain de la morale abstraite à celui de la stratégie de lutte contre un ordre qui domine par la violence les corps et les idées. Ce n’est pas un hasard si, en plus du débat sur la violence, l’assemblée sur la place de la République a aussi commencé à aborder des questions comme celles de la grève générale, de l'insurrection populaire...
Pour que ces débats avancent, il faut que la lutte se développe et s’élargisse. Alors la peur commencera vraiment à changer de camp.
Préparer la grève générale : "Cette question de la grève générale est stratégique. Elle se pose à toutes les organisations sociales et politiques du mouvement ouvrier qui veulent avoir la peau de la loi travail. Est-ce qu'on ne pourrait pas se dire qu'au courant du mois de mai, on puisse organiser trois journées consécutives de grève générale avec des occupations massives le soir (des facs, des gares, des espaces publics...). Il faut imaginer une stratégie plus radicale, plus active face au gouvernement, faute de quoi tout ce qui en train de se passer aujourd'hui peut se perdre dans le sable. Il faut bloquer pour que tout se débloque.
Jean-Guy Trintignac NPA 71
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