Chalon sur Saône

Tout de magnificence et poli par le temps, le Lac des Cygnes est indestructible

Tout de magnificence et poli par le temps, le Lac des Cygnes est indestructible

Rarissime, la danse classique se faufile néanmoins de temps à autre à l’intérieur de la planification artistique d’A Chalon Spectacles. Mercredi soir au Parc des Expositions de Chalon-sur-Saône le Lac des Cygnes, œuvre intemporelle (ballet le plus joué au Monde) du compositeur russe Tchaïkovski datant de 1875-1876, a connu un vif regain d’intérêt. Il a laissé opérer la magie l’entourant, ce par suite de l’action de sensibilisation menée par rien moins que l’Opéra national de Russie.

Le prince a dû lutter ferme

Une intrigue amoureuse tapisse le fond de ce grand classique qu’est le Lac des Cygnes, que l’on redécouvre cependant avec toujours autant de plaisir. Le jeune prince Siegfried vient tout juste d’accéder à sa majorité. Histoire de célébrer ce moment hautement significatif, devra-t-il effectuer –à son grand dam, car ne reposant pas sur un amour solide- un choix entre des prétendantes lors d’un bal. Dépité, le prince gagne la forêt, où il tombe nez à nez avec une superbe créature qui arbore des plumes de cygne blanches. Le coup de foudre s’empare de lui ! C’est alors que sa joie profonde prend du plomb dans l’aile : Odette est sous l’emprise du démoniaque sorcier Von Rothbart, lequel lui a jeté un sort qui la fait apparaître en cygne le jour, tandis qu’elle redevient femme la nuit. Très épris, le souverain lui déclare sa flamme,  affirmant qu’il souhaite occire l’ignoble personnage. Mais, minute papillon ! Odette l’en dissuade, car elle sait pertinemment que si mort il y a avant que le sort ne s’évanouisse en fumée, celui-ci deviendra intouchable. A moins que Siegfried et Odette ne convolent en justes noces. Réalisable. Sauf que…Au bal du lendemain, comble d’infortune, se trouve présente Odile, la fille du sorcier, habillée en noir. Le souci, c’est que cette dernière est la copie conforme physiquement de la bien-aimée de Siegfried. Tant et si bien que le juvénile dignitaire tombe dans le panneau, dansant avec cette Odette bis, lui avouant son inconditionnel amour, et son inextinguible envie de l’épouser. Mais il y aura un renversement de situation in extremis, dans la mesure où Odette interviendra à l’instant adéquat, rompant de ce fait la procédure entamée. L’honneur était sauf, et la fin, enchanteresse. Le sorcier passait de vie à trépas, laissant ainsi le champ libre aux deux tourtereaux…

 

Une fable saisissante

Scindé en trois actes, le Lac des Cygnes a tenu en haleine le public transgénérationnel pendant deux heures de spectacle total, injectant à n’en point douter maintes étoiles dans les yeux des petites (et des grandes) filles se pâmant d’aise devant une poésie extensible à l’infini. Sur le plancher des vaches ou dans les airs, l’Opéra national de Russie a formé une force compacte de très haut niveau sous l’effet de la conjugaison des apports complémentaires du ballet et de l’orchestre. Les tenants du classicisme en ont eu pour sûr tout leur soûl. Si le décor austère tranchait singulièrement avec le faste des costumes, les prouesses techniques se sont succédé à vitesse grand V, délivrant la quintessence de l’expression corporelle. Grâce, délicatesse exquise, ultra-légèreté, évanescence, les puristes voués à la beauté imagée ont engrangé cette intensité émotionnelle à qui mieux mieux. Le lyrisme, poussé à son paroxysme, avait de solides arguments à faire valoir. Inéteignables…

                                                                                                             Michel Poiriault

                                                                                                             [email protected]