Chalon sur Saône

Le rire façon Bruno Salomone s'est imprimé durablement dans la conscience enjouée des Chalonnais

Le rire façon Bruno Salomone s'est imprimé durablement dans la conscience enjouée des Chalonnais

Pour perler ses Evasions Rieuses 2016, A Chalon Spectacles a appelé à la rescousse Bruno Salomone vendredi soir au Théâtre Piccolo de Chalon-sur-Saône. Son one-man-show « Euphorique » laissait subodorer une trame foncièrement jubilatoire. Et elle le fut sans conteste, grâce simultanément à un contenu savamment façonné attirant le public dans ses filets les doigts dans le nez, et à un comédien hors pair qui a réalisé une performance de choix avec un brio semblant couler de source.

Vous en connaissez beaucoup, vous, des personnes qui rigolent sans arrêt ?

Un enfant naquit dans un village à l’ouest des Bouches-du-Rhône. « A peine une minute de vie, qu’il était déjà mort de rire ! C’est un homme exceptionnellement pas pareil, un individu différent des différents… ». Du point de vue de la clarté ça ne s’engageait pas sous les meilleurs auspices. Sa conception ne doit rien non plus au classicisme. Figurez-vous qu’elle est le fruit d’un gage lors d’un enterrement de vie de jeune fille, au cours duquel l’exécutante devait violer un homme dans les toilettes, choisi au hasard ! Le bambin n’a de cesse de se dérider les zygomatiques, quelles que soient les circonstances : même en tombant, en étant pincé, brûlé, on en passe et des meilleures ! Le gamin est victime d’une indécollable euphorie. « C’est un événement dans l’histoire de la médecine. Il nous demande d’optimiser le temps présent. Il est le pro de la fête ! », a-t-il été dit à son sujet. Un agent artistique ambitionne de le placer sous sa coupe, car « les gens viennent des quatre coins de la planète pour voir le monstre. »

 

Le défaut de la cuirasse

Las ! La fantasque génitrice doit se séparer de son bébé. Un marginal adepte du verlan le récupère par inadvertance, prouvant par ce geste la noblesse du cœur qui l’anime. Mais trop, c’est trop ! Rire à tout bout de champ, cela finit par devenir barbant. Le père adoptif finit par craquer, lequel lui fait consulter un « pédalo-psychiatre ». En pure perte. Un marabout ne parvient pas davantage à faire entendre raison à son jeune patient. Au tour maintenant de l’hypnothérapeute de prendre le taureau par les cornes : »Tu manques de gravité, je vais t’aggraver. Chaque partie de ton corps va devenir dramatique. Tu vas cesser ce ricanement incessant. » Echec sur toute la ligne ! Même le cours de self-defense est réduit à la portion congrue. En désespoir de cause, une solution sera exploitée : passer du stade de rigolo amateur au statut de rigolo professionnel. Tant et si bien que Golri est embauché en tant que spectateur professionnel, puisque « si les gens entendent rire, ils se disent que c’est drôle.» Il devrait faire un carton dans l’émission la moins regardée du PAF : »Confessions personnelles ». Et là, il entend son vrai père raconter le début de son existence chaotique. Patatras ! Le revirement de situation est total. « J’avais un rêve, c’était de prendre la vie à la légère… » Le ressort s’est brisé, l’intensité émotionnelle a pris le dessus. Quand il a vu toute sa famille réunie, Golri s’est mis à pleurer à chaudes larmes…A y regarder de plus près, derrière chaque scène y avait-il matière à creuser, à l’aide d’une signification précise terrée derrière le paravent de l’insouciance. Preuve que le rire peut mener à tout…à condition d’en sortir la tête haute. Bruno Salomone, en manoeuvrant l’artillerie lourde avec dextérité, n’a point failli au devoir autoassigné. De la belle ouvrage véritablement aux angles d’attaque parfois abrupts, cependant érodés par la finesse d’esprit, interprétée avec beaucoup de justesse.

                                                                                                    Michel Poiriault

                                                                                                    [email protected]