Chalon sur Saône

TRIBUNAL CHALON - Les adieux de Me Pierre Mathieu

TRIBUNAL CHALON - Les adieux de Me Pierre Mathieu

Toujours courtois et calme, Me Pierre Mathieu a été un peu surpris ce vendredi après-midi quand l’audience collégiale du tribunal correctionnel s’est arrêtée un instant pour rendre un hommage appuyé à sa carrière. A 67 ans, cette figure du barreau local prend sa retraite.

Quelques minutes auparavant, ce vendredi 17 juin, il plaidait encore.  Pour la toute dernière fois. Partie civile dans un dossier délicat et douloureux d’homicide involontaire, un accident de la route à Epervans en 2013,  il défendait les intérêts de la famille d’un jeune homme de 31 ans, mort dans un choc frontal. Une dernière fois, il a su trouver les mots justes pour apaiser la douleur et la  colère de toute une famille bressane  endeuillée qui attendait ce procès depuis trois ans, des mots plus durs pour fustiger l’attitude du prévenu qui a préféré ne pas  venir à l’audience. Une efficacité classique et  tout en prévenance, qui n’aime ni les éclats  de voix ni les pertes de temps. Tel est Me Mathieu.

Voilà quarante-deux ans que Me Mathieu a prêté serment, en 1974. Il ne s’est jamais beaucoup éloigné de Chalon-sur-Saône, sauf pour argumenter dans des dossiers de droit social et du travail dont il était un spécialiste reconnu et estimé dans la Région. Me Jean-Charles Meunier, le bâtonnier chalonnais, en parfaite complicité avec la présidente du tribunal Céline Therme ne l’a prévenu qu’au dernier moment de cet hommage rapide, sincère et discret. Figure du monde juridique chalonnais, très respecté des magistrats comme par ses confrères,  il a suscité et encouragé bien des vocations locales. Me Thierry Drapier, son  associé, ou Me Palermo, Me Meunier qui l’a eu pour maître de stage en 1987 par exemple. Deux de ses enfants travaillent encore avec lui au  cabinet. Familier des procès d’Assises depuis des décennies, il a su partout apporter une contradiction juste et pointilleuse.

« C’est une personnalité d’une grande humanité, un homme simple, avec le goût de la transmission » résume le bâtonnier, juste avant de prendre la parole en public pour rendre hommage à son aîné et collègue du cabinet Adida. « C’est pour moi un moment de grande émotion, un grand avocat s’apprête à poser sa robe. Me Mathieu n’exerce pas la profession d’avocat, il l’est. Il a plaidé aussi bien au tribunal des prud’hommes de Montceau-les-Mines qu’à la COB. Pour être un grand avocat, c’est facile, a dit un jour quelqu’un : il suffit d’être un grand travailleur et d’avoir beaucoup de talent ».

Céline Therme, la présidente du tribunal correctionnel a tenu à dire combien elle « avait apprécié les audiences partagées » avec Me Mathieu. « Vous faites partie des avocats qu’on a plaisir à voir à la barre. Le tribunal a particulièrement apprécié votre courtoisie, votre respect des parties et confrères, votre connaissance parfaite des dossiers de droit du travail ou pénal que vous défendez ». La présidente a aussi confié que  c’est grâce à  un stage très enrichissant chez Me Mathieu qu’elle avait aussi pu enfin trancher entre la profession d’avocat et celle de magistrat. En réponse, Me Mathieu a souligné « la bonne tenue des audiences chalonnaises, avec des juges qui connaissent les dossiers et soucieux d’entendre tout le monde ». Il a aussi fait part de sa surprise face à ce rare hommage, qui l’a « un peu pris au dépourvu. Avocat, c’est le meilleur métier du monde, surtout quand on l’exerce à Chalon ! J’aurai passé 41 ans au Palais de Justice, dans un esprit de convivialité qui résulte d’un respect mutuel qu’on ne trouve hélas pas partout en France ». A la sortie de l’audience, alors que la collégiale reprenait l’examen des derniers dossiers, Me Mathieu donnait de claires et salvatrices précisions à ses derniers clients sur le jugement rendu. Avec humanité et patience, comme il l‘a toujours fait.

 

Florence Genestier