Faits divers

TRIBUNAL CHALON - Accident mortel à Epervans : un an de prison et deux ans d’annulation de permis pour le chauffeur de la Jaguar

TRIBUNAL CHALON - Accident mortel à Epervans : un an de prison et deux ans d’annulation de permis pour le chauffeur de la Jaguar

Le prévenu avait la migraine, il ne s’est pas déplacé. Reconnu coupable d’homicide involontaire, ce chauffeur de taxi a été condamné à un an de prison dont six mois avec sursis, deux années d’annulation de permis de conduire. Le 8 septembre 2013, à Epervans, sur la Route Départementale 978, un choc frontal a fait passer Samy de vie à trépas. Toute sa famille était présente sur les bancs du public pour comprendre.

« C’est une dérobade ». Le parquet ne mâche pas ses mots pour qualifier l’absence du prévenu, ce vendredi 17 juin. Même tonalité pour Me Pierre Mathieu, partie civile pour la famille de Samy, qui plaide pour la dernière fois de sa carrière en correctionnelle. Le 8 septembre 2013, alors qu’il  roulait à 70 km/h  sur une route départementale, Samy, 31 ans qui venait de fêter son anniversaire chez ses parents et allait prendre son service a été fauché. En face de lui, et beaucoup trop vite, ont conclu l’expert et la technique, est arrivé Cyril, un chauffeur de taxi qui n’a visiblement pas pu contrôler, sur une route légèrement humide, sa Jaguar. Samy est mort sur le coup. Le calculateur de vitesse du taxi a livré ses secrets. Un dispositif spécial, destiné au marché américain, une « boite noire » qui enregistre la vitesse du véhicule. Le calculateur a indiqué que le véhicule roulait à plus de 130 km/h. Cyril, le taxi, s’en allait chercher un client en gare du Creusot TGV. Une version validée qui contredit la première donnée par le prévenu, qui a toujours affirmé rouler normalement et avoir été embouti par la 207 de Sami. La défense laissera planer un doute sur l’endroit exact du choc : le milieu de la route ? Le couloir de la Jaguar ou de la 207 ? Comme s’il était inconcevable pour un professionnel expérimenté de la conduite d’admettre une perte de contrôle. Aux conséquences fatales. Les conducteurs du véhicule qui suivait celui de Sami ont vu tourbillonner la Jaguar avant le choc.

A 150 km/h sur une route limitée à 90 km/h

Un précédent rapport d’expertises, déjà défavorable au prévenu,  a été annulé au fil de la procédure. Il a fallu en recommander un.

« Mon fils était un garçon respectable et posé, respectueux des règles, a témoigné le père de la victime face au tribunal. Il venait de passer chez nous, l’accident a eu lieu à 20 km de notre maison. On voudrait que justice soit rendue pour pouvoir continuer notre vie ».

« Un jeune homme de 31 ans a été fauché, sur  cette portion de route que l’on  connaît tous, entre Epervans et Ouroux a commencé Me Mathieu. Je demande pour la famille, la vérité. Depuis le début, le prévenu dit qu’il roulait à 90 km/h et avance qu’il est professionnel de la  route. Les tests ont montré que sa vitesse de croisière atteignait 150 km/h ce jour-là. Le prévenu dit être malade aujourd’hui. Depuis ce 8 septembre 2013, d’autres sont malades et ne s’en remettent pas. Le prévenu n’a pas eu le courage de paraître au tribunal. Son attitude est humainement méprisable. On n’a jamais de certitude totale lors d’un accident mais les rapports sont clairs.»

Trois ans de prison et trois ans d’annulation de permis requis

Le parquet relève « l’humanité et la dignité de la famille de la victime. Perdre un proche dans un accident de la route est toujours traumatique.  Depuis le début de l’affaire, on renvoie à cette famille la responsabilité de l’accident. Trois ans d’attente, c’est long. Ce n’est pas une imprudence, une inattention de quelques secondes. On a affaire à un conducteur qui a violé délibérément les règles de sécurité pour son amusement. Il a pris tous  les risques et Samy a payé cash de sa vie le plaisir pris par le conducteur de la Jaguar, qui roulait à une vitesse folle sur une route départementale. » Le ministère public a requis trois ans de prison  ferme dont un avec sursis et l’annulation du permis de conduire pour trois ans. « Voir le nom du prévenu accolé au terme de professionnel de la route me gêne. Un professionnel ne prend pas une route départementale pour un  terrain de jeux ».

 « On a eu droit à un réquisitoire digne d’une Cour d’Assises » a ironisé Me Cuinat. Les deux conseils ont surtout émis des doutes sur l’endroit exact du choc. « Qui empiétait sur le couloir de l’autre ? Ce n’est pas faire injure à la mémoire de la victime de reconnaître qu’on ne sait pas exactement où a eu lieu la collision. On n’a pas la preuve d’un lien direct entre la vitesse excessive et l’accident. La défense n’est pas insensible à la douleur de la victime. Cyril, le prévenu on l’accuse un peu de tout, de manœuvres dilatoires, de fournir aujourd’hui un faux certificat médical à l’audience. Il est chauffeur de taxi depuis 2006, il a tous ses points sur son permis. Ce n’est pas un fou du volant. On cherche à lui faire payer sa vitesse, sa Jaguar » a développé, dans une plaidoirie sobre, Me Varlet, qui a demandé la relaxe.

Le tribunal a condamné le prévenu à un an de prison dont six mois avec sursis. Il a aussi réduit l’annulation du permis de conduire à une durée de deux ans, contre trois, préconisée par le parquet. Il devra aussi payer des dommages et intérêts aux membres de la famille de Samy, qui a éclaté en pleurs au rendu du délibéré.

 

Florence Genestier