Faits divers

TRIBUNAL CHALON - Une famille éclatée en rivalités

TRIBUNAL CHALON - Une famille éclatée en rivalités

Il existe, paraît-il, des familles sans histoires. Celle présente au tribunal correctionnel ce 17 juin est coutumière des conflits déchirants. Poursuivi suite à la plainte de leur belle-sœur et nièces pour avoir détourné de l’argent des comptes de leurs parents, un couple d’Issy-L’évêque répondait d’escroquerie et d’usage de chèques contrefaits.

Les sommes perçues ont étonné le mari, poursuivi pour complicité d’escroquerie quand les enquêteurs lui ont donné le total. Dernier fils vivant d’un couple mâconnais, Fabrice reçoit de son père, victime d’un AVC en 2011, la responsabilité de ses comptes bancaires. Le vieux monsieur confie à Fabrice  son patrimoine, lui donne procuration sur un seul de ses deux comptes et lui demande de vendre son appartement afin de leur assurer, à lui et à son épouse, des jours douillets dans une maison de retraite. Le père est désormais décédé, après avoir été placé sous tutelle. Eprouvée par le décès de l’autre fils du couple de personnes âgées, la famille est depuis tiraillée par des conflits violents. Elle est d’ailleurs bien connue du tribunal pour d’autres dossiers du même acabit, « complexes et lourds ». Un climat « malsain », une « guerre qui aveugle tout le monde » selon la Défense.

Aujourd’hui l’appartement mâconnais des parents a été vidé, n’est toujours pas vendu et perd de sa valeur. Et surtout, les comptes des aînés sont à plat. Retraits carte bleues, séries d’écritures : 5800  € par carte et 43.285 € de chèques de février à novembre 2011. Une trentaine dans chacune des deux banques du vieux couple. Certaines dépenses ont payé les frais des parents mais aussi beaucoup de dépenses personnelles des prévenus, Fabrice et Sandrine. Le paiement des obsèques du père a été problématique. La veuve du fils décédé, partie civile à l’audience avec ses filles,  règle aujourd’hui seule les frais de la maison de retraite haut-savoyarde ou vit désormais sa belle-mère. La demande de tutelle sur les comptes du père en 2011 vient d’elle. De vives tensions emplissent l’atmosphère, avec un parfum de règlements de comptes. Des tensions contagieuses.  Les avocats se laissent au fil des débats, enfermer dans un échange assez agressif, vite recadré par la présidente du tribunal.

Pour Sandrine, qui sanglote à la barre,  il ne s’agit pas d’une escroquerie puisqu’elle a toujours fait les opérations avec l’accord de son beau-père. Les enquêteurs ont trouvé une procuration à son nom, signée par le vieux monsieur mais jamais remise et enregistrée à la banque. « Si ma femme a fait ces chèques, c’est évident que mon père avait donné son accord » renchérit le mari, chauffeur-routier à l’époque et souvent absent. La présidente souligne toutefois l’ambiguïté du comportement de l’épouse : « soit il est lucide et signe lui-même les chèques, soit il ne l’est pas et quelqu’un d’autre les signe ». Dans ce cocon familial malade, plane aussi l’ombre de la fille du couple, avec qui les relations sont explosives. Elle est fortement soupçonnée par ses parents et leurs conseils d’avoir utilisé la CB de ses grands-parents et des chèques à son profit... D’autre part, avance l’un des avocats de la défense, Me Renauld Tribolet du barreau de Chaumont, « les parents plutôt aisés ont toujours aidé le couple, à hauteur de 5000 € à 11.000 € par an ». « Quand on demandait, on avait. Je ne vois pas quel intérêt j’aurais eu à détourner de l’argent » conclut la prévenue.

« Dans ce dossier peu glorieux, résume le Parquet, deux personnes âgées ont été pillées par des personnes qui se sont cru autorisées. Les faits reprochés s’étalent sur dix mois, correspondant à l‘accueil de la mère au domicile du couple incriminé. » Le ministère public a  requis six mois de prison avec sursis pour l’épouse, quatre mois pour l’époux, pour complicité. Partie civile pour l’autre branche de la famille, Me Valérie Chambet, du barreau de Bonneville (74) insiste sur les dettes dues un temps aux maisons de retraite. « La mémoire du père a été amplement piétinée. Les prévenus ne vont plus voir la mère parce qu’il n’y a plus un sou à prendre ».

 

Le couple a été relaxé pour l’escroquerie au bénéfice du doute mais reconnu coupable de contrefaçon et d’usage de chèque. Pour ce seul chef d’accusation, mari et femme ont été condamnés à six mois de prison avec sursis, assortis d’une mise à l’épreuve de deux ans. L’obligation de rembourser les victimes  a été formulée. Leur contrôle judiciaire débutera fin juin.

 

Florence Genestier