Saône et Loire

A Tournus, des questions stratégiques, des projets toujours contestés

A Tournus, des questions stratégiques, des projets toujours contestés

Lundi soir, le Cellier des Moines accueillait une réunion publique consacrée au projet stratégique des élus. Annoncée tardivement, la rencontre a fait le plein. Après un exposé-monologue du maire qui a listé les réalisations prochaines de la municipalité, les questions ont été nombreuses. A la sortie, un constat : les Tournusiens attendent davantage de précisions.

Les rangs de chaises étaient bien garnis sous les voûtes. Une quarantaine de personnes a suivi la réunion debout. A l’applaudimètre, on a pu distinguer deux camps. Ceux qui croient aux projets de la municipalité et ceux qui en doutent. A priori, personne dans les deux camps ne semblait avoir changé d’avis à l’issue de la soirée. Aidé de documents projetés sur écran, Claude Roche a listé les uns après les autres les aménagements envisagés de la cité jusqu’à la fin du mandat. Sans visiblement trouver les arguments capables de renverser la méfiance d’une partie des habitants. Requalification de la D906 à l’entrée de Tournus, aménagement des quais et du port de plaisance, revitalisation du centre-ville, des abords de l’Abbaye, du Pas Fleury et création du Pôle économique nord, celui qui suscite le plus de questions et de craintes mais aussi d’espoir pour l’équipe du maire. Tous listés, numérotés, explicités par le Premier magistrat. But du jeu : crédibiliser le projet d’ensemble « ambitieux » porté par l’équipe municipale et des finances maîtrisées.

Du port de plaisance au Pôle Nord

Pour le port de plaisance, le maire a annoncé « un projet privé avec la participation de la Caisse des Dépôts et d’une autre banque. Un investissement estimé à 12 M € qui pourrait être opérationnel dès la fin 2019. Côté Pôle économique nord, le maire a rappelé que le site s’étendrait sur 5 à 7 hectares dès 2018. II comporterait un hypermarché de 3000 m2. « Je comprends que cela suscite un débat, c’est tout à fait légitime » a consenti Claude Roche. Quelques quolibets ont accueilli sa réaffirmation de la création de 400 emplois sur le futur pôle. Le passage en revue s’est terminé sur un tableau des actions quotidiennes, des menues dépenses municipales, du fleurissement à la réfection des trottoirs ou encore l’animation. Il était 20 h 20 quand les questions du public ont débuté.

La première a concerné l’avenir du cinéma La Palette. Situé en centre-ville, ce cinéma municipal à la riche vie associative n’existera plus dans quelques années si les projets de la municipalité Roche aboutissent. Entre l’ouverture du vieux passage Cadot (un lien entre les quais et la rue de la République), la salle devrait être transférée dans un nouvel ensemble de salle multifonctionnelle  au Pas Fleury. « Quel est le lien entre la revitalisation du centre-ville et le cinéma ? » a questionné une responsable de l’association. Le maire a réaffirmé l’importance de la réouverture du passage, qualifié le cinéma actuel de « désuet et peu fréquenté, accueillant parfois trois ou quatre spectateurs par séance ». Face aux protestations qui s’élevaient, Claude Roche tient les chiffres de fréquentation à disposition.  Le micro est ensuite passé à Gilles Lacroix, libraire. L’homme a encore une fois fait part de ses doutes et a alerté des dangers que ferait courir le Pôle économique au commerce local. « Attention aux promesses non tenues des investisseurs, des porteurs de projet. On a beau leur dérouler le tapis rouge, ce ne sera pas un long fleuve tranquille. Vous voulez revitaliser le centre-ville en l’excentrant ! » Le libraire a aussi annoncé la création prochaine d’un comité de défense du commerce Tournugeois.

Un besoin de précisions et de consultation

En réponse, le maire a insisté sur le soutien marqué au centre-ville. Il a rappelé les échecs du passé (Village de marques, perte d’emplois…) et affirmé sa volonté de changer les choses. Il a raconté avoir évoqué les projets tournusiens avec Emmanuel Macron, le ministre de l’économie. Une révélation diversement appréciée par la salle, volontiers moqueuse… « Je ne peux pas vous laisser dire que personne ne vient au cinéma, est intervenue une membre du collectif la Palette, qui s’est par ailleurs inquiétée des répercussions de la baisse des crédits de l’Etat pour une ville comme Tournus. Une nouvelle fois, Claude Roche souligne l’intérêt touristique de la liaison quai de Saône-centre-ville. Un autre membre du collectif la Palette s’amuse à jouer les archivistes, pendant quelques minutes. « En 2014, vous nous annonciez déjà 300 à 400 emplois supplémentaires grâce aux investisseurs. Où sont-ils ? Toutes les études menées en zone rurale en France contredisent votre vision ». Agacé, Claude Roche le coupe : « Quelle est votre question ? ». « Je n’en ai pas ! » répond le Tournusien d’adoption, ravi d’avoir pu s’exprimer. Un autre interlocuteur s’étonne d’avoir si peu entendu parler d’industrie. Une nouvelle Tournusienne,  plaide pour que « dans la mesure du possible » les habitants puissent être « très informés et surtout consultés sur l’avancée des  projets ». Rappelant les incertitudes de la zone économique, un dernier intervenant a voulu connaître la définition de la démocratie selon Claude Roche. Non sans lancer une pique directe, un peu agressive à l’édile : « Vous faîtes toujours comme si vous saviez tout et si les autres étaient des imbéciles ! » « Pas du tout !, a tonné le maire, d’un air las. Je suis dans la vie publique depuis quarante ans. On a de beaux projets, on est légitime pour les mettre en œuvre, on a été élu. Et en 2020, il y a des élections. Voilà ma définition de la démocratie ! » A 21h 30, après deux heures d’échanges, la réunion a été stratégiquement close.

 

Florence Genestier