Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Un voisin trop généreux et vite abusé

TRIBUNAL DE CHALON - Un voisin trop généreux et vite abusé

Cinq prévenus étaient poursuivis pour abus de faiblesse, abus de confiance, escroquerie ou chantage. Ils ont su parfaitement profiter de la générosité et de la faiblesse d’une personne handicapée, à différentes reprises.

C’est une dénonciation anonyme et la vigilance de sa banque qui ont permis à la victime d’échapper à la pression malsaine de son entourage. Lors d’un rendez-vous en septembre 2012, Pierre, (prénom  changé), un Chalonnais,  explique à sa conseillère financière qu’il a besoin d’un prêt car « des gens lui  demandent beaucoup d’argent ». L’homme n’est pas riche, quadragénaire, handicapé à 70%,  perçoit une allocation logement et une autre de 750 € mensuels. Il vit seul et ses parents sont décédés. Son frère, qui veille sur lui, s’en va travailler En Alsace. Pour certains, il devient la proie idéale. Décrit comme « naïf et innocent », c’est surtout un malade chronique, souffrant de psychose. « Il peut se montrer généreux au-delà du raisonnable car il recherche maladivement des liens avec les autres » diagnostique l’expert. Il aide souvent une de ses voisines.

Pierre a subi un chantage par deux femmes venues chez lui prendre un café. L’une d’elles échappe à la comparution ce vendredi 24 juin suite à un changement d’avocat intempestif. Elle l’a menacé de porter plainte pour viol s’il ne lui donnait pas sa carte bleue et son code secret. La jeune femme a déjà été condamnée pour des faits similaires. Sa complice, Jennifer (5 mentions à son casier judiciaire) qui reconnaît les faits, a arraché la prise téléphonique pour l’empêcher d’appeler la police. Les deux filles ont dépensé 800 euros en fringues dans les boutiques mâconnaises. Autre personne à avoir profité des largesses de Pierre, Mounir. Il lui tenait gentiment compagnie lors des retraits d’argent au guichet et s’est fait financer son scooter et des loyers. Mounir s’est aussi fait voler un des chèques par son frère qui s’en est servi pour rembourser une dette de 2800 euros. « A chaque fois que je demandais  un service, Pierre ne disait pas non, il était con, faut le dire » raconte Mounir (10 mentions au casier). Troisième personne, détenue pour une affaire de stupéfiants, Rachel (prénom changé). Elle seule donne l‘impression d’avoir entretenu une relation assez sincère. Ils sont partis ensemble en vacances. Elle a bénéficié de prêts et encaissé six chèques. « Je ne savais pas ce qu’était l’abus de faiblesse à l’époque. Pour moi c’était de la gentillesse de sa part. » Elle est poursuivie aussi pour abus de confiance, car elle a loué un véhicule au nom de Pierre, ne l’a pas rendu à temps et dégradé.

« Ces gens ont laissé s’installer l’idée d’une amitié pour jouir de l’argent de mon client, plaide Me Bibard, pour qui les prévenus ont agi comme des « charognards et des prédateurs. Cela revient à frapper un handicapé en fauteuil roulant. Il avait réussi à économiser 25.000 €, il n’a plus rien. » Le Parquet insiste sur le côté « sordide de l’affaire. On voit beaucoup de lâcheté, de cupidité. Ils ont joué de leurs maladies pour apitoyer la victime et avoir de l’argent facile. Il y a disproportion entre les revenus du prévenu et les abus. Il a perdu beaucoup d’argent mais a-t-il perdu beaucoup d’amis ? » Elle charge particulièrement Mounir, qui n’a pas arrêté de mentir et de varier dans ses déclarations. Le ministère public requiert 18 mois de prison dont neuf avec sursis pour Jennifer, trois ans de prison pour Mounir, récidiviste, cinq mois de prison avec sursis pour le frère de Mounir, deux ans de prison dont un avec sursis pour Rachel.

Me Dupré, qui défend Jennifer insiste sur l’influence de sa complice, qui sera jugée en octobre. « Sa récente détention de six mois lui a permis de décrocher de l’héroïne. Elle n’a jamais menacé directement la victime. » Me Laborderie intervient pour Mounir. Il s’étonne que la victime ne bénéficie pas d‘une mesure de protection judiciaire de ses comptes avant de réduire l’attitude de son client à de « l’opportunisme ». Me Diry, pour Rachel, peine à voir dans ce dossier « un strict rapport de forces entre Rachel et Pierre.  Ils ont passé de bons moments ensemble. Pierre la considère d’abord comme une malade et une droguée. Elle aurait dû apprendre à dire non. »

Le tribunal a condamné le frère  de Mounir à six mois de prison avec sursis pour vol et usage de chèque contrefait, Mounir à deux ans de prison dont un avec sursis pour abus de faiblesse, Jennifer à 18 mois de prison dont 12 avec sursis pour chantage et escroquerie en récidive, Rachel à 12 mois de prison avec sursis pour abus de faiblesse et  abus de confiance. Tous les prévenus ont obligation de se tenir à distance de la victime, de travailler et de l’indemniser. Reste aux juges à statuer sur le cas de la dernière prévenue. Ce sera chose faite à la mi-octobre.

 

Florence Genestier