Opinion

A propos de Hinkley Point, la position de la CGT Areva

Le 28 juillet 2016, le Conseil d'administration d'EDF a pris la décision de construire les deux réacteurs nucléaires d’Hinkley Point, pour un investissement de 15 Md€. Les contrats seront signés avec le Gouvernement Britannique, l’exploitant et industriel chinois « China General Nuclear Power Corporation » (CGNPC), et les principaux fournisseurs du projet.


Cette décision n’a pas fait l’unanimité au sein du Conseil d’Administration EDF, loin de là. Après la démission du directeur financier, farouchement opposé au projet car il jugeait son coût prohibitif par rapport à l’endettement déjà très élevé d’EDF (37 Md€), seulement 10 administrateurs sur 17 se sont prononcés favorablement sur le projet. Ajoutons que cette décision a été prise sans attendre le rendu de la procédure en référé lancée par le CCE EDF, opposé majoritairement au projet HPC.


Il y a quelques années, l’annonce d’un tel projet aurait été une excellente nouvelle. Force est de constater qu’aujourd’hui nous sommes loin de l’enthousiasme attendu par nos dirigeants et le gouvernement. Comment pourrait-il en être autrement quand on examine la situation actuelle de notre filière et de notre groupe avec un peu de lucidité, de réalisme et d’impartialité ? C’est d’ailleurs ce qu’exprime une très large partie des salariés d’Areva et d’EDF, ainsi que de façon très claire la CGT AREVA.


Tous les problèmes en suspens depuis 6 ans dans la filière doivent être pris en compte :


- La situation financière exsangue d’AREVA, ainsi que les craintes semblables sur celle d’EDF…
- La vision libérale et à court terme des gouvernements successifs, qui nuit à toute stratégie de développement industriel visant à répondre à long terme aux besoins du pays,
- L’impuissance de la direction et du gouvernement à proposer des solutions dans le « dossier catastrophe » OL3,
- La résolution des problèmes Qualité, notamment sur FA3 et Le Creusot,
- Les pertes de compétence fortement accentuées par le Plan de Départs Volontaires et l’absence d’anticipation dans la gestion des métiers,
- Les pertes de propriétés intellectuelles dues aux recours massifs à la sous-traitance,
- La poursuite des délocalisations, notamment en Chine, tant en matière de transferts de technologie que de fabrication. Aucune précision n’a d’ailleurs été donnée sur les lieux de production des pièces pour HPC,
- N’oublions pas les possibles observations / directives que la Commission Européenne ne manquera surement d’émettre, qui pourraient amplifier ou même accélérer le démantèlement du groupe,
- Les atermoiements gouvernementaux sur la recapitalisation de la filière à la hauteur nécessaire.


La CGT ne tombera pas dans le piège d’un débat stérile du « pour ou contre HPC » dans lequel au moins une organisation syndicale veut entrainer les autres. Ce qui est en jeu, au-delà de toute posture partisane, n’est ni plus ni moins l’avenir de la filière nucléaire française. Les propos et rapports des experts SECAFI et SCAFEC du Comité de Groupe France AREVA pointent également la réussite de ce projet comme une question « de vie ou de mort » pour nos activités.
Ce contexte appelle de notre part un certain nombre de questions,
nous nous interrogeons donc sur :


- La capacité financière d’EDF et d’AREVA à supporter un tel projet, et voir même la capacité humaine chez AREVA,
- Les problèmes de qualité de la cuve de FLAMANVILLE et les dossiers du CREUSOT toujours à l’étude et dont on ne connaît pas encore les conséquences,
- Le délai de livraison annoncé de 6 ANS, est un engagement qui nous paraît aussi improbable que déconnecté de la réalité. En effet, comment peut-on s’engager sur une période aussi courte, quand on sait que les constructions EPR actuelles approchent des 10 ans et ne sont toujours pas terminées ?
- Aucune information factuelle nette sur les lieux de fabrication, en France ? en Chine ?
- La « remise en cause du projet par le nouveau gouvernement britannique, hostile à la participation d’une entreprise chinoise » comme on peut le lire dans la presse et qui pourrait utiliser le poids de ce dossier dans les négociations liées au « Brexit »


Pour la réussite du projet et la pérennité de la filière nucléaire française,
la CGT juge qu’il faut :
- Tout d’abord achever les chantiers EPR en cours,
- S’assurer qu’AREVA a suffisamment intégré le retour d’expérience des premiers EPR pour assumer un tel projet sans reproduire la catastrophe « OL3 » en Angleterre ?
- Dans un premier temps, assurer la charge de nos ateliers français en fabriquant des GV de remplacement des centrales dans le cadre du grand carénage,
- Dans un second temps, étudier la question de la durée de vie des centrales qui pourrait être reportée à 50 ans par les autorités de sûreté nucléaire.
- Se poser la question du financement par la France, à travers EDF, de la construction de centrales pour fournir de l’électricité pour d’autres pays d’EUROPE ?
- Et avant tout, revenir au respect et à la considération des salariés.
Si le gouvernement britannique confirme sa commande (décision attendue en Septembre), il est évident que la CGT sera vigilante et exigera d’être très régulièrement informée de façon très précise de l’avancement du chantier au travers des Instances Représentatives du Personnel.


En conclusion, la CGT Areva n’est pas opposée au projet cependant nous estimons qu’il doit se faire dans les « règles de l’art ».
Si AREVA s’engage c’est pour réussir ! Les salariés ne devront pas à avoir à supporter l’irresponsabilité et/ou l’incompétence dont nos dirigeants ont fait preuve ces dernières années dans la gestion financière et industrielle du Groupe. La CGT ne veut pas un « remake » de l’actuel PDV, seule « réussite » que l’on peut attribuer à nos « élites » …