Faits divers

Quand l'opposition au maire d'un village de 1500 habitants se retrouve au tribunal de Mâcon

Quand l'opposition au maire d'un village de 1500 habitants se retrouve au tribunal de Mâcon

Palinges, 1500 habitants, entre Montceau-les-Mines et le Charollais, entre son église romane et le canal du centre, pourrait être un village paisible. Pourtant, ce mercredi après-midi, sur les bancs du tribunal correctionnel mâconnais, quatre élus d’une liste concurrente au maire et une cinquième personne étaient poursuivis pour diffamation par l’édile. Chaude ambiance.

C’est un « tract » pour l’un, une « lettre ouverte » pour les autres. C’est surtout un écrit qui a mis le feu aux poudres, déjà bien incandescentes, entre le maire Paul Lorton (DVG) et les quatre élus d’une liste concurrente à la sienne. Paul Lorton a été maire de Palinges de 1989 à 2008. En 2008, las de la fonction, il ne se représente pas et c’est Annie Pallot (PS) et ses anciens adjoints qui lui succèdent. Regrettant ses fonctions au fil des ans, M. Lorton se représente comme tête de liste en 2014 et l’emporte d’une courte tête, moins de trente voix. Quatre élus d’une liste dissidente, de l’ancienne équipe, siègent au conseil municipal, à qui, de l’aveu de tous, il mène la vie dure. A force de "brimades et échanges nerveux divers", après avoir aussi été écartée des commissions municipales, « l’opposition » finit par écrire et diffuser, par distribution dans les boîtes-aux-lettres à l’automne 2014, un texte certes assez maladroitement rédigé, qui lui vaut, chose rare dans les prétoires saône-et-loiriens, de comparaître pour diffamation. Annie et Jean-Paul Pallot, Michèle Biron, André Démortière, Agnès Jaffre, qui ont tous par le passé travaillé avec l’actuel maire y ont exprimé leur désarroi et leur colère. Une témoin mandatée par la défense, qui a assisté à une dizaine de conseils municipaux déclare au tribunal avoir été « surprise par la violence et l’agressivité » du maire envers les élus qui ne sont pas de sa liste. « Protégé par son rôle, il pousse les gens à bout ». Et raconte une conversation avec le maire pendant laquelle M. Lorton lui a paru « agressif, au regard glacial sinon belliqueux ». Autre témoignage, celui d’un responsable associatif de la commune qui  narre un différend "croquignolesque" entre le maire et son trésorier, au sujet du stationnement sur une place handicapé.

Dans un premier temps, le parquet, à l’examen du dossier ne retient pas la diffamation pour prescription des faits et opte pour le non-lieu. Le juge d’instruction, qui a la main sur le dossier conclut autrement et, pour lui la diffamation est caractérisée. A l’audience de ce mercredi, le parquet a légèrement changé son fusil d’épaule, parle de faits établis et requiert une peine d’amende avec sursis à l’égard des cinq prévenus, qui ont co-rédigé l’écrit du scandale. Le maire, absent de l’audience et représenté par son avocat, Me Dufour, réclame lui un euro de dommages et intérêts et la parution  dans la presse locale de la future condamnation des prévenus qu’il juge inévitable. « Il ne faut pas confondre les prévenus et la victime, précise Me Pierre Dufour. Mon client estime que cet écrit a porté atteinte à son honneur et  sa fonction. Tout de même, ils le font passer pour le Ceaucescu de Palinges ! Il y a des limites ! Ils ont choisi l’anathème plutôt que  l’argumentation. Il ne s’agit pas ici de brimer l’opposition mais de redorer l’honneur de celui qui a été bafoué dans sa fonction de maire.» Me Dufour dans sa plaidoirie a évoqué « la frustration » et  « l’amertume » de l’équipe précédente d’avoir été battue avec si peu de voix d’avance.

Pour la défense, assurée par Me Martin-Crayton,  tout cela résulte d’un comportement « discutable » du maire actuel. « Il dérape souvent. Il n’acceptait pas que la maire précédente, qui y a pourtant droit, fasse partie des commissions ». La défense évoque aussi l’alerte donnée par l’opposition en sous-préfecture, suivie de courriers du sous-préfet au maire de Palinges lui demandant davantage de souplesse. Sans aucun effet...  L’avocate raconte que le maire a traité de « démente » une élue, ou encore « d’adolescente capricieuse » une présidente d’association locale. « Il a même traité les citoyens de Palinges de « cafards » ! Deux des prévenus étaient des « boulets qui n’arrêtaient pas de se gratter les genoux en conseil municipal ». Qui diffame à la fin ? Mes clients n’ont pas voulu se faire écraser, on est dans un système proche du harcèlement. Il a aussi dit que l’opposition aura « le droit de s’exprimer quand ils deviendront soumis.» Reste à savoir, si à défaut de raccommoder l’ambiance municipale palingeoise qui semble bien décatie, le comportement "têtu" du maire envers son opposition, entre, comme l’a rappelé son conseil, sous qualification pénale. Il semblerait que non…

A l’issue de l’audience, Annie Pallot, maire de Palinges de 2008 à 2014, s’est souvenue qu’assistant dans le public à tous les conseils municipaux sous sa mandature, Paul Lorton avait l’habitude de prendre facilement la parole et de critiquer les décisions des élus. Or, même pour un ancien maire cumulard dans le temps, prendre la parole depuis les rangs du public est strictement interdit lors des conseils. Au bout de la troisième assemblée municipale  perturbée par ses interventions intempestives, Mme Pallot avait conduit M. Lorton gentiment mais fermement, vers la sortie de la salle. « Depuis, c’est la guerre… », résume-t-elle.

Une guerre, qui sur le plan juridique trouvera son épilogue le 12 octobre prochain, date à laquelle le tribunal rendra son jugement pour cette affaire de diffamation.

Florence Genestier