Faits divers

TRIBUNAL CHALON - Un coupable idéal

TRIBUNAL CHALON - Un coupable idéal

Au Creusot, cet ancien pompier de Paris a été accusé d’avoir volé par effraction en février dernier un document et de l’argent dans une étude d’huissier, où jadis a travaillé sa femme. Il a été relaxé par le tribunal.

Drôle d’histoire. Le cambriolage d’une étude d’huissier creusotine a débouché sur un coupable idéal. Il avait le profil de l’emploi ou plutôt du voleur. Sportif, peu sujet au vertige et employé dans une entreprise où l’on grimpe. Un lundi matin de février dernier, en ouvrant la porte, employés et huissier constatent la disparition de plusieurs objets : une tapisserie murale, la somme de trente euros en numéraire et dans un dossier concernant le personnel, une lettre de démission et l’accusé de réception de ladite lettre. Aucune trace ADN n’est retrouvée sur place. Comme l’étude d’huissier est en hauteur, qu’il faut se glisser par la fenêtre de la cuisine pour accéder au bureau, que les documents disparus sont en lien direct avec le passé professionnel de son épouse, Georges, 41 ans, se retrouve vite dans le collimateur. Physiquement en effet, Georges (prénom modifié) colle parfaitement au portrait-robot. Ancien pompier de Paris, travaillant aujourd’hui comme responsable sécurité dans une  entreprise où l’on exige un casier judiciaire vierge pour la fonction, Georges le répète, il n’a aucun intérêt à jouer les monte-en-l’air. « Je ne penserai même pas à faire ce genre de choses ! » bougonne l’ancien militaire à la barre. A l’époque des  faits, l’homme souffre en plus d’une hernie discale. Reste que l’huissier, la veille du cambriolage, se souvient d’un coup de fil de Georges lui demandant si sa femme avait démissionné de son poste. Une légère bisbille entre les époux et des problèmes financiers (Madame a contracté des emprunts sans en parler à Monsieur…) attise la suspicion des enquêteurs. Ancienne employée chez l’huissier cambriolé, l’épouse de Georges n’a pas osé parler de « démission » à son époux mais de « licenciement économique ».

Mis au courant tardivement de la vraie nature de la rupture de contrat de sa moitié, Georges, maladroitement, passe cet appel à l’huissier. Son épouse a, depuis,  retrouvé un emploi. Mais l’acharnement des enquêteurs à voir dans l‘ancien pompier un coupable idéal agace Georges, qui se plaint à la barre : « Les questions de l’OPJ (Officier de police judiciaire) étaient à charge. Il ne tenait aucun compte de mes réponses, il a avancé que ma femme et moi étions proches du divorce alors qu’on est toujours ensemble ». Les enquêteurs avancent que  le jour de la perquisition chez lui et pendant sa garde à vue en mars, Georges semblait parfaitement  au courant de ce qui avait été dérobé, avant même qu’on lui pose des questions…  Pour le parquet, « il y a des indices mais pas de certitudes. Et le fait que monsieur réponde aux questions avant qu’on les lui pose est troublant ». Aucune assurance pour le ministère public, qui faute de preuves, requiert la relaxe. Me Pierre Cuinat, qui assure la défense de Georges, note qu’ « on ne retient que la déduction de l’huissier. Mon client a aussi fourni toutes ses chaussures aux enquêteurs, aucune n’a été conforme à l’empreinte retrouvée. C’est le type même d’enquête à ne pas faire. Aucune question n’a été posée au voisinage de l’immeuble pour un vol en journée, on a fermé toutes les autres pistes pour se focaliser sur mon client, la démission de son épouse remontait à 2013, le mobile est très fragile. » L’avocat plaide la relaxe pure et simple. Qu’il  obtient sans problème.

Florence Genestier