Chalon sur Saône
Comédienne dans "Et pendant ce temps Simone veille", Fabienne Chaudat se livre à info-chalon.com
Publié le 26 Février 2017 à 10h44
Régionale de l’étape puisqu’issue de Pierre-de-Bresse, Fabienne Chaudat se rappellera peut-être, le mardi 14 mars prochain à 20h30, du temps où elle était pionne dans les établissements scolaires chalonnais Jean-Zay et Mathias (« la fabiche » était alors son sobriquet). Mais cette fois c’est sur les planches de la salle Marcel-Sembat qu’elle donnera de la voix, en incarnant une Simone qui n’aura de cesse de remonter à la surface les dates clés inhérentes aux droits de la femme, lesquels ont posé les jalons d’une émancipation encore pas au bout de ses peines…A quelques encablures de la Journée de la Femme –le 8 mars-la brûlante actualité s’acoquinera avec la pièce afin de faire œuvre utile, tout en plaçant au firmament les situations poilantes. Interview pour info-chalon.com
Quand on vous a proposé le rôle en or de Simone, quelle a été votre réaction, et en quoi consiste-t-il ?
« Ma réaction, ça a été tout de suite Trinidad, une fille que j’entendais sur France Inter, elle a été chroniqueuse pendant huit ans chez Bern. Elle avait un humour, une intelligence d’écriture, était vraiment drôle, j’avais vu deux de ses spectacles, et trouvé ça formidable. Je suis Simone, je casse le quatrième mur, c’est-à-dire que je suis avec le public pour lui reparler des dates, toujours avec humour et pas du tout d’une façon didactique. D’ailleurs ce sont des choses qu’on avait largement oubliées, les gens sont ravis, nous disent après que c’est formidable cette piqûre de rappel. Donc c’est un personnage plutôt haut en couleur, puisque nous avons trois lignées de femmes sur quatre générations, et qui tout d’un coup lorsqu’elles sont sur un banc dans les années 50 à parler de l’avortement, je suis là pour leur dire : « hé, pas question, on ne parle pas de ce genre de choses-là », et voilà. Alors j’explique le pourquoi du comment. Ca a été pour moi une joie de participer. On est véritablement sur du beau spectacle.»
Peut-on spontanément rire de la condition féminine lorsque l’on connaît son passif et la difficulté pour la femme d’être officiellement l’égale de l’homme en 2017 ?
« Mais bien sûr que l’on peut beaucoup rire ! Comme dit Trinidad, le rire c’est la gorgée d’eau, c’est la pilule. Eh oui, car il y a encore pas mal de pilules à faire passer ! Donc rions joyeusement avec les constatations. C’est toujours une histoire de constats, il n’y a aucune revendication dans le spectacle. Posons-nous la question : maintenant en 2017, sommes nous prêts, sommes-nous capables d’avancer ensemble, les hommes et les femmes, dans l’égalité avec nos différences ? On arrive en 2017 où les arrière-petites-filles des femmes dans les années 50 cherchaient à se faire avorter en toute illégalité en Belgique ou en Angleterre, et là ces arrière-petites-filles vont se faire inséminer en Espagne. Réfléchissons !»
Est-ce une gageure que d’avoir un homme comme metteur en scène ?
« C’est un bonheur extraordinaire, un homme formidable et moderne qui aime les femmes, un très bon metteur en scène. Il a vraiment su tirer de l’écriture de Trinidad et des comédiennes le meilleur pour faire effectivement ce spectacle. L’année dernière on a fait Avignon, sur vingt-quatre représentations on a eu vingt-trois standing ovations ! Le seul jour où les gens ne se sont pas levés, c’est le 15 juillet, il pleuvait sur Avignon, et il y avait eu l’attentat du 14 juillet. Les gens étaient ravis, ont ri, mais on sentait qu’inconsciemment il y avait un truc qui était lourd. »
Vient-on voir la pièce plus pour le parcours des combattantes que pour s’en amuser, ou l’inverse ?
« On s’est rendu compte qu’avec le bouche-à-oreille il y avait des salles où beaucoup d’hommes étaient enchantés, sans qu’ils disent cependant : « Ben dis donc, qu’est-ce qu’on a pris dans la tête ! »Non, pas du tout. On n’a pas à dire aux hommes d’aujourd’hui : « Eh bien dites donc les mecs … Non, non, non, c’était comme ça, voilà ! Il y a des hommes qui ont fait des lois contre nous à une époque, et puis d’autres nous ont aidées, parce que finalement, disons : merci Giscard d’Estaing, parce que Mme Simone Veil, qui a été effectivement pour nous une femme extraordinaire, c’était sous Giscard. Donc les gens viennent pour les deux choses, parce que souvent ils disent : « Oh là là qu’est-ce qu’on a ri, c’est formidable… », mais dessous, il y a un sujet qui est fort, et c’est agréable de se souvenir des choses, de ne pas oublier d’où l’on vient. Pour nous c’est important cette transmission, surtout pour les jeunes. Christiane Taubira, qui est venue voir le spectacle, a dit deux choses. La première, c’est qu’elle avait trouvé ça formidable et qu’elle avait passé un bon moment, et la seconde, c’est que tous les lycées devraient voir le spectacle. Tous, tous. »
Le féminisme, un sujet inépuisable ?
« Je ne sais pas si on en verra un jour la fin, mais ce sera un truc où les jeunes vont rire en se disant : « Ah, les féministes ! Il fallait se défendre, et tout ce qui s’ensuit. » Je ne sais pas dans combien d’années on pourra dire ça, mais pour l’instant c’est inépuisable, et j’espère qu’un jour ce sera terminé. »
Finalement, s’agit-il d’un spectacle qui culpabilise directement ou indirectement la gent masculine ?
« Absolument pas, il n’y a aucune culpabilité à avoir, les choses étaient comme ça. C’est vrai que si tout d’un coup un mec en 2017 nous dit qu’il fallait que les femmes demandent jusqu’en 1965 l’autorisation à leur mari pour aller travailler, à un moment donné on va se dire qu’il faut qu’on aille lui parler, lui expliquer un petit peu la vie ! Les choses étaient telles qu’elles étaient, maintenant elles sont telles qu’elles sont, mais en revanche nous sommes là, présents, hommes et femmes pour se poser la question et continuer ensemble sur un pied d’égalité. »
Si vous deviez résumer votre itinéraire artistique ?
« De Pierre-de-Bresse à Paris, je suis heureuse de ce que j’ai fait et ce que je fais, des choses très différentes. Depuis 2009 j’enchaîne avec le théâtre, et je tournicote un peu moins. J’ai eu une nomination au Molière de la comédienne dans un second rôle en 2010 sur « Colombe », d’Anouilh, dont j’ai été assez fière quand même. J’ai tourné un petit truc pour la télé qui s’appelle « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?», sur trois épisodes, mais si vous regardez ma filmographie, j’ai quand même plus d’une quarantaine de films, au cinéma et à la télévision. Je travaille avec des gens formidables, et là je suis avec une équipe formidable pour cette pièce. Tout est possible. »
Comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?
« Pour l’instant je suis Simone qui veille, et j’ai l’impression que je vais veiller un moment. Je suis vraiment à fond, je pense que c’est un spectacle nécessaire, on prend un tel plaisir ! J’espère qu’on le tournera un bon moment avec le franc succès que nous avons eu l’année dernière à Avignon. On a une bonne tournée qui devrait arriver pour 2017-2018. »
Un quatuor qui n’aura pas sa langue dans sa poche…
Fabienne Chaudat a intégré le groupe en 2015. Dans la cité de Niépce elle aura pour partenaires Trinidad (par ailleurs auteur), Agnès Bove (la bourgeoise), et Anne Barbier (la Française un peu moyenne).
Les modalités pratiques
Tarif normal : 25,00 euros, tarif réduit (plus de 60 ans, étudiants, demandeurs d’emploi…) : 22,00 euros. Davantage d’infos auprès d’A Chalon Spectacles : 03.85.46.65.89, [email protected] Points de vente habituels, et sur les réseaux Ticketnet, et France Billet.
Propos recueillis par Michel Poiriault
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