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« Avec l’élection d’Emmanuel Macron, les prédateurs sont-ils au pouvoir ? » : la question que soulèvent les travaux de Monique Pinçon-Charlot et son mari Michel Pinçon
Publié le 12 Mai 2017 à 15h51
Avec « Les prédateurs au pouvoir. Mains basse sur notre avenir », Monique et Michel sont de retour et ils ne sont pas contents, mais alors pas du tout.
Il fut un temps, pas si loin que ça d’ailleurs, où, à l’ « Université d’été du PS », quand celle-ci existait encore, les cadres et militants du « parti d’Epinay » pouvaient encore se faire moquer voire remonter les bretelles par celle que des vieux de la vieille appelaient, non sans une certaine tendresse, « la Monique ». En participant à l’un des « ateliers » où elle ne manquerait pas de dire sa façon de penser, avec le sourire mais fermement, ils leur arrivaient même d’apprendre des choses. Encore fallait-il qu’ils n’aient pas préféré aller faire trempette, se pavaner sur le vieux port de La Rochelle ou manigancer diverses stratégies pour contrôler à plus ou moins brève échéance l’appareil d’un parti moribond, dans quelque arrière-salle, même plus enfumée, d’un resto de la cité en son temps mise au pas par Richelieu…
Mais depuis que la plupart des apparatstchiks ont quitté le navire solférinien pour rejoindre l’arche de Noémmanuel, ceci avant même le premier tour de la présidentielle, plombant ainsi la candidature du pauvre Benoît, ce temps-là est probablement révolu. Pourquoi, en effet, « la Monique » irait-elle perdre son temps au milieu de ce qui constituerait désormais, à l’en croire, l’une des plus efficaces courroies de transmission de cette oligarchie à propos de laquelle elle et son mari, dans le sillage de Bourdieu, ne cessent de « vendre la mèche » [1], pour tenter de la combattre ? Pourquoi frayerait-elle encore avec le Parti socialiste, si d’aventure ce dernier devait survivre à l’irruption d’En Marche ! et de son grand timonier dans le jeu politique français ? Autant offrir les œuvres complètes de Marcel Proust à celui qui fut longtemps le dirigeant et synthétiseur fou, comme il y eut un chapelier du même nom, de cette vague émanation de la Section française de l’internationale ouvrière de Jaurès qu’est devenu le PS, c’est-à-dire l’ex-président de la République François Hollande, qui se vantait encore il y a peu de ne jamais lire aucun livre… Par ailleurs, pas sûr que ceux qui désormais jouent sans complexe, en transe et en T-shirt aux couleurs de l’arc-en-ciel, des « Te Deum » sur le passage de Saint-Emmanuel aient envie de voir dans le miroir que Monique et Michel leur tendent – pour admirer, sous toutes les coutures, leur état de décomposition intellectuelle, politique et même morale – un portrait qui pourrait ressembler, à s’y méprendre, à celui de Dorian Gray, dans le conte éponyme d’Oscar Wilde.
Mais laissons de côté pour l’instant ces supputations, que le temps validera ou non, pour nous concentrer sur ce qui mérite vraiment, ici, d’être examiné, à savoir le petit opuscule que Monique et Michel ont publié en mars dernier chez Textuel : Les prédateurs au pouvoir. Main basse sur notre avenir [2].
Spécialistes de la bourgeoisie, dont ils ont depuis longtemps entrepris de faire la sociologie [3], ainsi que fins connaisseurs des riches [4], de leurs us et coutumes [5] mais aussi des valets qui les servent afin de participer au festin des puissants, comme Jacquouille la Fripouille se jetant sur les morceaux de bidoche balancés par Godefroy de Montmirail dans le premier volet des Visiteurs, Monique et Michel continuent, dans ce petit livre écrit avec de l’acide sulfurique, de nous mettre en garde contre la cupidité de tous ceux qu’ils semblent à présent ranger derrière le vocable d’ « oligarchie ».
Comment ? En réalisant, cette fois-ci, un ouvrage un peu moins scientifique sans doute que polémique, mettant à jour les stratégies employées par ladite oligarchie pour mener, à son profit, une « guerre des classes » [6] qui fait actuellement des ravages, laissant sur le carreau les trois quarts de l’humanité. En opérant, dans le même temps, une assez brillante et percutante synthèse de tout ce que le quidam peut encore découvrir ci et là dans la presse non détenue par ces « multimillionnaires de France, Arnault, Bergé, Bolloré, Dassault, Lagardère, Niel, Pinault ou Rotschild » qui « achètent les grands médias pour anéantir la réflexion et le sens critique » [2], une thèse qu’un récent article particulièrement fouillé de Marie Bénilde, dans Le Monde diplomatique de mai 2017, n’est d’ailleurs pas sans accréditer [7]. En passant, aussi et surtout, tout cela au crible d’une pensée certes marxisante, mais demeurant d’actualité puisque même François Bayrou et Emmanuel Macron s’y réfèrent implicitement, tous deux ayant déclaré croire en la lutte des classes, ce concept très tôt forgé par Marx [8], le premier en janvier 2013 [09], le second en novembre 2016 [10]... En démontrant par ailleurs assez nettement que « la mobilisation intense et systématique de l’oligarchie » est celui d’ « une classe sociale qui existe, selon la théorie marxiste, en soi, c’est-à-dire objectivement, et pour soi, c’est-à-dire subjectivement, avec la conscience d’appartenir à cette classe, perçue comme une grande famille, un réseau et un carnet d’adresses bien rempli » [2]. En illustrant également « l’efficacité du collectivisme grand bourgeois qui met en commun, au-delà des richesses qu’il détient, des pouvoirs partiels qui ensemble font la réalité du pouvoir » [2]. En expliquant, enfin, pourquoi, en France, « les oligarques se regroupent massivement autour de la candidature de Macron » : parce « qu’il représente un recours présentable à tous les citoyens qui ne sont plus en mesure du seul fait de leur lobotomie effectuée par les médias des patrons du CAC 40, de comprendre que c’est un requin de la finance qui offrira les ors de la République à ses camarades de classe » [2].
Une explication plausible, que cette dernière ? Une chose est sûre à présent : Emmanuel Macron devenu le Président au soir du dimanche 7 mai 2017, la République sauvée de celle qui « est en osmose parfaite avec le ‘’système’’ qu’elle dénonce » [2], nous allons avoir l’occasion de nous faire une idée…
Samuel Bon
[1] La sociologie est un sport de combat, documentaire de Pierre Carles, 2001, 2 h 26 mn
[2] Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon, Les prédateurs au pouvoir. Main basse sur notre avenir, Textuel, 2017, 63 p, 8 euros
[3] Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon, Sociologie de la bourgeoisie, La découverte, coll. « Repères », 2000
[4] Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon, Le président des riches. Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy, Zones, 2010
[5] Monique Pinçon-Charlot, Michel Pinçon, L'Argent sans foi ni loi, Textuel, 2012 ; La violence des riches - Chronique d'une immense casse sociale, Zones, 2013 ; Tentative d'évasion (fiscale), Zones, 2015.
[6] François Ruffin, La guerre des classes, Fayard, 2008
[7] Marie Bénilde, « Emmanuel Macron, fabriqué pour servir. Le candidat des médias », Le Monde diplomatique, mai 2017, p 9
[8] Pour Marx, « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes » (Karl Marx, Le manifeste du parti communiste, 10/18, (1848) 1962, p 19
[9] http://www.bfmtv.com/politique/bayrou-croit-a-lutte-classes-423564.html
[10] L’Obs, 17.11.2017 ; https://www.pressreader.com/france/lobs/20161117/281801398547053
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