Chalon sur Saône
Portrait d’une danseuse professionnelle mexicaine installée à Chalon-sur-Saône.
Publié le 19 Mai 2017 à 07h14
« Vous savez, mes grands-parents habitent Chalon-sur-Saône depuis 1971 et maintenant mon père. Alors ici, c’est ma deuxième maison !» (Lorena Kesseler)
Info-chalon.com lance une série de portraits de femmes et d’hommes de Chalon-sur-Saône ou du bassin chalonnais. Aujourd’hui, c’est Lorena Kesseler danseuse professionnelle mexicaine installée à Chalon-sur-Saône qui a répondu à nos questions. En toute simplicité, la jeune femme au gré des échanges nous fait part de toutes les difficultés qu’elle a rencontrées pour arriver au meilleur niveau de la danse classique à l’Ecole Nationale de Mexico : c’est à dire 1ère soliste.
« Je m’appelle Lorena Kesseler. J’ai 33 ans, je suis franco-mexicaine. Je suis née dans le village de Health Spec dans l’état de Waraqa au Mexique. Mon frère Yvan et ma maman Yvonne résident au Mexique alors que mon papa Jean-Paul et ma grand-mère Mounette résident à Chalon-sur-Saône. Mon histoire avec la danse a commencé à l’âge de 9 ans quand j’ai voulu découvrir et commencer cette discipline. Malheureusement, c’était déjà un petit peu tard, car pour les jeunes filles, la danse doit se pratiquer dès le plus jeune âge. Néanmoins, je me suis inscrite à des cours particuliers dans une petite école de danse classique « une académie » à Mexico où je résidais à l’époque. Je dois dire qu’au début, c’était juste pour essayer et pour voir si cela allait me plaire. Au bout d’un an, j’étais tombée complètement amoureuse de ce sport. Je suis passée également par l’étape, où je voulais tout arrêter car j’en avais marre, mais j’ai persisté. Dès lors, j’en suis tombée complètement folle amoureuse, de cet univers.
C’est à ce moment là que j’ai décidé d’en faire ma profession. A l’âge de 13 ans, avec mon père, qui vivait au Mexique avec moi, nous avons cherché une école professionnelle afin que je puisse suivre des cours de danse plus poussés. Je voulais intégrer l’Ecole National de Danse de Mexico, mais j’ai vite compris que les autres danseurs avaient un niveau plus élevé que le mien. J’ai dû prendre des cours privés pour élever mon niveau afin de pouvoir réussir mon concours d’admission. Cela a été très dur, mais j’y suis arrivée, et je suis entrée dans cette école à l’âge de 14 ans. A ce moment là, je commençais à 7 heures 30 le matin et je terminais à 19 heures le soir, tout en faisant aussi bien de la danse que mes études.
A l’âge de 19 ans, j’ai obtenu une bourse pour aller étudier 1 an au Canada, plus précisément au Québec. Là, j’ai fait 1 an d’études à l’Ecole Nationale de ballet contemporain et en même temps je poursuivais mes études scolaires. J’ai eu la chance alors d’être repérée et d’intégrer la Compagnie du jeune ballet du Québec, une très bonne expérience pour moi, car à ce moment là, cette jeune compagnie professionnelle regroupait beaucoup de chorégraphes et effectuait de nombreuses représentations partout au Canada. Après avoir terminé mon année au Canada, j’ai décidé de retourner au Mexique où j’ai intègré la Compagnie Nationale de Danse de Mexico. Là, on m’a proposé un contrat pour faire partie de la troupe de cette compagnie, dans un premier temps, comme corps de ballet.
Pendant 10 ans, je vais travailler dur pour gravir tous les échelons : Corps de ballet, Coryphée, soliste et 1ère soliste. De nombreuses représentations sont organisées dans tout le Mexique mais aussi aux Etats Unis. Je suis restée dans cette compagnie comme 1ère soliste pendant les trois dernières années. En 2015, je fais mes adieux à cette compagnie, car j’ai décidé de tenter ma chance en Europe afin de découvrir la danse contemporaine qui me passionne. En 2016, j’arrive donc en Europe pour passer des auditions et une nouvelle fois, je m’aperçois que le niveau de danse contemporaine est plus élevé en Europe qu’ailleurs. D’un autre côté, c’est normal car elle est née ici, cette danse. Je dois donc de nouveau, prendre des cours particuliers, pour m’adapter à toutes ces nouvelles techniques. Suite à une audition, je réussis à décrocher un contrat à Madrid dans le ballet de Victor Ullate. Pendant 9 mois, avec lui, j’ai beaucoup appris des nouvelles formes chorégraphiques ainsi qu’une autre manière de danser. Nous avons donné beaucoup de représentations avec cette compagnie en Espagne et en France. Je n’ai pas demandé à faire renouveler mon contrat car je suis tombée dans une période de réflexion sur mon orientation professionnelle. Je suis donc revenue en France à Chalon-sur-Saône, auprès de ma famille, où j’ai décidé que mes prochains projets professionnels se dérouleraient ici ».
Comment est née cette passion pour la danse ? Curieusement ma passion pour la danse n’a pas été immédiate. Il m’a fallu un temps pour devenir vraiment passionnée, comprendre que la technique de la danse classique nécessite beaucoup de travail, de concentration, de conscience corporelle. J’ai commencé à me sentir à l’aise quand j’ai vu que je faisais des progrès et c’est en allant voir le Ballet du Casse-Noisette à l’Opéra de Mexico que j’ai pris conscience de vouloir devenir une danseuse professionnelle.
Où avez-vous dansé et pour quels grands ballets ? « La « Companía Nacional de Danza » de México a été ma maison pendant dix ans, quasiment toute ma carrière. Là, j’ai gravi les échelons jusqu’à devenir première soliste. J’ai dansé les principaux Ballets du répertoire classique comme Le Lac des Cygnes, Giselle, La Belle au Bois dormant. La Compagnie m’a donné l’opportunité de danser des chorégraphies contemporaines intégrées dans sa programmation.
Est-ce un milieu difficile ? La profession de danseur (se) est très courte. Elle commence et termine tôt, tout dépend de chaque corps et de chaque danseur (se). Cela rend cette profession difficile, puis apprendre la technique de la danse classique est d’une exigence absolue pour après passer des auditions être remarqué et pouvoir être intégré dans une Compagnie afin de réaliser ses rêves. C’est un milieu compétitif et individuel.
Votre meilleur souvenir ? J’ai beaucoup de bons souvenirs ! Celui que je conserve plus spécialement est la représentation du Ballet du Lac des Cygnes à Mexico, sur une scène installée en plein milieu d’un lac et dans un bois. Ce décor naturel accentue la dimension romantique de ce Ballet. Physiquement, c’est très dur mais c’est un spectacle qui se présente depuis 30 ans déjà dans cet espace, c’est devenu une tradition à Mexico pour les familles d’aller voir ce Ballet. J’ai fait partie de ce spectacle quand j’étais étudiante à l’école, quelques années plus tard en faisant partie du Corps de Ballet de la Compagnie puis j’ai commencé à gravir les échelons en dansant d’autres rôles plus importants jusqu’à celui d’Odette (rôle principale). Ce Ballet a une place très importante dans mon cœur et dans l’évolution de ma carrière de danseuse.
Pire souvenir ? La déstabilisation de toute une Compagnie après le décès d’une danseuse, suite à une mort subite.
La plus belle rencontre ? Lorsque des répétiteurs ou chorégraphes d’autres Compagnies internationales étaient invités pour venir travailler avec nous pendant une période pour le montage d’un Ballet. Ce sont des périodes très riches, d’apprentissage, de partage que j’appréciais énormément. C’était dur quand le séjour de chacun arrivait à sa fin, en général après la « première » du Ballet car on les sentait déjà comme des membres de notre Compagnie.
Avez-vous fréquenté le Conservatoire du Grand Chalon ? Au Conservatoire, j’ai été accueillie chaleureusement et avec bienveillance par la direction et le corps professoral. C’est un espace dans lequel il y a des échanges interdisciplinaires enrichissants dont je profite depuis quelques mois appréciant chaque jour davantage ce lieu de vie, d’études et de partage.
Vos projets ? Je suis dans une phase de changements, un nouveau projet de vie que je cherche à mettre en place ; une nouvelle étape.
(Photographies de ballets transmis par Lorena Kesseler, crédit photographique Carlos Quezada)
J.P.B.
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