Opinion de droite
"Réforme du travail : la révolution n’a pas eu lieu" pour Charles Landre
Publié le 06 Septembre 2017 à 20h17
"La campagne présidentielle avait accouché d’une promesse. Les lourdeurs administratives, le poids des normes et des charges, les réglementations inadaptées encadrant le travail, tout serait modifié par ordonnance à la fin de l’été. Maintenant que le contenu presque définitif des ordonnances a été présenté par le Premier ministre, Edouard Philippe, force est de constater que nous sommes loin de la révolution annoncée par le président de la République" lance Charles Landre.
"Sur plusieurs points la réalité des petites et moyennes entreprises est bien prise en compte. En matière de convention collective par exemple, la modulation dans le temps des décisions judiciaires (qui s’imposaient jusqu’alors de façon brutale et rétroactive aux entreprises). La possibilité pour les PME de ne plus recourir automatiquement au mandatement syndical mais de négocier directement avec un représentant des salariés et de procéder au référendum d’entreprise dans les TPE de moins de 20 salariés vont aussi dans le bon sens.
Le plafonnement des indemnités prud'homales à 3 mois de salaire jusqu'à deux ans d'ancienneté, puis progressivement augmenté jusqu'à 20 mois pour 30 ans d'ancienneté, et la hausse conjointe des indemnités légales de licenciement semblent également procéder de relations plus équilibrées entre salariés et chefs d’entreprises de TPE/PME. Enfin, la Création d’un comité social et économique par fusion des instances représentatives du personnel, pour peu qu’il soit bien organisé peut rendre ces instances plus efficaces.
Mais la question des seuils sociaux qui empêchent tant de TPE et de PME d’embaucher est à peine effleurée alors qu’il s’agit d’un des principaux freins au développement des petites entreprises.
Deuxième point important des ordonnances, la réforme des branches. La caractéristique des CDD (durée, nombre de renouvellement, carence...) pourront notamment être négociées dans les branches professionnelles, alors qu'elles étaient fixées par la loi auparavant. Cette partie des ordonnances est conditionné à une vraie restructuration des branches, un chantier important que doit mener le gouvernement. A la lecture des ordonnances, le risque existe toutefois d’un déséquilibre entre l'accord d'entreprise et l'accord de branche s’installe. Et s’il faut réinstaller du dialogue social dans l’entreprise et prendre en compte la réalité du travail en leur sein, c’est par la loi, puis par les accords de branches, enfin par la discussion au sein de l’entreprise, que les relations au travail doivent être organisées. Pas l’inverse.
Nous devons être extrêmement vigilant sur ce point et rejeter tout ce qui procéderait non d’une prise en compte des spécificités des activités mais d’une inversion de la hiérarchie des normes.
Il est enfin un point des ordonnances qui nourrit au mieux des interrogations au pire de graves inquiétudes. L’appréciation du licenciement économique se désormais évaluée au regard de la santé française d’une entreprise (et non de sa situation économique générale) sans possibilité pour les partenaires sociaux d’en vérifier la véracité. Le gouvernement l’a refusé. Cette mesure présente des dangers importants, notamment vis-à-vis des multi-nationales qui pourront utiliser leur sites français comme variables d’ajustements en présentant des résultats invérifiables. S’il est un domaine, dans une économie mondialisée où il faut protéger le travail et les salariés c’est celui-ci. La majorité choisit la voie inverse.
L’occasion était donné au gouvernement de poser les premiers jalons d’une réforme ambitieuse du travail qui permette de libérer la création d’activités et encadre juridiquement de nouvelles formes de travail. C’est un des enjeux majeurs aujourd’hui que de comprendre l’évolution du travail et préparer le cadre du monde de demain. Cela doit se faire autour de trois impératifs : permettre la création de nouvelles formes de travail qui génèrent un revenu réel ; mettre en œuvre une protection sociale qui couvre le chant de toutes ces activités ; installer des règles sociales et fiscales plus simples et plus justes. Ca n’est pas la direction prise par ces ordonnances. L’annonce du doublement du plafond des auto-entrepreneurs va dans le même sens, fragiliser les plus faibles (en l’espèce les artisans) en installant des activités nouvelles en fragilisant les revenus et la protection sociale. Le cas de l’entreprise Uber constituait pourtant un exemple parfait de précarisation du travail lorsqu’il n’est pas encadré par des règles qui prennent en compte ces trois impératifs.
Nous avons plus que jamais besoin que la représentation nationale se saisisse de cet enjeux essentiel qu’est le travail. Mais de l’été parlementaire ont retiendra une majorité atone (le député de la 3ème circonscription de Saône-et-Loire aura proposé ou signé 0 amendements, ce qui suppose que les textes proposés étaient textes parfaits) et aux ordres du gouvernement.
A ce grand défi de notre époque qu’implique de penser le travail et inventer les modèles de demain nous devons pourtant répondre par un grand débat national. Il existe tant d’énergies dans notre pays, tant de français qui veulent travailler, tant d’idées entravées par un environnement trop complexe, que nous devons faire cet effort. Ne pas annoncer de révolution qui n’en soit pas, imaginer le monde de demain, en préparer le cadre, c’est le sens de l’action politique".
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